Certes en ce 27 décembre, la grève empoisonne encore la vie des Français, particulièrement en région parisienne.
Certes sa prolongation depuis le 5 décembre coûte très cher à tout le monde, aux chiffres d’affaires, donc au personnel des grands magasins comme des commerçants indépendants, aux professionnels du tourisme et à commencer par les grévistes eux-mêmes et à leur famille.
Certes la plupart des clients et usagers des transports monopolistes trouvent un peu saumâtre de payer les pots cassés de gens qu’il est ridicule, et contre-productifs de stigmatiser comme des privilégiés mais dont la moyenne des rémunérations est plutôt supérieure à valeur.
Certes la CGT, adossée aux gauchistes de Sud-Solidaires, nous rappelle à nouveau son caractère de nuisance stalinienne
Certes la direction de la CFDT se ridiculise impunément par une doctrine biaisée. Espoir suprême des grands habiles, elle accepte le principe aberrant et technocratique du régime hexagonal et universel. Elle l’a même inventé, 12 ans avant le ridicule programme Macron de 2017, où cette proposition figure sur 3 lignes elles-mêmes noyées dans 30 pages de vœux pieux, complétées, au paragraphe suivant par la promesse de ne toucher ni à l’âge ni au montant des pensions. Mais voilà, le secrétaire général de la CFDT s’accroche à un âge théorique de départ en retraite qui, à 64 ans, resterait inférieur à la moyenne européenne.
Certes tout le monde ratiocine, pinaille, discutaille, bataille, sur la réalité supposée des régimes de retraite sans jamais se demander ce que ce mot signifie : un contrat d’assurance ? une caisse ? un fonds de réserve ? un statut ? qui le garantit ? qui le subventionne ? qui l’administre ? Mme Buzyn ?
Mais cette grève tient. Sa popularité supposée est évaluée au jour le jour, au doigt mouillé, par les instituts de sondages et plus particulièrement par l’un d’entre eux inventé par Mitterrand. Les fameux réseaux [anti]sociaux fourmillent de commentaires innombrables.
Je lis sur le site du Monde ce matin que le taux de grévistes à la SNCF oscille entre 9,6 et 9,8 %. Statistiquement, cela ne semble pas très lourd. Et pourtant les trains ne roulent pas. À la RATP, pis encore : les deux lignes de Métro qui fonctionnent, 2 sur 14, automatisées, sont devenues infernales aux heures de pointe. Changez à Châtelet à 7 heures du matin, et vous m’en direz des nouvelles.
Le fait est bien là, pourtant, indiscutable : au 23e jour de grève, le record Juppé de 1995 est battu. Et on nous dit d’attendre encore 4 jours pour soupçonner et entrevoir à la commissure de ses lèvres, ce que le sphinx de l’Élysée concocte génialement dans sa tête enflée d’apprenti Jupiter.
Et encore, il faudra 7 jours de plus nous dit-on avec gourmandise pour que les syndicats connaissent un peu mieux la sauce à laquelle les technocrates se proposent de manger leurs bases. Bien entendu les assemblées parlementaires et le prétendu conseil économique et social, pardon : et environnemental, l’apprendront en regardant, entre deux réveillons BFM-TV.
Quand en juillet 1946, dans des conditions que tout le monde a semble-t-il oublié, la centrale des cadres a lancé un mot d’ordre de grève contre la loi du communiste Croizat, généralisant la sécurité sociale et par conséquent l’assurance vieillesse, le gouvernement Bidault a immédiatement rectifié le tir. C’était il est vrai à l’époque de cette déplorable Quatrième république. Le pouvoir, nous dit-on était à l’abandon. Aujourd’hui, nous ne savons pas vraiment par qui, mais nous sommes gouvernés.
> Jean-Gilles Malliarakis anime le blog LInsolent.fr.