« Un malentendu épouvantable » [1]

De la pesanteur à la grâce : compte-rendu de Sur le concept du visage du fils de Dieu

Tribune libre de Myriam Picard* pour Nouvelles de France

J’ai 26 ans, je suis catholique et je sors du Théâtre de la Ville.

J’en sors troublée, infiniment. J’ai pris une claque dans la gueule. Pas une claque de génie, non. Castellucci n’est ni Claudel ni Dostoïevsky. Il se contente de mettre sous nos yeux une scène, une scène infiniment banale et brutale, quotidienne, atrocement classique et sordide : un fils s’occupe de son père qui se souillera trois fois. C’est tout. Le texte ? Rien du tout, un échange basique qu’un adolescent rédigerait aisément. Le seul intérêt de la pièce : le visage du Christ s’y trouve en permanence, interrogation et réponse silencieuse dans ce face à face du vieillard qui se venge sur Dieu de sa déchéance, et de ce Christ qui porte les stigmates, sur son visage, du péché de cet homme. Merde ou crachats, peu importe : le Christ endosse ce désespoir et cette solitude et prévaut du début à la fin de la pièce.

La pièce s’ouvre sur un banal décor Ikea froid, bourgeois, houellebecquien : canapé blanc, tapis blanc, lit blanc, table blanche, écran plat. Froid, chirurgical, anesthésiant, oppressant. Dominant l’espace et la scène tout entière, le Christ de Messine, immense, imposant. Un homme arrive. Il est vieux, il tremble, soutenu par deux hommes qui l’assoient sur le canapé, devant la télévision. De ses phalanges à moitié mortes, il saisit un énorme casque, et, hébété, s’en coiffe. Surgissent aussitôt des bruits hachés, des phrases coupées, tonitruantes et incompréhensibles, le langage abscons de l’émission de télévision que le vieillard écoute. Il est hébété, l’homme, il boit bêtement le discours haché vomi par l’écran. Son fils arrive. Un homme occupé, le fils. Il est bien propre sur lui, l’homme. Il a un costume, une cravate, de belles chaussures. Il a un portable, l’homme, un portable qu’il consultera souvent, une cravate que, prudent, il jettera sur son épaule, au début, lorsqu’il nettoie son père, parce qu’il veut bien nettoyer son père, l’homme, mais sans se salir. Un bourgeois fils de bourgeois, qui s’agite… Mais tout préoccupé qu’il est, le fils, il veut savoir : « Papa ? Papa ? Ca va Papa ? Comment vas-tu ce matin ? Tu as bien dormi ? Qu’est-ce que tu regardes ? Qu’est-ce qu’il y a à la télé ? »

Le père se salit une première fois. Le fils le nettoie, le change. Le père pleure, s’excuse. Mais les larmes se font aussi rire narquois. Car il est indigne, le père. Il pourrait se contenter d’être incontinent, mais non. Il est incontinent ET ignoble, ricanant salement, bêtement. Un saligaud, un type qui se complaît dans sa merde, s’y roule presque, tout en pleurant de désespoir et d’humiliation. Chacun de nous, riant à notre propre saleté, à notre propre mensonge, à notre propre arrogance, à notre propre autosatisfaction. Bêtement heureux d’être d’ignobles salauds. 

Trois fois le père se salira, avec des larmes et un tremblement proche du ricanement abscons. L’homme qui se hait d’être sale et petit, mais s’y plaît tout de même, alors que Dieu est toujours là, objectivement, son regard interrogeant chacun d’entre nous. Alors que la miséricorde est là, dans cette figure christique du fils à genoux, devant son père, le lavant, comme un serviteur au travail…

Une spectatrice, deux ou trois rangs plus haut, se met à hurler « Une souris ! Une souris ! J’ai peur ! » La ficelle est un peu grosse, mais fonctionne. La dame aura troublé la pièce, et me confiera après, que malgré tout, ça a « bien marché », puisqu’elle est partie sans se faire ennuyer par les policiers en civil présents dans la salle. Une dame très sympathique par ailleurs, à qui je dis que je ne partage nullement ses positions, mais avec qui j’aurai un bel et intéressant échange.

Il est faux de prétendre que cette pièce ne serait que complaisance envers les matières fécales. Absolument faux.

Mais passons. Le père « tombe »… pour la deuxième fois… Il se souille pour la deuxième fois. La scène n’est désormais plus cet univers aseptisé du début : des serviettes traînent, le désordre de la vie souffrante imprègne tout, tout est maculé de merde, et la blancheur apparente, l’ordre premier deviennent perturbations vivantes, sont chamboulés par cet amour du fils qui râle mais nettoie, de plus en plus fatigué, usé, endolori, mais aussi de plus en plus charitable pour ce père réduit à un tube digestif immaîtrisable. Il est faux de prétendre que cette pièce ne serait que complaisance envers les matières fécales. Absolument faux. Il y a cette misère humaine, cette fragilité repoussante que nous vivons tous à un moment de notre vie (maladie, sénilité…) et la réponse du fils qui n’abandonne pas son père, qui le lave, encore et encore, s’enquiert en permanence de son état et de ce qu’il ressent, s’énerve aussi, pour mieux réconforter son père ensuite. On reste saisi et l’on se demande si l’on serait capable d’une telle patience, si l’on supporterait de voir un très proche réduit à si bas.

Père et fils sont désormais au centre de la scène, devant l’image du Christ, et le moment est saisissant, l’image est terrifiante de vérité : l’homme qui se souille pour la deuxième ou troisième fois, debout, de dos, faible, nu, tremblant, s’accrochant à son déambulateur. Mais dressé tout de même, dressé devant l’image du Christ. Et son fils, lavant, une fois de plus son père, ce fils qui tout à coup s’interrompt, l’éponge à la main, parce qu’il n’en peut plus de nettoyer son père, et qui, à genoux derrière lui, pose soudain la main sur le dos de son père, et, tous les deux, immobiles, pendant la scène la plus longue de ces cinquante minutes, vont regarder ce visage, ce Père qui en regarde un autre, ce Père qui regarde le père et le fils humiliés et souffrants, et qui ne répond pas, certes, mais qui EST. Et qui est là, toujours. Je pense à Job, soudain, Job le riche sur son tas de détritus, et je pense soudain à ma propre faiblesse et à mes propres doutes.

Le fils n’en peut plus, il est usé mais s’en va quérir un autre seau d’eau. Le père en profite pour répandre un petit bidon de matières fécales sur le lit et tout alentour. Il y a quelque chose de désespéré, un absurde défi dans ce geste. La scène est repoussante, le péché s’étale dans toute sa laideur : je songe au Père Grandet, sur son lit de mort, obsédé par ses écus, mourant dans la rage de ne pouvoir emporter son argent, au baron Hulot, ruiné, fini, vidé par quarante années de vice, à moitié gâteux, embrassant une repoussante cuisinière et lui chuchotant qu’une fois sa femme morte, il fera d’elle la nouvelle baronne Hulot. Le geste du vieillard est rageur, vengeance contre son propre état. Le fils revient, crie, n’en peut plus, pleure : « Mais qu’est-ce qui t’est arrivé, Papa… Qu’est-ce qui va pas… Papa… Papa… Papa… Papa… » Il nous tourne le dos, immobile, paumes ouvertes vers le sol. Et les lumières s’éteignent, la scène est plongée dans le noir. Lentement, le fils marche vers le Christ de Messine, qui dans le noir total est encore plus lumineux et imposant, et dans un geste d’infinie confiance, d’infinie demande, d’infinie peine, embrasse ce visage, longuement. Il a donné sa réponse à ce visage, le fils. Et cette réponse est acceptation douloureuse. Il s’en va. Le père est seul. Il traverse la scène, passe derrière le portrait du Christ et quelques instants plus tard, ce portrait est déformé, par derrière, par une multitude de corps mouvants. L’on devine le geste du père avec son bidon, car soudain le visage du Christ semble couvert de larmes d’encre. Lentement, ce visage pleure de ce que l’on devine être le contenu du bidon du père, ce visage est couvert par l’offense, et ce visage va également être déchiré. Et sous les déchirures de l’image du Christ, souillée sans nul doute par le père qui contourne l’icône, image qui me fera penser au visage ravagé et à peine identifiable du Jésus de Mel Gibson, l’image déchirée par des êtres dont on ne verra jamais le visage, des êtres grimaçants, anonymes, démons sortant de nulle part et se contorsionnant, sous cette toile en lambeau, soudain, apparaît l’inscription suivante, comme gravée dans la pierre : YOU ARE MY SHEPHERD. Longtemps, on ne verra que cela. Mais en moins lumineux, en nettement moins lumineux, oui, je l’affirme et l’affirmerai encore, tremble soudain le « NOT » qui, à aucun moment de cette fin de pièce, ne sera, jamais, aussi lumineux, aussi clair, aussi visible que ce cri de « TU ES MON BERGER. ».

Je sortirai hantée

D’ailleurs, alors que les cinquante minutes du spectacle se sont écoulées et que résonnent des bruits incompréhensibles, apparaît soudain, sur ce voile-visage du Christ déchiré et souillé, en surimpression, en projection vidéo, de nouveau, le visage du Christ, encore et encore. L’ultime réponse. Le point d’interrogation et point d’orgue et point final de la pièce. Son visage victorieux.

Je sortirai hantée. On m’a rappelée, sans doute avec une trop grosse accumulation de matières fécales et d’odeurs, jusqu’où le Christ allait nous chercher, et qu’il était présent dans nos plus grandes bassesses. Dans la rage et l’incompréhension et la colère et le doute. On m’a rappelé qu’il était là. Et qu’il avait beau se faire détester par ce vieillard hurlant sa souffrance et son humiliation, il demeurait.

Castellucci aurait gagné à plus de pudeur : nul n’est besoin de montrer trop pour arriver à l’essentiel. Cette exagération scatologique est à mon sens le vrai problème de cette pièce, et le signe d’une époque qui par ailleurs déteste pourtant férocement la maladie, le handicap, et confine la mort à des chambres d’hôpitaux froides et solitaires. Nul n’était besoin de montrer ce vieillard nu. Je le redis : Castelluci n’est pas Tarkovsky ni Claudel, il est sans nul doute pollué par les travers scéniques d’un certain théâtre contemporain. Mais il a au moins ce grand mérite de penser que la vie n’est pas nécessairement absurde et qu’il y a une question et un sens. Il ose, dans une société atrocement matérialiste, imposer ce visage du Christ du début à la fin de la pièce, il ose le maintenir alors même qu’un des personnages cherche à détruire sa représentation, il ose matérialiser l’idée que Dieu demeure. L’accuser de nihilisme est totalement mensonger. Anouilh, qui détestait la nouvelle vague boboïsante et dite « engagée » du théâtre parisien, s’en moquait en mettant en scène, dans une de ses pièces, deux acteurs racontant n’importe quoi devant un bidet, censé représenter l’absurdité de l’existence. Ca n’est pas ce que fait Castellucci. Le Christ est présent du début à la fin de cette pièce (et pas n’importe lequel : cette peinture-là est littéralement hypnotisante et magistrale), présent dans des scènes de bassesse, de fragilité humaine, de désespoir, de révolte, mais aussi d’amour filial, de patience et de douceur.

Lorsque Joël Prieur ose écrire, dans Monde et Vie, que « la pièce de Romeo Castellucci est fondée sur une dérision du père » et que « la relation la plus élémentaire, la relation de paternité est tournée en dérision », non seulement il fait preuve d’une époustouflante mauvaise foi, mais il semblerait qu’il ait fermé les yeux pendant toute la pièce (ou qu’il ne l’ait pas regardée du tout ?), laquelle repose objectivement et totalement sur un fils qui s’occupe de son père sous le regard du Père, et sur une relation d’amour et de respect, mêlée de souffrance et de rage.

« Ce que je cherche, c’est à fendre en deux la conscience, à ouvrir une blessure pour que les questions puissent entrer profondément en nous. L’art repose entièrement sur cette condition de poser des problèmes, sinon il est purement décoratif. Dans notre monde, nous sommes gavés d’informations, mais quelles sont les informations justes dont nous avons besoin pour continuer à vivre ? » Cette question nous est posée par Castellucci. Cette question est évangélique, cette question est chrétienne. Quelle réponse y apporterons-nous ?

A la sortie du théâtre, j’ai discuté avec deux femmes, une athée et une juive agnostique. Les deux étaient troublées, les deux m’ont dit avoir trouvé la pièce profondément chrétienne. Juste avant le spectacle, j’avais interrogé un trentenaire qui m’avouait venir voir la pièce pour la deuxième fois : férocement athée depuis des années, il avait « reçu un choc » une première fois et pris conscience que « le christianisme, en fait, ça a peut-être un sens ». Il voulait vérifier cette impression, courageusement, car elle ébranlait des années de combat forcené contre la foi.

Quant à moi, oui, je l’affirme, cette pièce m’a conduite encore plus au Christ… La froideur terrible de cette scène de théâtre où le mobilier suinte la solitude et la mort, cette froideur bousculée par l’incontinence du père et par l’amour de son fils qui se démène pour le soigner et réconforter, cette froideur dominée par la lumière et la puissance qui se dégage du Christ de Messine m’aura renvoyée à deux choses : l’apparente vacuité de notre vie terrestre – tout particulièrement à notre époque – et le seul sens, la seule question qui peuvent y être opposés : le Christ. Le Berger. My shepherd.

[1] « J’ai l’impression d’un malentendu épouvantable. Sur le concept du visage du fils de Dieu n’a rien de blasphématoire ni de christianophobe. Mais ces activistes ne peuvent pas le savoir car ils ne l’ont pas vu. On peut même voir le spectacle comme un chant d’amour pour le Christ, ce qui est le cas de certains spectateurs. » R. Castellucci

*Myriam Picard est journaliste et membre du Comité de rédaction de Riposte Laïque.

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68 Comments

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  • 0 / 10
  • Moshe Lewin , 4 novembre 2011 @ 11 h 37 min

    Et que pensez-vous de la position d’Yves Daopudal, que vous admirez tant?

    Tant pis si je suis en décalage avec
    « mon camp ». D’ailleurs je n’ai jamais
    été dans un « camp ». Lorsque j’ai
    expliqué que le discours inaugural de la
    nouvelle présidente du Front national ne
    correspondait pas à ce qu’était pour moi
    le Front national, certains m’ont dit que
    je devais quand même rester dans le
    parti et continuer de le soutenir. Pour certains
    le parti prime. Pour moi ce qui prime
    ce sont mes convictions, et la vérité.
    Voici donc une pièce de théâtre d’un
    auteur à la mode chez les intellos. Elle a
    déjà été jouée en Avignon, mais aussi
    dans des pays comme l’Italie (pays de
    l’auteur), l’Espagne, la Pologne… Dans
    ces pays catholiques, elle n’a pas suscité
    la moindre polémique.
    Je ne sais pas quelle version a été
    jouée dans ces pays. Quoi qu’il en soit la
    version parisienne n’est pas celle d’Avignon
    (mais elle éclaire celle d’Avignon,
    surtout si l’on tient compte des propos de
    l’auteur).
    Le christianisme
    a peut-être un sens
    J’ai été frappé par le témoignage de
    Myriam Picard, qui décrit très longuement
    la pièce, et écrit ensuite:
    A la sortie du théâtre, j’ai discuté avec
    deux femmes, une athée et une juive agnostique.
    Les deux étaient troublées, les deux
    m’ont dit avoir trouvé la pièce profondément
    chrétienne. Juste avant le spectacle, j’avais
    interrogé un trentenaire qui m’avouait venir
    voir la pièce pour la deuxième fois : férocement
    athée depuis des années, il avait « reçu
    un choc » une première fois et pris
    conscience que « le christianisme, en fait,
    ça a peut-être un sens ». Il voulait vérifier
    cette impression, courageusement, car elle
    ébranlait des années de combat forcené
    contre la foi.
    Sans doute est-il inutile désormais de
    raconter la pièce, d’autant que l’obsession
    scatologique de l’auteur ne rend pas
    la chose facile, et qu’elle doit avoir un aspect
    immonde. Voici ce qu’écrit encore
    Myriam Picard:
    Castellucci aurait gagné à plus de pudeur:
    nul n’est besoin de montrer trop pour arriver
    à l’essentiel. Cette exagération scatologique
    est à mon sens le vrai problème de cette
    pièce, et le signe d’une époque qui par ailleurs
    déteste pourtant férocement la maladie,
    le handicap, et confine la mort à des chambres
    d’hôpitaux froides et solitaires. Nul
    n’était besoin de montrer ce vieillard nu. Je
    le redis : Castelluci n’est pas Tarkovsky ni
    Claudel, il est sans nul doute pollué par les
    travers scéniques d’un certain théâtre
    contemporain. Mais il a au moins ce grand
    mérite de penser que la vie n’est pas nécessairement
    absurde et qu’il y a une question et un
    sens. Il ose, dans une société atrocement matérialiste,
    imposer ce visage du Christ du
    début à la fin de la pièce, il ose le maintenir
    alors même qu’un des personnages cherche à
    détruire sa représentation, il ose matérialiser
    l’idée que Dieu demeure. L’accuser de nihilisme
    est totalement mensonger.
    Car ici il convient d’insister sur ce qui
    se passe sur la scène après les scènes
    d’incontinence du père. Les lumières
    s’éteignent. Le fils va vers le gigantesque
    visage du Christ qui par contraste devient
    plus lumineux, l’embrasse, et s’en va.
    Alors le portrait du Christ va se déformer,
    suinter d’un liquide sans doute fécal, puis
    se déchirer, et sous les déchirures et les
    souillures apparaît l’inscription « You are
    my Shepherd » (tu es mon berger). Au
    bout d’un moment le mot « not » s’insère:
    tu n’es pas mon berger. Mais il ne
    devient pas aussi lumineux que les autres
    mots. Et finalement, en surimpression,
    revient le visage du Christ d’Antonello
    de Messine, intact.
    La Passion
    Si à la fin de la pièce le visage du
    Christ apparaît de nouveau, intact, il est
    difficile de ne pas voir que sa destruction
    est l’image de la Passion, suivie de la résurrection.
    Et le reste de la pièce, nonobstant
    l’obsession scatologique, est
    une parabole sentie de la condition humaine,
    car nous sommes en effet tous
    dans la merde, et nous tachons tout ce
    que nous touchons, sous le regard de
    Dieu, qui nous attend, qui attend même
    nos blasphèmes, ou nos doutes, mais
    qui est là, qui reste là, même quand nous
    avons tout démoli, et qui nous attend toujours.
    La pièce est finalement à l’image de
    notre époque, qui se complaît dans la déchéance
    et dans l’ordure, mais, à l’image
    de son auteur, elle oscille entre la foi et le
    doute.
    Romeo Castellucci a déclaré que voir
    sa pièce comme blasphématoire et christianophobe
    était un « malentendu épouvantable
    », car « il est bien évident
    qu’il s’agit d’une métaphore »:
    Je mets en place une stratégie spirituelle,
    un piège, qui consiste à commencer par une
    scène hyperréaliste pour arriver à la métaphysique.
    Il faut passer par cette matière, par
    cette porte étroite, pour aller vers une autre
    dimension. C’est une matière théologique :
    même la merde a été créée par Dieu, il faut
    l’accepter sinon on reste dans une dimension
    unidimensionnelle de Dieu. A partir de cette
    situation hyperréaliste, le spectacle devient
    peu à peu une métaphore de la perte de substance,
    de la perte de soi, qui est à mettre en
    parallèle avec la condition du Christ, qui a accepté
    de se vider de sa substance divine pour
    intégrer la condition humaine jusqu’au bout –
    y compris la merde…
    Le visage du Fils de Dieu a modelé
    celui de l’ homme
    Je crois que s’il avait fait une pièce
    blasphématoire et christianophobe, il
    l’aurait revendiqué, et il aurait alors été
    encore mieux considéré dans l’intelligentsia.
    Or ce qu’il dit dans ses interviews
    montrent un homme sincère. Dans son
    interview au Monde, il dit ceci qui est tout
    à fait remarquable:
    « J’ai toujours été fasciné par
    l’image du Christ, par le mystère de
    cette beauté, par cet “Ecce homo” qui
    fait de Jésus un homme. Le visage du
    fils de Dieu, à travers l’histoire de la
    peinture, a modelé celui de l’homme.
    L’invention du visage par la peinture,
    c’est le Christ. »
    Romeo Castellucci dit aussi qu’il lit
    beaucoup la Bible. « You are my Shepherd
    » fait référence au psaume 22. Il
    est étonnant de constater que le « visage
    » de Dieu est un « concept » très
    répandu dans les psaumes, alors que le
    Seigneur Dieu n’a pas de visage avant
    d’avoir celui de son Fils. Et dans le
    psaume 21, le psaume de la Passion,
    celui qui commence par « Mon Dieu,
    mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné
    », le Fils de Dieu dit à propos de
    son Père: « Il n’a pas détourné sa face
    de moi, et quand j’ai crié vers lui il m’a
    exaucé. »
    « Sur le concept du visage du Fils de Dieu »
    De ce tableau d’Antonello de Messine, tout le bas est
    coupé. Il ne reste que le visage du Christ qui occupe
    tout le fond de la scène et qui affirme, d’un bout à l’autre,
    sa Présence.

  • Robert , 4 novembre 2011 @ 14 h 06 min

    Moshe,
    À titre personnel, je respecte les différents points de vue. Je n’ai pas vu la pièce.
    Ce que je ne supporte pas et pourquoi j’ai réagi, c’est la prétention à dire aux autres ce qu’ils doivent faire et penser, décernant les brevets de catholicité, jusqu’à l’insulte et la calomnie.
    La charité a souffert, comme l’image que nous donnons de nous, car n’oublions pas que nous sommes le temple du Saint Esprit.
    Et le cléricalisme, soit l’utilisation abusive du pouvoir clérical en dehors de son domaine de compétence, est aussi détestable que l’anticléricalisme quand celui-ci s’en prend à la foi et aux croyants.
    Le propos d’Yves Daoudal est honnête . Il pensait une chose et le disait. Il a vu le spectacle et a changé de point de vue et reconnaît s’être trompé. Je n’en tire personnellement aucune vanité d’être soutenu par son propos puisque je ne me prononçais pas sur ce spectacle. Mais j’aime les personnes intellectuellement honnêtes et respectueuses des autres, quel que soit leur point de vue.
    Sur la forme, cette polémique entre nous a éclarcie les lignes, montré ce que certains avaient dans le ventre, et parfois ça puait plus que la merde dans le spectacle de Castelluci. Mais elle a aussi révélé, me semble-t-il, les limites de l’exercice de la prétention à donner des leçons à tous les catholiques de la part quand même de catholiques, moi je ne leur refuse pas ce titre, qui refusent d’obéir au souverain pontife et jugent non pas des points de vue mais des personnes d’autres catholiques.
    Tout cela est bien pénible et regrettable.
    Mais je ne suis même pas sûr que des enseignements en auront été tirés pour éviter de reproduire les mêmes erreurs.

  • doriane , 5 novembre 2011 @ 16 h 30 min

    je suis catholique pratiquante je n’ai pas vu la pièce, j’ai lu les critique, vu les vidéos, je n’arrive pas vraiment a me faire d’opinion, trop de question reste pour moi sans réponses que ce soit du coté des défendeurs ou des accusateurs de la piece !

    je suis d’accord avec le fond de pièce que nous explique myriam, si c’est bien là que voulait en venir l’auteur, mais comme personne ne lui a demander d’explication …

    sinon il est vrai que j’attends l’explication sur la scene des grenades qui a été evoncé ! qu’en est-il de la belle explication, pour le quoi je ne vois pas ou pourrait etre le mal entendu !!

    quand aux manifestation pourquoi pas, tout le monde est libre de s’exprimer et de clamer ses opinions, en revanche je me demande comment les jeteurs d’œufs et d’insultes peuvent prétendre défendre le Christ sacré et leur foi chrétienne en cédant à la violence ! (je sais aussi que tous ceux qui manifeste ne participe pas a ces agissement ! )

    la réflexion est très inintéressante même si elle ne donne pas forcement de reponse!

  • doriane , 5 novembre 2011 @ 16 h 32 min

    la réflexion est très intéressante** même si elle ne donne pas forcement de reponse!

  • tealo , 7 novembre 2011 @ 9 h 11 min

    Dommage que l’omniprésence du style durassique gâche un peu la lecture

  • RH , 11 novembre 2011 @ 21 h 47 min

    26 ans !
    Vous êtes très très jeune !
    Et vous sortez tout juste de la “pièce” !
    C’est un travers récurrent de votre génération (ceux qui ont actuellement entre 20 et 30 ans) que de parler ou d’écrire trop vite, avec une certaine prétention un peu ridicule, voire un complexe flagrant de supériorité. Même si vous avez l’impression d’avoir déjà eu un bout de vie bien rempli, c’est très très loin de suffire pour se forger un avis intéressant et profond sur les choses, comme ça en un instant !
    Il y a certes des génies et/ou des jeunes marqués par une enfance et des épreuves très dures et très précoces, qui peuvent acquérir très tôt un sens aigu des choses, mais c’est très très rare.

  • Henri F. , 12 novembre 2011 @ 12 h 34 min

    Si les chrétiens n’osent pas méditer publiquement la Passion de Notre Seigneur, d’autres le font à leur place. “Les pierres crieront…” La merde sur le visage du Christ ne sont-ils pas tes péchés et les miens?
    Henri F.

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