La consommation de pornographie a explosé ces quinze dernières années. Son impact est aussi massif que discret : addiction, solitude, changement des comportements sexuels. Enquête sur un phénomène sociétal majeur.
Adam a vingt ans. Il est enfin seul dans son appartement. Il ouvre son ordinateur et fouine sur internet. Très vite, il tape un terme érotique dans un moteur de recherche et passe en revue un site internet. Puis un autre. De l’érotisme, il passe à des photos de sexe, et délaisse les images pour regarder des vidéos.
Il y en a pour tous les goûts, tous les fantasmes. Un instant, il lâche l’ordinateur, prend un verre d’eau, répond à un texto puis revient sur son écran, happé par ce qu’il peut voir. Il n’y tient plus. Trois heures sont passées depuis sa première connexion…
La consommation intensive de pornographie est devenue un phénomène de masse à l’heure d’internet. La facilité d’accès et la gratuité ont fait exploser la demande. L’anonymat a fait le reste. Le dernier sondage d’ampleur effectué par l’Ifop auprès des Français de 15-24 ans montrait que 69% des garçons et 35% des filles interrogés avaient déjà surfé sur des sites pornographiques. La proportion était trois fois moins importante il y a dix ans.
Un quart des hommes consommeraient du porno au moins une fois par semaine
Une autre enquête, datée d’avril 2014, affirmait qu’un quart de la population masculine de 18 à 69 ans visionnait du porno au moins une fois par semaine. Que l’on tape le terme ‘porno’ dans le moteur de recherche Google, et l’on trouve plus de 1,2 milliards d’entrées relatives à son référencement sur des blogs ou des sites internet.
Le terme ‘fellation’ en donne cinq cents millions. Les analyses de tendance du géant de l’internet montrent que la popularité des recherches sur le thème pornographique augmente constamment depuis le milieu des années 2000, montrant non seulement une fidélité des utilisateurs existants, mais aussi une extension de la consommation dans la population nouvellement connectée.
En France, le site de vidéos gratuites ‘Tukif.com’ dit recenser 800 000 connexions par jour. Aux Etats-Unis, pays à l’origine de l’industrialisation du X, les responsables du site ‘Pornhub’ affirment que le nombre de connexions recule de manière conséquente à Noël ; les fêtes familiales freinent considérablement les possibilités d’accéder à l’internet en général et à la pornographie en particulier.
Une information qui montre, s’il en était besoin, le caractère massif et régulier de sa consommation.
Activité solitaire
Doit-on s’en étonner ? La pornographie, bien que virtuelle, touche l’être humain dans l’une de ses fonctions physiques les plus puissantes : le sexe. Enflammant l’excitation primaire chez l’homme, facilitant la naturelle recherche du plaisir, elle lui donne à visionner – voire à développer – ses fantasmes les plus inaccessibles.
Elle se base sur l’attrait extraordinairement réaliste de l’image photographique, qui a changé le rapport des êtres à l’érotisme. Les effets sont nombreux, l’impact aussi discret qu’important.
La solitude qu’engendre la consommation de pornographie est l’une de ses principales conséquences. En premier lieu parce que l’utilisation du numérique peut être chronophage. « Apporter un ordinateur chez soi équivaut précisément, le réseau d’internet aidant, à apporter la place publique dans son salon ou dans sa chambre » affirme le docteur Jean-Charles Nayebi, auteur de l’un des premiers livres consacrés à la dépendance à l’internet (La cyberdépendance en 60 questions, éd. Retz).
Le sexe n’y échappe pas. Or, c’est le plus souvent dans l’intimité qu’il se vit. Et la relation avec l’écran sépare son utilisateur du reste du monde.
La consommation de porno décuple ainsi les effets de l’ordinateur sur la solitude. La pornographie n’est-elle pas « un objet de divertissement qui a pour finalité la masturbation », comme le décrivait l’actrice du X, Tiffany Hopkins ? Acte solitaire, activité cachée. Qui peut faire entrer dans un cercle vicieux…
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