Imagine-t-on dans notre pays un candidat à l’élection présidentielle de droite, et notamment du Front National, tresser des louanges à la mémoire d’Augusto Pinochet ? Il ne sied pas à un politicien dans une démocratie de reconnaître les mérites d’un dictateur, même si celui-ci a empêché sa nation de sombrer dans le communisme, même si le miracle économique chilien et ses 7% de croissance annuelle sous Pinochet lui donnent un avantage sur les désastres de Cuba ou du Venezuela. Les 3000 victimes du régime, la suspension des libertés fondamentales, les méthodes de répression employées, les assassinats d’opposants, les arrestations arbitraires dressent un rempart infranchissable entre Augusto Pinochet et tout démocrate authentique. Seule Margaret Thatcher avait paru s’affranchir de cet obstacle lorsque l’ancien Chef d’Etat était détenu au Royaume-Uni dans le cadre d’une procédure contestable. En 1999, elle avait tenu à le remercier pour l’aide apportée par le Chili à la Grande-Bretagne contre l’Argentine lors de la guerre des Malouines. Elle avait rappelé par ailleurs que le général avait assuré la transition vers la démocratie en respectant le résultat des élections qu’il avait organisées. Ces propos étaient objectifs et ne constituaient en rien l’approbation d’une dictature. C’était un geste élégant de reconnaissance envers un homme que les Britanniques traitaient avec ingratitude.
Il n’en va pas de même de l’autre côté de la Manche à propos du dictateur cubain qui vient de s’éteindre. Jean-Luc Mélenchon vient de proclamer son admiration pour le tyran défunt. La gauche française a toujours exprimé une étonnante sympathie pour ce petit Etat totalitaire. Nombre d’intellectuels aussi célèbres pour leur talent littéraire que totalement dépourvus d’intelligence politique, comme Sartre, n’ont pas tari d’éloges sur l’autocrate barbu des Antilles. Cela a bien sûr été facilité par l’information hémiplégique qui est imposée aux Français.
On remarquera pourtant que la dictature qu’il a instaurée est toujours en place depuis 1959, qu’elle lui survit à travers son frère et un réseau politique et militaire qui encadre une population surveillée de près par les Comités de Défense de la Révolution. Le bilan économique est calamiteux. Certes, ses partisans évoqueront l’embargo américain, mais c’est là comme ailleurs la mainmise de l’Etat sur la vie économique qui a bloqué son développement. Après la perte du poumon artificiel de l’URSS, la chute fut vertigineuse jusqu’à l’arrivée du Venezuela de Chavez et de son pétrole surabondant. Curieuse manière d’assurer l’indépendance d’un pays que de le rendre dépendant d’un autre dans un cadre idéologique qui restreint la liberté de ses citoyens !
Cuba, c’est selon Le Livre Noir du Communisme, « l’interminable totalitarisme tropical » avec pour commencer l’exécution massive des cadres de l’ancien régime qui n’avaient pas fui le pays, ensuite les règlements de comptes classiques des dictatures de gauche qui éliminent tous les démocrates naïfs ayant participé à la « révolution », puis la chasse systématique aux opposants, dans tous les domaines, y compris la culture. Des camps de concentration, des prisons disciplinaires, avec tortures, cages de fer et travail forcé, ont vu passer et parfois trépasser plus de 100 000 Cubains. 16 000 ont été fusillés. Cette réalité cruelle n’est pas connue en Occident qui préfère s’en prendre aux dictatures militaires de droite qui ont laissé place à des démocraties après un règne plus court et moins cruel. On y cultive au contraire les légendes du « Che » et du « Comandante », en oubliant quels tortionnaires ils ont été. L’effondrement probable du régime chaviste à Caracas et l’appauvrissement d’un pays riche en raison de l’aveuglement de ses dirigeants contraignent Cuba à accorder plus de liberté à son économie. Il avait commencé après la chute de l’URSS puisque le secteur privé était déjà passé de 8% en 1981 à 22,5% en 2000. Cette ouverture devra se poursuivre avec notamment le rétablissement de bonnes relations avec le grand voisin du nord. Mais, cela ne pourra se faire qu’avec la fin d’un régime honni par les centaines de milliers d’exilés cubains qui vivent aux Etats-Unis.
Il y a des cerveaux de colibri, comme Justin Trudeau au Canada pour célébrer la légende du dictateur. C’est évidemment une insulte à la démocratie qu’ils prétendent servir, mais leur attitude est beaucoup plus perverse. En général, ce sont les mêmes qui militent pour l’effacement de nos valeurs et qui trouvent chez tous ceux qui ont prétendu s’opposer à la domination de l’Occident des modèles à suivre. Il s’agit là d’une association purement négative. Dans la guerre de civilisation, ils souhaitent déconstruire celle dont ils ont hérité et ils ont donc choisi de trahir, de préférer l’autre camp, celui qui nous a mortellement menacés, sans même se rendre compte que les régimes anti-occidentaux ne sont guère favorables à l’évolution des moeurs, à la libération totale de l’individu qu’ils souhaitent instaurer. Cette contradiction en dit long sur ce qu’on appelle les élites. Politiciens, journalistes, artistes, sportifs, célébrités diverses qui constituent le microcosme font souvent preuve de préjugés qui les rendent aveugles. Castro et le paradis illusoire cubain en font partie.
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