par Emmanuel Arthault
La Cour suprême vient de rendre son verdict : le projet de santé de Barack Obama, qui a été la source d’une polarisation de la vie politique américaine depuis près de deux ans, a été jugé constitutionnel. La plus haute juridiction a relancé ainsi la course à la présidentielle.
La Cour suprême a donc tranché, à cinq juges contre quatre. Alors que la composition de la juridiction semble plutôt conservatrice, son Président John Roberts, pourtant nominé par George W. Bush, s’est prononcé en faveur de la Loi — témoignant par là d’une juridiction suprême moins partisane qu’on ne pourrait le croire.
L’Obamacare oblige les Américains à souscrire à une assurance maladie, ou à être pris en charge par Medicaid (pour les plus pauvres), sous peine de sanction financière. Ce « mandat individuel » s’est avéré être la source des tensions et de l’éventuelle inconstitutionnalité du projet. Les assureurs sont aussi contraints de prendre en charge toute personne réclamant une assurance, quelle que soit son état de santé. En principe, l’augmentation du volume de cotisations devrait inciter les assureurs à baisser leurs tarifs. En même temps, Medicaid (le système d’assurance maladie pour les plus démunis), a été élargi. En cela, l’Obamacare est susceptible d’empiéter sur les prérogatives des états fédérés. En instaurant une couverture de 70% des frais médicaux, le coût devrait atteindre, selon les estimations officielles, 5 200 dollars par individu et par an après 2015.
Le « mandat individuel » à l’épreuve de la constitutionnalité
John Roberts a invoqué l’art. 1, §8 de la Constitution, en vertu duquel « le Congrès aura le pouvoir : De lever et de percevoir des taxes, droits, impôts et excises, de payer les dettes et pourvoir à la défense commune et à la prospérité générale des États-Unis [“General Welfare”]; mais lesdits droits, impôts et excises seront uniformes dans toute l’étendue des États-Unis ». Le mandat individuel est donc constitutionnel parce que le Congrès dispose du pouvoir de mettre en œuvre une taxe.
Les juges conservateurs ont refusé l’idée que cette obligation soit une taxe mais, selon le Juge Roberts, il est envisageable de considérer la sanction financière comme une taxe. Roberts a néanmoins refusé l’argument des progressistes, selon lesquels l’Obamacare relève de la Clause de Commerce, qui autorise le Congrès à réglementer les activités commerciales (Art. I, §8: « Le Congrès aura le pouvoir: de réglementer le commerce avec les nations étrangères, entre les divers États, et avec les tribus indiennes« ). En effet, le mandat individuel concerne des individus non engagés dans une activité commerciale. Les juges progressistes ont considéré son argument comme « étonnement rétrograde ».
Les « Justices » plus conservateurs (Antonin Scalia, Clarence Thomas, Samuel Alito et, dans une moindre mesure Anthony Kennedy) ont considéré que la Loi excédait les prérogatives du pouvoir fédéral. Aussi, considérer que le mandat individuel est une taxe n’est pas selon eux une interprétation mais une « réécriture » du texte. Clarence Thomas a été plus loin encore, regrettant que ses collègues aient une vision trop souple de la Clause de commerce. A ses yeux, en avançant cette clause, le Gouvernement affirmait que pouvoir réglementer non seulement l’activité économique mais aussi l’inactivité économique.
L’Obamacare devrait rester d’actualité
Mais, contrairement à ce que certains commentateurs peuvent penser, ce jugement pourrait bien être à double tranchant pour Barack Obama. En effet, ce que la loi peut faire peut être défait : au fond, peu importe la Constitution. Si celle-ci n’interdit pas une nationalisation du système de santé, elle n’y contraint pas. Les conservateurs pourraient ainsi porter à la présidence de l’Amérique un candidat qui saurait remettre en cause (« repeal ») l’Obamacare. Plus encore, alors que 47% des Américains se disent défavorables au projet de santé et seulement 33% en sa faveur, Mitt Romney pourrait bien être en mesure de capitaliser sur la décision de la Cour suprême.
Cet article a été publié en partenariat avec Le Bulletin d’Amérique.