Jean-Pierre Lecoq, le maire UMP du VIe arrondissement de Paris, répond sans langue de bois aux questions des Nouvelles de France. Il règle ses comptes avec François Fillon et relativise l’impact de la crise à l’UMP. Entretien :
Jean-Pierre Lecoq, comment a-t-on pu en arriver là ?
D’abord, la science électorale peut produire des résultats serrés, on l’a vu en 2000 en Floride ou à chaque renouvellement de l’Assemblée nationale, quand certains députés sont élus avec quelques dizaines de voix. Dans l’affaire qui nous intéresse, nous avons un candidat autopersuadé de l’emporter à force de lire des articles et des sondages le pronostiquant, qui ne se remet pas de sa défaite. Fillon est un mauvais perdant, c’est tout.
S’agit-il avant tout d’une bataille de positionnements ?
Non, c’est avant tout un problème d’hommes. Le reste, les positionnements de campagne, c’est parce qu’on n’attrape pas les mouches avec du vinaigre… Durant la campagne, François Fillon s’est adressé aux Français avec des discours à son image, longs, sérieux, quelque fois pesants, Jean-François Copé à un électorat plus réduit en nombre, plus exigeant sur le plan de la volonté politique, demandeur d’une stratégie de combat contre la gauche. Étant un des maires de la circonscription parisienne de François Fillon, je ne lui aurais pas conseillé de participer cette élection s’il m’avait demandé mon avis. Il n’était pas fait pour, c’est davantage un Barre ou un Balladur qu’un Chirac. Et l’élection du candidat de l’UMP aura lieu en 2015…
Même si vous savez bien que tenir l’appareil facilitera fortement cette élection…
Ce que je sais, c’est que Fillon ne s’est pas méfié de son entourage, toujours dans la combinazione et pas pro du tout. Il est très mal entouré, de gens qui se servent au lieu de le servir et qui ont misé sur lui parce qu’il est plus âgé que Copé et qu’ils espèrent lui succéder rapidement… Parce que Nicolas Sarkozy a nommé ministres un certains nombre de quadragénaires et de quincagénaires, tous imaginent avoir un destin national alors que certains n’auraient même pas dû être ministres…
De qui parlez-vous ?
Il suffit d’observer le bilan de certains ministres pour comprendre de qui je veux parler. Il faut dire que Nicolas Sarkozy faisait tout à leur place. Certains ministres étaient terrorisés par le Président de la République.
Revenons à nos moutons…
Je vous le répète, il a aujourd’hui une stratégie d’obstruction, celle du mec qui a paumé, qui n’accepte pas sa défaite et qui veut détruire le camp d’en face. Il n’est pas certain que, dans la durée, ça ne lui retombe pas dessus. Car c’est lui, le diviseur…
Les sondages montrent que les Français font plutôt porter le chapeau à Copé…
Des sondages qui donnaient Fillon devant Copé… Il faut dire qu’une certaine presse et les télévisions d’information en continu ont une présentation des événement tout sauf équilibrée, en faveur de François Fillon.
Fillon est un homme ambivalent, il a toujours deux ou trois fers au feu. Par exemple, lundi, les huissiers ne sont pas arrivés par miracle à l’UMP. Il y a eu samedi une audience en référé au TGI de Paris. Dès samedi, la médiation espérée par Alain Juppé tout le dimanche était fichue en l’air. Cela, personne ne le dit !
“Si ça s’arrête maintenant, dans trois mois, tout le monde sera passé à autre chose. De toute façon, les gens n’ont plus de mémoire. Vous savez, ces affrontements pour le pouvoir ont toujours existé. Ce qui est nouveau, c’est que maintenant, ils sont publics.”
Ce qu’on passe également sous silence, c’est que si on revote, non seulement on est reparti pour une campagne de 5 ou 6 mois, mais en plus l’annulation devient très probable dans le cas où un militant mécontent saisit la justice car ce nouveau vote irait contre nos statuts.
Bref, Fillon s’est tiré une balle dans le pied. Et quand vous vous tirez une balle dans le pied, elle peut vous revenir à la tête…
Et Copé, que vous avez soutenu, son parcours à lui pendant ces dix jours de polémique a-t-il toujours été irréprochable ?
Sur le fond, Copé a eu une attitude gaulliste. Quand vous revoyez le film, on lui a reproché de s’être saisi des résultats dimanche soir pour se proclamer Président de l’UMP. Pourquoi a-t-il fait cela ? Mais parce que Fillon était prêt à faire de même. Les médias ont aussi leur responsabilité dans cette anticipation, comme ils ne supporteraient pas d’attendre le mardi suivant le dimanche d’un second tour de l’élection présidentielle, c’est-à-dire la validation des résultats par le Conseil constitutionnel, pour révéler le nom du vainqueur…
Bref, c’est la faute des médias ?
Ce que je sais, c’est que mes parents ont été chauds-bouillants toute la semaine à cause de BFM TV, de LCI et d’i>Télé. J’ai dû les arroser ! Les personnes âgées sont comme les enfants malades de Game Boy et de jeux-vidéo… C’est comme ces militants qui prennent tout cela au pied de la lettre. Je les invite au calme des vieilles troupes. La droite en a connu d’autres, la France en a connu d’autres.
La révolte des militants, vous n’y croyez pas ?
On verra… Si ça s’arrête maintenant, dans trois mois, tout le monde sera passé à autre chose. De toute façon, les gens n’ont plus de mémoire. Vous savez, ces affrontements pour le pouvoir ont toujours existé. Ce qui est nouveau, c’est que maintenant, ils sont publics. Si j’avais un appel à lancer, ce serait un appel à la retenue et à l’intelligence. Qui sait, peut-être de cette crise sortira un événement positif ?
Que pensez-vous du parachutage de François Fillon dans la 2e circonscription de Paris ?
Je suis maire du VIe arrondissement mais on ne m’a pas demandé mon avis. Je m’interroge sur son intérêt d’être député ici. Il me semble qu’être élu de province aide davantage à devenir Président de la République… Toujours est-il qu’on aimerait davantage le croiser dans l’arrondissement.
Pendant que l’UMP se déchire, Hollande a les mains libres…
Je ne vous le fais pas dire. 2013 sera annus horribilis, avec une récession. Je suis notamment très inquiet pour le tissu économique de province qui risque de souffrir. Entre l’attitude catastrophique d’Arnaud Montebourg, l’arrêt des réformes structurelles par François Hollande et son projet de “mariage pour tous” destiné à satisfaire quelques lobbies, il y a de quoi s’inquiéter. C’est ça qui est le plus important, pas l’ego malmené de François Fillon parce qu’il a été distancé par Jean-François Copé…
12 Comments
Comments are closed.