Le triomphe des JMJ

L’un des plus grands rassemblements humains de la planète : 3 millions de personnes réunies pour la messe célébrée par le pape sur la plage de Copacabana. L’Église catholique a, une fois encore, prouvé son intelligence et sa force. Ses détracteurs la disaient vieillissante, dépassée, minée par les problèmes internes qu’elle n’avait pu résoudre. Ils avaient trouvé en Benoît XVI la cible, selon eux, idéale pour attaquer une religion conservatrice, éloignée de la sensibilité contemporaine, et parfois maladroite. Première erreur : ce pape à l’intelligence exceptionnelle aura surpris tout le monde. Sa science théologique, sa connaissance historique, sa maîtrise conceptuelle, la finesse de ses analyses comme son attachement raisonné aux symboles, vestimentaires, par exemple, étaient connus. Il était donc brillant et conservateur : une espèce rare et guère propre à garantir l’avenir de l’Institution. On allait donc l’écouter aux Bernardins, mais on se permettait aussi des réflexions parfois peu amènes, comme celle de Juppé par exemple. Or, c’est Benoît XVI qui aura innové en renonçant et en permettant ainsi au Pape François d’être élu. Loin d’être un aveu d’échec, cette décision a été la condition d’un succès. Le Saint-Père, âgé et malade, ne sentait plus en lui la force d’accomplir sa mission, et notamment d’affronter physiquement l’épreuve des JMJ de Rio. Plutôt que d’offrir aux jeunes l’image d’un athlète de Dieu qu’il savait ne pas être, il a préféré laisser la place à un autre. La Providence a voulu que ce soit un Pape sud-américain dont la complémentarité avec son prédécesseur éclate aux yeux de tous. Benoît était d’une grande simplicité mais sa modestie n’allait pas sans retenue. François est simple mais dans un élan de proximité extraordinaire comme s’il voulait être le curé de paroisse de la terre entière, cherchant le contact personnel avec chacun, et sans égard pour sa propre sécurité. On retrouve avec lui ce génie de la communication que possédait Jean-Paul II. Or, c’est ce qu’il fallait à l’Église, non seulement pour répondre à l’appel de la jeunesse, non seulement pour montrer un visage enthousiasmant dans cette Amérique latine en proie à une redoutable concurrence religieuse, mais encore dans le monde entier pour prouver la vigueur et la santé d’une institution deux fois millénaire.

“François est simple mais dans un élan de proximité extraordinaire comme s’il voulait être le curé de paroisse de la terre entière, cherchant le contact personnel avec chacun, et sans égard pour sa propre sécurité.”

Deuxième erreur : si l’Église modifie la forme de sa communication, c’est pour rendre son message plus accessible, non pour changer son contenu. Certes, le nouveau Souverain pontife s’est dépouillé d’une partie de l’apparat pontifical. Certes, il s’exprime avec une spontanéité parfois surprenante. Certes, il semble redonner la priorité au discours social de l’Église en direction des plus pauvres. Mais ces changements sont superficiels. La doctrine sociale de l’Église était très présente chez Benoît XVI notamment dans Caritas in veritate. Le microcosme médiatico-mondain parisien pourra toujours attendre pour que l’Église modifie quoi que ce soit à ses positions sur les questions de société parce que celles-ci touchent à l’essentiel, à ce que les prédécesseurs du Pape François ont appelé avec bonheur l’écologie humaine. D’ailleurs, le Pape François a lui aussi innové puisqu’il a signé l’encyclique presque entièrement rédigée par son prédécesseur dont la pensée présente sous trois pontificats aura donc avant tout témoigné de la continuité de celle de l’Église. La charité, c’est-à-dire l’amour, l’espérance puis la foi, cette lumière qui éclaire en complément de la raison, ces thèmes chers au pape émérite sont avant tout les vertus théologales, les piliers qui portent la nef du catholicisme.

Je viens de relire de Paul Veyne, Quand notre monde est devenu chrétien, et les événements m’en font mesurer les limites. Selon lui, la naissance du christianisme serait donc due à un caprice impérial de Constantin, continué presque par hasard par ses successeurs. Notre civilisation n’aurait pas de racines chrétiennes, mais seulement un patrimoine moins important au cœur de notre civilisation que le “plissement géologique »de l’histoire à l’ère des Lumières. Il y aurait des chrétiens, mais notre monde ne le serait plus. Les JMJ montrent au contraire qu’il y a encore énormément de chrétiens, que beaucoup de jeunes ressentent en eux un besoin de spiritualité chrétienne, comme un manque dans une culture qui aurait oublié les racines qui la font vivre. Dans un monde où l’emportent apparemment l’individualisme hédoniste, le matérialisme consumériste et où l’âge des Lumières a davantage allumé les guerres nationales puis idéologiques qu’il n’a instauré des États de Droit, le message du Christ, son interprétation tout au long de l’histoire de l’Église continuent à inspirer un humanisme dont il offre le visage. Que les sociétés chrétiennes n’aient pas toujours répondu à cet idéal n’obère en rien la dynamique spirituelle qu’il a éveillé et réveillé de siècle en siècle : Les JMJ en ont été une puissante et stimulante illustration.

Lire aussi :
> Messe de clôture des JMJ à Rio de Janeiro, par Charles Le Bourgeois
> Le Pape exhorte les jeunes à « sortir dans les rues », par Guillaume Aubert

Related Articles

36 Comments

Avarage Rating:
  • 0 / 10
  • jim , 30 juillet 2013 @ 12 h 11 min

    Heureux les misericordieux. ils recevront misericorde…. Zut, ce n’est qu’une faute de frappe…..

  • jim , 30 juillet 2013 @ 12 h 21 min

    Immense joie de voir cette foule…. un regal pour le coeur. Pape Francois est vraiment ce pape qu’il nous faut pour etre decomplexe dans sa foi.

    Au chere Marie-France, comment pouvez-vous ecrire “et ca va durere longtemps”. Heureusement que ca va durer longtemps, non seulement pour revoir cette jeunesse dans la joie mais en plus, la foi nous prevoit et nous emene vers l’eternite…. Preparez-vous, ca va etre tres long….. et ca ne finira pas…..

  • mariedefrance , 30 juillet 2013 @ 12 h 43 min

    voyez vous…. ce serait juste sympa si vous éclaircissiez vos textes.
    merci.
    J’y ai renoncé.

  • mariedefrance , 30 juillet 2013 @ 12 h 54 min

    L’Eglise est déjà soumise au NOM !

  • Louis A. F. G. von Wetzler , 30 juillet 2013 @ 14 h 20 min

    Mon cher ami, je suis tout a fait d’accord avec vous. En France il faut continuer avec la bonne lutte contre ceux qui voudraient aneantir la foi chretienne et la remplacer par l’atheisme pure (je parle de M. Valls comme aussi de M. Hollande et ses amis neo-jacobins) Sur ce sujet l’athiesme la Constitution Pastorale Guadium et Spes a dit:

    19. Formes et racines de l’athéisme

    1. L’aspect le plus sublime de la dignité humaine se trouve dans cette vocation de l’homme à communier avec Dieu. Cette invitation que Dieu adresse à l’homme de dialoguer avec Lui commence avec l’existence humaine. Car, si l’homme existe, c’est que Dieu l’a créé par amour et, par amour, ne cesse de lui donner l’être ; et l’homme ne vit pleinement selon la vérité que s’il reconnaît librement cet amour et s’abandonne à son Créateur. Mais beaucoup de nos contemporains ne perçoivent pas du tout ou même rejettent explicitement le rapport intime et vital qui unit l’homme à Dieu : à tel point que l’athéisme compte parmi les faits les plus graves de ce temps et doit être soumis à un examen très attentif.

    2. On désigne sous le nom d’athéisme des phénomènes entre eux très divers. En effet, tandis que certains athées nient Dieu expressément, d’autres pensent que l’homme ne peut absolument rien affirmer de lui. D’autres encore traitent le problème de Dieu de telle façon que ce problème semble dénué de sens. Beaucoup outrepassant indûment les limites des sciences positives, ou bien prétendent que la seule raison scientifique explique tout, ou bien, à l’inverse, ne reconnaissent comme définitive absolument aucune vérité. Certains font un tel cas de l’homme que la foi en Dieu s’en trouve comme énervée, plus préoccupés qu’ils sont, semble-t-il, d’affirmer l’homme que de nier Dieu. D’autres se représentent Dieu sous un jour tel que, en le repoussant, ils refusent un Dieu qui n’est en aucune façon celui de l’Évangile. D’autres n’abordent même pas le problème de Dieu : ils paraissent étrangers à toute inquiétude religieuse et ne voient pas pourquoi ils se soucieraient encore de religion. L’athéisme, en outre, naît souvent, soit d’une protestation révoltée contre le mal dans le monde, soit du fait que l’on attribue à tort à certains idéaux humains un tel caractère d’absolu qu’on en vient à les prendre pour Dieu. La civilisation moderne elle-même, non certes par son essence même, mais parce qu’elle se trouve trop engagée dans les réalités terrestres, peut rendre souvent plus difficile l’approche de Dieu.

    3. Certes, ceux qui délibérément s’efforcent d’éliminer Dieu de leur cœur et d’écarter les problèmes religieux, en ne suivant pas le « dictamen » de leur conscience, ne sont pas exempts de faute. Mais les croyants eux-mêmes portent souvent à cet égard une certaine responsabilité. Car l’athéisme, considéré dans son ensemble, ne trouve pas son origine en lui-même ; il la trouve en diverses causes, parmi lesquelles il faut compter une réaction critique en face des religions et spécialement, en certaines régions, en face de la religion chrétienne. C’est pourquoi, dans cette genèse de l’athéisme, les croyants peuvent avoir une part qui n’est pas mince, dans la mesure où, par la négligence dans l’éducation de leur foi, par des présentations trompeuses de la doctrine et aussi par des défaillances de leur vie religieuse, morale et sociale, on peut dire d’eux qu’ils voilent l’authentique visage de Dieu et de la religion plus qu’ils ne le révèlent.

    20. L’athéisme systématique

    1. Souvent l’athéisme moderne présente aussi une forme systématique, qui, abstraction faite des autres causes, pousse le désir d’autonomie humaine à un point tel qu’il fait obstacle à toute dépendance à l’égard de Dieu. Ceux qui professent un athéisme de cette sorte soutiennent que la liberté consiste en ceci que l’homme est pour lui-même sa propre fin, le seul artisan et le démiurge de sa propre histoire. Ils prétendent que cette vue des choses est incompatible avec la reconnaissance d’un Seigneur, auteur et fin de toutes choses ou, au moins, qu’elle rend cette affirmation tout à fait superflue. Cette doctrine peut se trouver renforcée par le sentiment de puissance que le progrès technique actuel confère à l’homme.

    2. Parmi les formes de l’athéisme contemporain, on ne doit pas passer sous silence celle qui attend la libération de l’homme surtout de sa libération économique et sociale. À cette libération s’opposerait, par sa nature même, la religion, dans la mesure, où, érigeant l’espérance de l’homme sur le mirage d’une vie future, elle le détournerait d’édifier la cité terrestre. C’est pourquoi les tenants d’une telle doctrine, là où ils deviennent les maîtres du pouvoir, attaquent la religion avec violence, utilisant pour la diffusion de l’athéisme, surtout en ce qui regarde l’éducation de la jeunesse, tous les moyens de pression dont le pouvoir public dispose.

    21. L’attitude de l’Église en face de l’athéisme

    1. L’Église, fidèle à la fois à Dieu et à l’homme, ne peut cesser de réprouver avec douleur et avec la plus grande fermeté, comme elle l’a fait dans le passé [23], ces doctrines et ces manières de faire funestes qui contredisent la raison et l’expérience commune et font déchoir l’homme de sa noblesse native.

    2. Elle s’efforce cependant de saisir dans l’esprit des athées les causes cachées de la négation de Dieu et, bien consciente de la gravité des problèmes que l’athéisme soulève, poussée par son amour pour tous les hommes, elle estime qu’il lui faut soumettre ces motifs à un examen sérieux et approfondi.

    3. L’Église tient que la reconnaissance de Dieu ne s’oppose en aucune façon à la dignité de l’homme, puisque cette dignité trouve en Dieu lui-même ce qui la fonde et ce qui l’achève. Car l’homme a été établi en société, intelligent et libre, par Dieu son Créateur. Mais surtout, comme fils, il est appelé à l’intimité même de Dieu et au partage de son propre bonheur. L’Église enseigne, en outre, que l’espérance eschatologique ne diminue pas l’importance des tâches terrestres, mais en soutient bien plutôt l’accomplissement par de nouveaux motifs. À l’opposé, lorsque manquent le support divin et l’espérance de la vie éternelle, la dignité de l’homme subit une très grave blessure, comme on le voit souvent aujourd’hui, et l’énigme de la vie et de la mort, de la faute et de la souffrance reste sans solution : ainsi, trop souvent, les hommes s’abîment dans le désespoir.

    4. Pendant ce temps, tout homme demeure à ses propres yeux une question insoluble qu’il perçoit confusément. À certaines heures, en effet, principalement à l’occasion des grands événements de la vie, personne ne peut totalement éviter ce genre d’interrogation. Dieu seul peut pleinement y répondre et d’une manière irrécusable, lui qui nous invite à une réflexion plus profonde et à une recherche plus humble.

    5. Quant au remède à l’athéisme, on doit l’attendre d’une part d’une présentation adéquate de la doctrine, d’autre part de la pureté de vie de l’Église et de ses membres. C’est à l’Église qu’il revient en effet de rendre présents et comme visibles Dieu le Père et son Fils incarné, en se renouvelant et en se purifiant sans cesse [24], sous la conduite de l’Esprit Saint. Il y faut surtout le témoignage d’une foi vivante et adulte, c’est-à-dire d’une foi formée à reconnaître lucidement les difficultés et capable de les surmonter. D’une telle foi, de très nombreux martyrs ont rendu et continuent de rendre un éclatant témoignage. Sa fécondité doit se manifester en pénétrant toute la vie des croyants, y compris leur vie profane, et en les entraînant à la justice et à l’amour, surtout au bénéfice des déshérités. Enfin ce qui contribue le plus à révéler la présence de Dieu, c’est l’amour fraternel des fidèles qui travaillent d’un cœur unanime pour la foi de l’Évangile [25] et qui se présentent comme un signe d’unité.

    6. L’Église, tout en rejetant absolument l’athéisme, proclame toutefois, sans arrière-pensée, que tous les hommes, croyants et incroyants, doivent s’appliquer à la juste construction de ce monde, dans lequel ils vivent ensemble : ce qui, assurément, n’est possible que par un dialogue loyal et prudent. L’Église déplore donc les différences de traitement que certaines autorités civiles établissent injustement entre croyants et incroyants, au mépris des droits fondamentaux de la personne. Pour les croyants, elle réclame la liberté effective et la possibilité d’élever aussi dans ce monde le temple de Dieu. Quant aux athées, elle les invite avec humanité à examiner en toute objectivité l’Évangile du Christ.

    7. Car l’Église sait parfaitement que son message est en accord avec le fond secret du cœur humain quand elle défend la dignité de la vocation de l’homme, et rend ainsi l’espoir à ceux qui n’osent plus croire à la grandeur de leur destin. Ce message, loin de diminuer l’homme, sert à son progrès en répandant lumière, vie et liberté et, en dehors de lui, rien ne peut combler le cœur humain : « Tu nous as faits pour toi, Seigneur, et notre cœur ne connaît aucun répit jusqu’à ce qu’il trouve son repos en toi [26]. »

  • Alouette , 30 juillet 2013 @ 14 h 59 min

    Je me régale avec les analyses de Christian Vanneste.

  • hermeneias , 30 juillet 2013 @ 15 h 37 min

    JIM

    Ah le cucul gentisme nous fera tous crever !

    Parce que nous avions , vous aviez besoin d’être “décomplexé”…?

    Le brave chrétien new-look style radio-Notre-Dame est complexé et il a besoin d’être “libéré” et de s’éclater en groupe pour cela ….

    Que penseraient de cela les chrétiens des premiers siècles , souvent martyrs , qui eux n’étaient pas si nombreux loin de là….

    On a bien en effet une génération , plusieurs générations ,de chrétiens qui rasent les murs tout comme pas mal d’évêques “républicains” (depuis qu’ils sont officiellement “ralliés” et se croient obligés de donner des gages )

Comments are closed.