Tribune libre de Hubert Montmirail
Il faut s’interroger sur les conséquences d’une impression durable du quinquennat sur les rapports institutionnels et, de manière générale, sur une éventuelle implication constitutionnelle. Le quinquennat remet en cause des schémas qui tendent à se fragiliser. On peut se demander si la Constitution de 1958 ne sera pas appelée à être modifiée.
Les victimes collatérales du quinquennat. Quels que soient les actes de François Hollande et la tournure des évènements, dont la nature est nécessairement aléatoire, il y a des éléments impondérables. On peut évidemment rappeler l’effacement de la figure primo-ministérielle. Les critiques de Nicolas Sarkozy l’ont trop rapidement attribué à l’omnipotence de Nicolas Sarkozy et à l’effacement poli, mais plus ou moins accepté, de François Fillon. Les caractères personnels ont certainement eu leur rôle, mais l’existence du quinquennat affaiblit aussi structurellement le Premier ministre, dont la fonction d’exécution et de relais tend à être phagocytée. Un Président engagé doit aussi répondre directement, comme nous l’avons vu, garder un oeuil plus vigilant sur l’intendance et s’immiscer davantage dans le jeu politique, quitte à marcher sur les plates-bandes de son Premier ministre. Sur ce point, on peut se demander si les rapports Hollande-Ayrault ne risquent pas de continuer, dans une autre situation et avec des personnalités différentes, le déséquilibre Sarkozy-Fillon. De même, il faut aussi s’attendre à une marge de manœuvre plus limitée des membres du Gouvernement. Les récents cafouillages montrent bien qu’ils n’ont pas l’autorité pour trancher en dernier ressort et que les dossiers sensibles ne sauraient rester dans leur escarcelle. Elément à surveiller dans les mois à venir : le rôle de l’entourage présidentiel. Si François Hollande s’implique davantage, on peut être certain que ses conseillers seront plus présents. La seule différence est que le Président veillera à ce qu’ils évitent de s’immiscer abusivement dans le créneau médiatique, comme le firent Henri Guaino ou Claude Guéant. Pour autant, il est très probable qu’ils se situeront plus explicitement sur le terrain dévolu aux ministres.
Interrogations constitutionnelles… Quel sera le statut du Premier ministre, si l’effacement assumé d’icelui se poursuit ? Ne faudra-t-il pas, à terme, reconsidérer clairement sa place lors d’une éventuelle réforme constitutionnelle ? Cela supposerait tout au moins une réécriture des articles 5, 20 et 21 de la Constitution du 4 octobre 1958. À ce titre, comment expliquer le maintien, dans sa version actuelle, de l’article 20, alors que le Gouvernement non seulement ne détermine plus la politique de la Nation, mais ne la conduit plus tout à fait ? La révision constitutionnelle de juillet 2008 a certes affecté les conditions d’exercice du mandat présidentiel (intervention devant les parlementaires réunis en Congrès, limitation à deux mandats successifs, restriction du droit de grâce, encadrement de l’article 16, approbation de certaines nominations présidentielles et des opérations militaires extérieures), mais elle n’a procédé à aucune clarification des missions présidentielles, alors que sur fond de quinquennat, cette nécessité devient patente. Le toilettage de la répartition entre les deux têtes de l’exécutif n’a donc pas eu lieu. La proposition a minima du Comité Balladur de 2007 fut abandonnée par Nicolas Sarkozy ; le Comité avait en effet suggéré la modification de l’article 5 de la Constitution que le président de la République définisse la politique de la Nation. Si le quinquennat s’ancre durablement et qu’un certain style finisse par se dessiner, ne faudra-t-il pas se poser sérieusement la question de la définition même de l’architecture de l’exécutif ? Cela revient à affirmer que les interrogations de Nicolas Sarkozy (Témoignage, XO éditions, 2006) ou de François Fillon (La France peut supporter la vérité, Albin Michel, 2006) sur une reconnaissance explicite du rôle du Président n’étaient pas illégitimes. Alors même qu’ils n’étaient pas aux commandes des affaires publiques, les intéressés avaient parfaitement compris que les rapports Président-Premier ministre se déclineraient selon un mode désormais différent par rapport aux précédentes présidences. Dès 2006, Nicolas Sarkozy avait parfaitement conscience que le président de la République serait naturellement et obligatoirement engagé. Sur ce point, sa clairvoyance doit être saluée. Et ce qui s’est posé en 2006-2007 continue à poser aujourd’hui. Sans nous donner un style particulier – il sera toujours défini par le titulaire de la fonction présidentielle –, le quinquennat rend obligatoire certains contours, obligeant le président de la République à intervenir plus fréquemment.
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