Tribune libre de Marc Crapez*
Le débat est biaisé par la menace latente de disqualification des opposants et un enjeu qui dépasse la question.
Analysons les termes du débat sur le mariage homosexuel. A priori suspects, les opposants sont perpétuellement contraints de protester de leur bonne foi non phobique. Dans le même temps, il n’est jamais reproché aux tenants leur frange extrémiste qui voit des homophobes partout.
Le député rapporteur de la loi, Erwann Binet, prétend promouvoir « l’outil le plus efficace de lutte contre l’homophobie ». Qui oserait contester une réponse aussi adaptée à une menace aussi pressante ? Ce chantage à l’homophobie conçoit le législateur comme un thérapeute de groupe. Le mariage homo n’est pas seulement un bien en soi. Il est un instrument de lutte contre un fléau délictueux. Une question de salubrité publique.
Dès 2001 pourtant, le film « Le Placard » campait un hétérosexuel se faisant passer pour homosexuel afin d’échapper à un licenciement sur les conseils… d’un homosexuel qui avait été licencié à cause de cela vingt ans auparavant. Cela résume assez bien l’état des lieux. On risque davantage aujourd’hui d’être chassé de son emploi pour homophobie que pour homosexualité. Dans les grandes agglomérations, un communautarisme en matière d’emploi, de logement ou de loisirs peut procurer à certains homosexuels des opportunités que n’ont pas d’autres citoyens.
Dans quel monde vivrions-nous !
Le qu’en dira-t-on a changé de camp. Les maires seront obligés de se conformer à la loi, sans quoi « dans quel monde vivrions-nous ! », s’exclame Najat Vallaud-Belkacem. On comprend que, comme Georges Brassens dans « La Mauvaise réputation », ces maires passeraient pour des « je ne sais quoi ».
Le qu’en dira-t-on est un grand récit édifiant basé sur la rumeur, le conformisme et le souci de traiter en parias les récalcitrants, ces « je ne sais quoi » qui osent braver l’opinion dominante. Jadis, la mentalité villageoise exigeait des « gens comme il faut » car, disait-on, « où irait-on » si l’on se fiait à des « gens qui ne sont même pas d’ici ou du pays » ! « Ils sont fous ces Romains », ponctue le gaulois Obélix.
À cet esprit de clocher, s’est substituée une mentalité world qui postule que son proche voisin, le français moyen, est un arriéré mental en comparaison des autres terriens. Cette mentalité non moins sectaire considère nos pères comme une peuplade rétrograde dont il faudrait se venger.
À l’instar du marxisme-léninisme, le mariage gay se veut inéluctable et irréversible. Les esprits forts qui le contestent se font remarquer et sont catalogués. On les regarde d’un mauvais œil. Ce ne sont pas des personnes comme il faut. Ce qu’elles disent est inacceptable et choquant. Ce n’est pas convenable.
La même porte-parole du gouvernement ajoute qu’il « faut comprendre ça comme une avancée ». Il faut voir ça autrement que cela n’en a l’air. Les apparences sont trompeuses. Certains seraient spontanément portés à ressentir un doute devant « l’établissement d’un lien ex nihilo entre un enfant et deux adultes homosexuels » (Elisabeth Guigou lors des débats sur le PaCS). Erreur, grossière erreur. Ceux qui réfléchissent pour vous vous le diront tous : c’est une a-van-cée.
Ainsi l’enjeu dépasse la question. De gros intérêts sont en jeu. Intérêts idéologiques d’abord : si la filiation ne facilite pas la structuration psychique de l’enfant, alors les différences ne sont que des constructions sociales révocables et malléables (et des départements universitaires sont subventionnés pour conforter cette « avancée scientifique »). Intérêts politiques ensuite : à défaut d’améliorer les conditions de vie de la majorité, on accorde des passe-droits aux minorités (relance du droit de vote des étrangers et circulaire naturalisant les enfants conçus en contournant la loi française sur la GPA).
*Marc Crapez est chroniqueur et chercheur en sciences politiques.
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