Quand une guerre est inévitable, la retarder ne fait qu’augmenter les risques de la perdre ou de la rendre plus terrible. L’esprit qui a dominé l’entre-deux guerres et qui s’est condensé à Münich devrait nous le rappeler. Lorsque les priorités de la politique à la petite semaine menée à l’intérieur empêchent de voir le danger extérieur avec lucidité, et de fournir les moyens d’y faire face, la catastrophe est en marche. Le danger est encore plus redoutable quand l’ennemi est présent à l’intérieur. C’est le retour de la « 5e colonne », citée par certains pour désigner les prétendus « djihadistes » présents sur le territoire national et souvent titulaires d’une nationalité de papier. C’était peut-être un mythe fabriqué par la propagande en 1940. C’est une réalité aujourd’hui. De même, un certain nombre de politiciens minimisent le péril, distinguent le bon islam du mauvais, affichent leur amitié avec des régimes directement liés à l’idéologie salafiste, quand ils ne soutiennent pas ouvertement les extrémistes que nous prétendons combattre. Les contrats, personnels ou nationaux, les calculs électoraux expliquent ces attitudes ambiguës dont l’Histoire fera peut-être demain des trahisons. Les pacifistes qui avaient suivi Briand ont été pour beaucoup ensuite des collaborationnistes zélés.
La politique à la fois égoïste et irresponsable menée par les Etats-Unis a favorisé l’installation d’un « Etat islamique », sur les ruines des Etats syrien et irakien que les Américains ont sciemment dynamités. Les victoires, les provocations, la terreur que cette entité a mises à son « actif » en font un phare et un aimant pour tous ceux qui désirent assouvir leur fanatisme, pour tous ceux qui ont une revanche à prendre sur la médiocrité de leur existence, pour tous ceux qui, manquant de tête, ressentent le besoin de faire tomber celle des autres, par souci d’égalité, sans doute. L’écrasement par tous les moyens du prétendu « califat » devait être la priorité. On a préféré continuer à affaiblir le régime baassiste de Damas, alors que le nationalisme arabe et laïque était la seule riposte valable à l’islamisme. La Tunisie, l’Egypte le montrent en ayant chassé les islamistes du pouvoir. Avec machiavélisme, l’Etat islamique les vise à travers leur point faible, le tourisme. Ce cancer, à partir de Mossoul et de Rakka, projette ses métastases dans d’autres pays, comme la Libye, entre Tunisie et Egypte et à la porte du Sahel. Il suscite également des vocations en Europe, et notamment en France.
La décapitation d’un Français sur le sol national a étonné. Il faut pourtant considérer ce mode opératoire comme secondaire. Il ne sert qu’à accroître le retentissement médiatique. Les médias s’empressent évidemment d’identifier l’auteur, de raconter sa vie, de donner la parole à son entourage, sans même se rendre compte, qu’ils font d’un monstre un héros pour certains. Mais, rien d’autre que l’audimat n’a de valeur à leurs yeux. Ce qui leur échappe, c’est que le réveil d’un terroriste potentiel, ciblé puis oublié par les services de police, ou complètement inconnu, est pratiquement imparable, tant le vivier est large et les moyens de surveillance limités. Il faut 6 à 7 policiers pour suivre en permanence un individu suspect. Il en faut d’autres pour protéger les personnes ou les sites menacés, et on a même eu recours contre tout bon sens à l’armée pour exercer une mission de sûreté urbaine à laquelle elle n’est pas destinée. Cette opération de poudre aux yeux en direction du grand public distrait des troupes qui seraient plus utiles contre l’Etat islamique en Syrie ou en Libye, au côtés de nos alliés actuellement si timorés, à commencer par Obama, plus enclin à pousser la chansonnette qu’à mener une politique responsable et courageuse.
La guerre exige d’une démocratie qu’elle mette son droit en capacité de la mener. C’est ainsi que l’on a récemment fait voter une loi qui accroît les intrusions de l’appareil policier dans la vie privée. Qu’on s’inquiète de cette atteinte aux libertés des citoyens français est légitime, mais le juridisme de certains, comme l’inévitable Jean-Marie Delarue, les a amenés à contester que la surveillance soit plus facilement déclenchée pour l’étranger. Le gouvernement a reculé sur ce point. Or la guerre ne peut se faire qu’en renforçant la réalité des frontières et de leur contrôle, de même qu’elle implique que la priorité de la protection des Français coïncide avec une définition plus stricte de l’appartenance nationale, un recours plus fréquent à la déchéance nationale, un accès limité à la nationalité, et plus globalement une restriction de l’immigration. Cela résulte du principe de précaution que curieusement nul n’invoque en ce domaine…
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