Tribune libre de Philippe Simonnot*, pour Nouvelles de France
Alors que l’Europe est secouée par des séismes physiques et financiers à grande échelle, qui risquent d’embraser les marchés à tout moment, de détruire l’euro et d’alourdir encore le fardeau de la dette, on attendait beaucoup de la première intervention du nouveau Président de la République. Allait-on entendre du Churchill, avec du sang et des larmes, ou au moins du Mendès France, avec de la méthode et de la franchise ? On a eu Flamby. Flamby est de retour. Dormez tranquilles, les enfants, on s’occupe de tout.
Dans un français parfois approximatif (deux fois nos oreilles ont été écorchées par un impropre « Nous avons convenu »), François Hollande s’est d’abord longuement complu à raconter sa première semaine parmi les Princes de ce monde en tant que chef d’État d’un « grand pays respecté » – cette formule a été répétée plusieurs fois comme s’il voulait s’en convaincre lui-même. On eût dit M. Le Trouhadec saisi par la débauche. À l’entendre, il était déjà dans l’action – alors qu’il ne s’agissait que de mots pompeux : en particulier la fameuse « croissance », dont il serait le plus éloquent avocat et qui grâce à lui trouverait enfin « toute sa place dans toutes les réunions ». Heureusement, il n’a pas osé répéter devant les téléspectateurs cette forte parole qu’il avait prononcée de l’autre côté de l’Atlantique le 21 mai dernier : « Je considère que le mandat qui m’a été confié par les Français a déjà été honoré ». Une telle outrecuidance nous aurait réveillés de notre assoupissement progressif d’hypnotisés par l’insouciance affichée.
On aurait pu lui demander s’il n’y avait pas eu quelque déloyauté vis-à-vis de nos partenaires européens à aller chercher alliance chez l’Oncle Sam, fût-il ce charmant Obama, pour essayer de contourner l’obstacle de logique rigoureuse qu’oppose la chancelière allemande à la logorrhée française. On le vérifie, il y a un fort tropisme atlantiste chez tout socialiste français. Mais la question n’a pas été posée par David Pujadas qui, sous Hollande comme sous Sarkozy, se complait dans une servilité sémillante. Gageons que cette mauvaise manière à l’égard d’Angela Merkel se paiera un jour prochain.
Bonhomme
Les massacres en Syrie ? Faut toujours un peu d’horreur dans nos assiettes de plateau-télé. Flamby a fait les gros yeux : Poutine est à Paris à la fin de cette semaine. Le tsar de toutes les Russies détient les clés de Damas. Vous allez voir ce que vous allez voir. La France est un grand pays respecté (bis).
Pour le reste, on a eu droit aux esquives habituelles. À propos du SMIC, ce fut une sorte de chef d’œuvre qui a fait retrouver à l’acteur télévisuel son sourire de Joconde. Il y aura donc un « coup de pouce », conformément aux promesses de la campagne. De combien ? L’œil de Flamby s’est allumé tellement la question était sotte. Bien sûr qu’il sortirait de son rôle s’il nous le disait. La décision, comme beaucoup d’autres, sera prise après « concertation » avec les sacro-saints partenaires sociaux. Justement, toute la journée, ces partenaires-là ont défilé à Matignon selon un scénario usé jusqu’à la corde. Savez-vous, Monsieur le Président, que chaque « coup de pouce » au SMIC, comme vous le dites si élégamment au « peuple de gauche », se paie par des milliers de chômeurs en plus et des centaines de PME en moins dans une France déjà gangrenée par un sous-emploi de masse ? Cette question, elle non plus, n’aura pas été posée.
Le Président est allé en chemin de fer à Bruxelles. Fort bien ! Au retour, il a raté son train et pris la voiture, ce qui a allongé d’une heure son cheminement jusqu’à à Paris. Où est le drame ? On a appris de sa bouche gourmande cette chose stupéfiante, bouleversante : Le Président de la République française se fiche pas mal de perdre une heure de son temps. Voilà-t-il pas une bonne nouvelle. Time is money – une vilaine expression anglo-saxonne, bonne pour les affreux traders. L’heure supplémentaire présidentielle, elle, ne vaut rien. Applaudissons à tant de bonhommie.
Dire une chose et faire le contraire
De même, M. le Président de la République française ne convoque pas – pour le moment du moins – les journalistes du prime time à l’Elysée, avec tout le tralala et l’énorme mathos qu’une telle invitation implique. Non pas ! M. le Président de la République française vient tout simplement à la rencontre des caméras de télé. On le vit donc, comme n’importe quel invité, attendre patiemment son tour jusqu’à 20h19 pour commencer de répondre aux questions de David Pujadas. Et comme le journaliste ne faisait pas assez remarquer cette humilité vraiment magnifique, « je préfère faire simple » a insisté l’invité, commentateur de son propre ordinaire. Un peu lourd comme dessert cette crème renversée !
Dernière astuce, digne de Janus. Le leader de la campagne électorale des législatives, c’est le premier ministre, qui est en même temps le chef de la majorité, doublé du chef du parti socialiste. François Hollande n’est ni l’un ni l’autre. En tant que chef de l’État, il ne se mêlera pas de cette cuisine. Mais comme il faut à ce même François Hollande une majorité pour qu’il puisse accomplir les promesses qu’il a faites aux Français, l’on a eu droit pour finir à un catéchisme électoral en bonne et due forme. Toujours la même performance, déjà notée dans ces colonnes : dans le même souffle, dire une chose et faire le contraire.
Aux mêmes heures, trois vedettes, Jean-Marc Ayrault, Laurent Fabius et Manuel Valls se disputaient la faveur des médias. Flamby a perdu son flambeau. C’est la seule nouveauté de la journée. L’hypo-président est né sous nos yeux.
*Philippe Simonnot publie le 31 mai prochain, chez Perrin, en collaboration avec Charles Le Lien, La monnaie, Histoire d’une imposture.
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