Liberté, Égalité, Gender

Les êtres humains naissent peut-être libres et égaux, mais ça ne dure pas longtemps : les hommes au bureau, les femmes à la cuisine, et les homosexuels « au placard » ; quant aux enfants, c’est dans une prison culturelle que débute leur vie. Alors, où est la liberté, où est l’égalité ? On a cru un temps qu’en envoyant les femmes au bureau, les homosexuels sur le petit écran, et les enfants à l’école, chacun pourrait se libérer de ses déterminismes. Mais on ne guérit pas si facilement d’être né. Comme de la maladie, nous sommes les esclaves des déterminismes que la nature et la société nous ont arbitrairement imposés. Quelle injustice ! À quoi bon être humain, doué de raison et d’imagination, si c’est pour demeurer dans cet état de servitude ? La quête de la liberté et de l’égalité est comme l’imagination, sans limites. La liberté et l’égalité ne peuvent progresser dans nos existences qu’en détruisant les déterminismes, les identités, pour laisser apparaître, progressivement, l’être humain dans sa pure nature. Atteindre l’homme dans son essence en le dégageant des contingences : c’est à cette utopie de perfection angélique que participe la théorie du genre.

Pour accéder à cet état de perfection, l’homme doit devenir parfaitement autonome, c’est-à-dire libre, et il ne peut le demeurer que si tous sont égaux. Il s’agit donc non seulement de se libérer (en détruisant), mais aussi de maintenir ensuite cette liberté en établissant, en construisant un état artificiel d’égalité complète. On le voit, la théorie du genre est issue des idéaux de liberté et d’égalité. Elle est en cela profondément républicaine. Elle ne vise pas seulement une égalité formelle, mais une égalité réelle, par-delà les données de la culture et de la nature. Ce progrès libératoire est poursuivi dans tout ce qui différencie les êtres humains entre eux. Le sexe n’en est qu’un aspect.

Le droit, comme outil de représentation et de transformation sociale, est devenu un instrument de ce « progrès » à mesure que son idéal de justice s’est confondu avec celui d’égalité, à mesure que l’égalité a succédé à l’équité comme finalité du droit. Depuis lors, le droit se reconstruit vers cette finalité autour du concept de « non-discrimination », concept qui absorbe des pans entiers de la logique juridique. Alors que l’équité est statique et en prise avec le réel (donner ou rendre à chacun son dû), l’égalité, comme toute finalité idéale, introduit le droit dans une dynamique sociale, en perpétuelle recherche d’inégalités à corriger, de déterminismes à surmonter.

La lutte contre les inégalités est au cœur des droits de l’homme. En 1950, lorsque la Convention européenne des droits de l’homme a été adoptée, la discrimination selon le sexe était interdite : il s’agissait d’assurer l’égalité des sexes, et plus concrètement, la libération de la femme face à l’homme. Puis, a été introduite progressivement l’interdiction des discriminations fondées sur l’orientation sexuelle : il s’agissait d’assurer l’égalité entre homosexuels et hétérosexuels, et plus concrètement, d’assurer la libération de la sexualité face à la nature. Aujourd’hui, la « déconstruction des stéréotypes de genre » et l’interdiction des discriminations fondées sur l’identité de genre s’impose. Elle vise à assurer une libération globale – face à la nature et à la culture – de la personne dans son identité sexuelle. L’identité de genre : c’est l’imagination au pouvoir, la liberté rêvée qui devient réalité.

La notion d’identité de genre est une ré-objectivisation du sexe, après sa subjectivisation par l’orientation sexuelle : c’est une tentative de reconstruction de la réalité, mais d’une réalité fondée sur la liberté qui re-détermine et s’impose non seulement à la nature mais aussi aux perceptions et usages sociaux. Le gender veut libérer l’être humain, non seulement d’être né homme ou femme, mais aussi d’être né au sein d’une culture particulière qui impose des stéréotypes, des conformismes sociaux et des conceptions jugées étroites et relatives de l’être, de la parentalité, de la reproduction.

La société préfère la liberté à son objet : ce qu’elle aime dans la liberté d’opinion, ce n’est pas d’avoir des idées, mais de pouvoir en changer. En matière sexuelle, il en est de même : la vraie liberté, c’est de pouvoir changer.

La quête de liberté est une quête d’infini ; le transsexualisme est le symptôme le plus aigu d’une maladie très répandue, dont le syndrome est de se sentir prisonnier de sa propre existence corporelle et sociale. Finalement, le « genre » en est l’un des remèdes imaginaires : il consiste à faire passer l’état maladif pour la santé.

Chronique publiée originalement dans La Nef en octobre 2011.

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38 Comments

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  • Tarantik Yves , 31 mai 2013 @ 10 h 59 min

    Relisez le lentement Samovar et vous comprendrez…
    Rien d’ignoble mais il est vrai quelques passages au second degré… ce qu’on appelle l’ironie.

  • Tonio , 31 mai 2013 @ 10 h 59 min

    Alphonse Allais, lui, proposait déjà d’inventer un moyen d’ôter au caoutchouc cette souplesse qui le rend impropre à tant d’usages…

  • J. Elsé , 31 mai 2013 @ 11 h 46 min

    Quand allons-nous nous préoccuper du sort des vaches, enfermées dans leur rôle de donneuses de lait (et des taureaux uniquement donneurs de semence) ? C’est vrai : ces exploiteurs de paysans (ceux qui ne sont pas en faillite bien sûr) devraient traire les taureaux plutôt que les vaches ne croyez-vous pas ?
    En ce qui concerne l’égalité, c’est une chimère anti-naturelle : quelle égalité y a-t-il entre un moustique et une baleine ou entre un ancien ministre, sa grande gueule et ses quelques centaines de millions et moi, discret avec mes 850 et quelques euros de retraite mensuelle ?
    La seule égalité, et c’est une des grandeurs (plus pour très longtemps je le crains) de la France est que lui, comme moi avons le droit de dire ou d’écrire ce que l’on pense même si c’est complètement idiot !

  • Alienor , 31 mai 2013 @ 12 h 15 min

    Excellent article ! J’ai pu lire l’intégralité du dossier sur le genre réalisé par la Nef. Absolument fabuleux. Les origines, causes et conséquences de l’idéologie du genre y sont expliquées d’une façon remarquable. A lire et faire lire de toute urgence pour contrer cette idéologie délétère qui nie l’être humain au nom du nouveau totalitarisme égalitaire.

  • Bernard de Aldecoa , 31 mai 2013 @ 13 h 03 min

    La théorie du genre est une hétérophobie, critique illégale d’une orientation sexuelle majoritaire. Cela n’a rien à voir ni avec le droit, ni avec l’égalité, seulement avec la tyrannie d’une majorité par une minorité.

  • passim , 31 mai 2013 @ 13 h 57 min

    Malgré quelques facilités, cet article est intéressant.
    J’ai le regret de constater que, pour certains lecteurs, il n’est pas compréhensible de traiter d’un objet sous un angle descriptif. Il faut être “pour” ou “contre”, indignations à l’appui.
    Décrire une chose n’est pas l’approuver.
    Que la théorie du “gender” résulte d’une absolutisation de l’idée de liberté me parait une approche judicieuse. La passion “d’être soi”, aussi vague et orgueilleuse soit-elle, est dominante dans les mentalités modernes. Elle conduit à la négation obstinée de toute détermination, en particulier d’ordre génétique, et à l’absurdité de la théorie du genre.

  • Tirebouchon , 31 mai 2013 @ 17 h 52 min

    Liberté Egalité Choucroute……………….Un vrai galimatia ! Et pourquoi pas le paradoxe de Parménide ou Casanova au pouvoir….ou la recette du beurre d’escargot….La France est dans la merde il est d’urgence de nous donner des solutions pour bouter hors de l’élysée l’usurpateur et sa bande de cloportes ! Dénoncer les turpitudes cuculinaires des uns et des autres et savoir par quoi ils sont tenus pour partager une part du gateau ! ….

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