Plus les jours passent, plus l’élection présidentielle de 2017 apparaît différente de celles qui l’ont précédée. Jusqu’à présent, depuis 1974, le modèle en était l’affrontement entre la gauche et la « droite », le socialiste et le candidat issu de la compétition ou du consensus au sein du centre-droit. Il y avait eu une exception en 2002, en raison de l’éparpillement de la gauche entre de trop nombreux candidats au premier tour. Cette fois, à nouveau la gauche se disperse, mais c’est une explosion. Le PS ne sera sans doute pas le champion de la gauche comme d’habitude. Après des primaires chaotiques, dont l’organisation douteuse a éveillé des inquiétudes sinon des soupçons, la conclusion s’impose. Les militants et les sympathisants sont beaucoup moins nombreux. Cet affaiblissement du parti s’est traduit par des failles dans la tenue du scrutin, notamment l’évaluation de la participation. Les deux candidats retenus pour le second tour ne sont pas différents comme l’étaient Fillon et Juppé, ils sont frontalement opposés. Un seul parti, mais deux gauches irréconciliables ! Si Valls l’emporte, les électeurs de Hamon risquent de lui préférer Mélenchon. Si Hamon gagne sur une ligne dont Valls aura à juste titre dénoncé le manque absolu de réalisme, il est probable que les soutiens du Premier Ministre iront à la pêche ou rejoindront Macron, par dépit. Le candidat issu des primaires, qu’il assume le bilan calamiteux du mandat ou dise avoir été un frondeur, ne figurera pas au second tour de l’élection présidentielle. La hausse du chômage en décembre confirme l’inefficacité du pouvoir actuel. Il sera désavoué. Il le sera à l’extrême-gauche avec Mélenchon qui dépassera le candidat du PS. Il le sera à droite. Dès le premier tour de la primaire de droite et du centre, Fillon a réuni plus de suffrages que le PS n’a rassemblé d’électeurs.
Malheureusement, il a eu tendance à rentrer sous sa tente et n’a pas déclenché une campagne propre à soulever l’enthousiasme. Certes sa vision de la France et son programme n’annonçaient pas une partie de plaisir, mais ses partisans souhaitaient qu’il donne de la vigueur et du panache à cette volonté courageuse de redresser la France. Les dénégations sur les réformes sociales indispensables, la nomination d’un certain nombre de porte-parole d’une sensibilité différente ont affaibli le message et ont gommé l’originalité du personnage en reconstituant les assemblages de naguère peu propres à bousculer les mauvaises habitudes. La désignation de NKM pour le siège que Fillon abandonne, l’un des plus confortables de France pour la droite, est un geste qui rappelle la lamentable ouverture à gauche de Sarkozy. L’affaire de la rétribution de son épouse comme assistante parlementaire sera utilisée pour ternir l’image d’un « Monsieur propre ». Il est difficile de demander à la France une cure d’austérité si on ne semble pas se l’être appliquée à soi. La victoire de l’ancien Premier Ministre est-elle toujours aussi assurée ? Marine Le Pen pourrait arriver en tête au premier tour. Néanmoins, malgré la normalisation du Front National et avant que ses divisions internes ne soient trop perceptibles, le plafond de verre subsiste. Le rejet qui l’affecte réunit l’ensemble des autres formations politiques et la quasi-totalité des médias. Certains points de son programme, notamment à l’égard de l’Euro et de l’Europe, qui ne sont pas forcément les plus mauvais, risquent de soulever la peur du saut dans l’inconnu. De là à imaginer une mobilisation en faveur de François Fillon du peuple de gauche, il y a de la marge. Fillon l’emportera, mais l’atonie actuelle de sa campagne suggère l’hypothèse d’un succès limité et d’une abstention importante. Les législatives risquent d’en être moins glorieuses pour les Républicains. Cela rendra l’espoir d’une révolution conservatrice, déjà bien refroidi, beaucoup plus incertain. Ce n’est pas le rétablissement de la boutique UMP/Républicains qui est en jeu, mais celui de la France.
Les sondages indiquent la possibilité d’un autre scénario. Un candidat improbable a été lancé à la manière d’un produit publicitaire avec d’importants moyens financiers et le soutien manifeste de nombreux médias qui favorisent sa montée dans les sondages. Ce personnage se dit ni de gauche ni de droite. Effectivement ses positions favorables en apparence à l’entreprise le situeraient plutôt à droite, et son progressisme sociétal à gauche. En fait, cette posture correspond à une certaine gauche, celle d’Attali, par exemple, et il n’est pas étonnant que des gens comme Kouchner le rejoignent. Il vient de la gauche, a servi la gauche, et le fait d’avoir collaboré à une grande banque d’affaires n’a rien de rassurant. Il est l’émanation du microcosme politico-médiatique qui détient le pouvoir dans notre pays. C’est un homme de gauche habillé par un grand couturier de la communication, sourires et slogans creux compris, qui poursuit trois objectifs : d’abord, maintenir la France dans le flux mondialiste ; accessoirement, sauver la gauche, en reniant un mandat calamiteux et en faisant oublier qu’il y a joué un rôle de premier plan ; enfin, entraîner une foule séduite par la survenue d’un champion anti-système. Il faut beaucoup de naïveté pour donner dans ce panneau. Mis à part qu’il n’a jamais daigné se présenter à une élection, c’est un représentant emblématique du système par sa formation, par les réseaux qu’il a côtoyés et par les idées, très floues, d’ailleurs dont il se réclame. Néanmoins, l’hypothèse d’un ralliement de la gauche à sa candidature suggérée par Ségolène Royal n’est pas à exclure. L’idée qu’il puisse figurer au second tour, soit contre Fillon, soit même contre Marine Le Pen n’est pas éloignée des anticipations actuelles des sondages. Entre la concentration de la colère autour du Front National, la peur de la douche froide avec Fillon, et cette aventure si sympathique et pleine de fraîcheur de Macron, il se peut que beaucoup de Français fassent un choix surprenant.
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