“Lorsque le témoignage de Mgr Viganò a été publié, ma première réflexion fut de penser qu’il s’agissait peut-être là d’une occasion de voir la fin d’un pontificat très difficile à supporter. Avec le recul, je me demande si toute cette affaire ne conduira pas l’Église dans une crise encore pire.
Tout d’abord, je crois que le contenu de son témoignage est vrai. Du moins, il n’y a pas de raisons de croire que tout a été inventé.
Ensuite, je crois que ses intentions étaient bonnes. Il a sûrement voulu contribuer à la purification de l’Église.
Mais, le moyen utilisé, à savoir la publication médiatique de cette lettre, était-il le bon? Est-il possible que le moyen employé puisse provoquer des conséquences contraires à celles souhaitées? En d’autres termes, est-il possible que ce témoignage ne contribue finalement qu’à jeter l’Église en pâture au Monde (ennemi du Christ et de l’Église)? Je me pose des questions.
Car nous assistons actuellement à deux luttes simultanées. Il y a, d’une part, la crise à l’intérieur de l’Église (entre ceux qui veulent maintenir la vraie foi et ceux qui veulent l’adapter à l’esprit du Monde), et c’est probable que ce soit à ce niveau que Mgr Viganò a voulu apporter sa contribution, et il y a, d’autre part, la guerre entre l’Église et le Monde, et il est probable que Mgr Viganò a sous-estimé les conséquences de son témoignage qui risque de donner des munitions au Monde contre l’Église.
La lettre conduit maintenant certains catholiques à réclamer des procès pour de hauts prélats, voire même pour le Saint-Père. Sommes-nous en train d’oublier que la plus grande injustice au monde, la mort du Juste, a été provoquée parce que des chefs religieux ont réussi à amener Jésus devant les autorités civiles? Et cette tentation de régler des différents entre chrétiens, n’a-t-il pas, dès les débuts du christianisme, fait l’objet d’une mise en garde de la part de l’Apôtre Paul?
‘’Lorsque l’un d’entre vous a un désaccord avec un autre, comment ose-t-il aller en procès devant des juges païens plutôt que devant les fidèles ? Ne savez-vous pas que les fidèles jugeront le monde ? Et si c’est vous qui devez juger le monde, seriez-vous indignes de juger des affaires de moindre importance ? Ne savez-vous pas que nous jugerons des anges ? À plus forte raison les affaires de cette vie ! Et quand vous avez de telles affaires, vous prenez comme juges des gens qui n’ont pas d’autorité dans l’Église ! Je vous le dis à votre honte. N’y aurait-il parmi vous aucun homme assez sage pour servir d’arbitre entre ses frères ? Pourtant, un frère est en procès avec son frère, et cela devant des gens qui ne sont pas croyants ! (1 Co 6, 1-6)’’
Le témoignage de Mgr Viganò est un fait, et on ne peut plus retourner en arrière. On peut en prendre connaissance, le commenter, s’en faire notre propre idée, et souhaiter que du bien en sorte.
Mais ce témoignage comporte un défi pour nous tous : il s’agit de ne pas nous allier avec le Monde contre les pasteurs de l’Église. Ne faisons pas comme Hérode et Pilate qui, le jour de la condamnation du Christ, ‘’devinrent des amis, alors qu’auparavant il y avait de l’hostilité entre eux.’’ (Lc 23, 12). Le Saint-Père et les évêques n’ont pas besoin de nos accusations, puisque ‘’l’accusateur de nos frères’’ s’en charge déjà.
Certes, le pontificat de François n’est pas facile, et il est possible de le remettre en question, et même d’apporter des critiques constructives à certaines orientations qu’il préconises. Mais ne le traitons pas, lui et son entourage, comme des ennemis. Comme le disait Gamaliel : ”si leur résolution ou leur entreprise vient des hommes, elle tombera. Mais si elle vient de Dieu, vous ne pourrez pas les faire tomber. Ne risquez donc pas de vous trouver en guerre contre Dieu.”
Que les clercs qui ont commis des abus scandaleux doivent être punis, tant par des peines civiles qu’ecclésiastiques, cela est évident, c’est une question de justice. Mais livrer les autorités de l’Église au jugement du pouvoir séculier m’apparaît être un problème. Je ne dis pas que Mgr Viganò a complètement fait erreur, mais je dis que son geste aura peut-être des répercussions qui peuvent être contraires à l’effet souhaité. Quand on regarde la situation actuelle, on est en droit de penser que l’Église se dirige vers des procès, des persécutions et des tentatives de mainmise du Monde sur les affaires ecclésiastiques. Déjà, en certains pays, des pressions sont faites pour contrecarrer le sceau de la confession.
Bref, je n’ai pas la prétention d’avoir le dernier mot dans cette histoire. Il y a tellement de choses à dire qu’il est impossible d’avoir le mot final. Je n’ai pas la solution et je ne vais pas condamner ni Mgr Viganò ni le Pape dans cette affaire qui trouve sa source dans le péché des être humains et qui risque de conduire l’Église encore plus profondément dans sa Passion. Je suis donc en mode réflexion et je suis intéressé par des points de vue différents. Mon intention est uniquement de susciter une réflexion, pas de provoquer un arrêt de la réflexion. Mais je tenais à exprimer certaines craintes.”
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