La philosophie stoïcienne résume le problème des limites de la liberté en disant : « il y a des choses qui dépendent de nous et des choses qui n’en dépendent pas ». Pour les Stoïciens, le seul espace laissé à la volonté était la pensée. Un responsable politique ne peut s’en contenter, car il a le pouvoir d’agir, mais il lui faut mesurer avec lucidité les domaines où son action sera efficace et quelles en seront les bornes. Aucun homme politique n’est totalement libre. Si le tyran s’en approche à condition de n’être pas fou, l’homme d’Etat démocratique contemporain voit son action limitée par les institutions, le droit, la pluralité des pouvoirs, l’opinion publique et ses vecteurs, le lacis plus ou moins intense et complexe de ses obligations internationales. Mais, le nombre des liens qui l’enserrent lui fournit de plus en plus une confortable excuse à l’impuissance que manifeste étrangement son pouvoir. Car pendant que les choses ne s’améliorent guère, que le Parlement fait la navette, que les sommets se succèdent sans autre résultat que les photos des embrassades et des chaleureuses poignées de mains, la jouissance du pouvoir perdure au moins le temps d’un mandat, et parfois plus. Le Président Obama est un maître en ce domaine. Depuis qu’il a perdu la majorité des deux chambres du Congrès, il ressort ses projets non réalisés en toute quiétude. C’est l’hostilité des Républicains qui empêchera la réforme, la fermeture de Guantanamo, par exemple. De même son pâle suiveur national se fait le commentateur des événements plus que le maître des décisions courageuses. Hué par les producteurs à bout de résistance, lors de sa visite du Salon de l’Agriculture, il a commenté la crise agricole, mais ses remontrances à l’Europe ou à la grande distribution sont étonnantes chez un décideur dont on attend des décisions plus que des soupirs compatissants. Dans ce curieux exercice, en disant comprendre les paysans, il a surtout étalé l’impuissance complice de ceux qui nous « gouvernent ».
On peut mesurer la part de liberté que notre Président passe sous silence. Il n’était nullement tenu de s’associer aux sanctions américaines contre la Russie. En maintenant inchangées nos relations avec Moscou, en livrant par exemple les « Mistral », la France aurait sauvegardé le marché russe qui représente jusqu’à 30% de certaines productions, et y aurait peut-être progressé. De même, il peut dire que les quotas laitiers ont été abandonnés par son prédécesseur. C’est en Avril 2015 que la mesure est entrée en application. Il avait tout le temps de s’y opposer en imitant la politique de la chaise vide du Général de Gaulle au Conseil Européen. Une partie de l’agriculture française n’est pas compétitive en raison de sa dispersion et de l’emploi massif des travailleurs détachés par nos concurrents étrangers. L’Etat devait donc donner à notre agriculture le temps de l’adaptation et défendre sa spécificité en matière de qualité des produits et d’entretien de nos terroirs. De même, si la baisse des charges est une nécessité, il est inacceptable qu’elle se fasse de manière déloyale au profit de travailleurs étrangers.
Dire au peuple avant l’élection ou même après qu’on veut et qu’on peut (We Can) agir, cibler les objectifs et tout mettre en oeuvre pour les atteindre, voilà qui est plein de risques. Et c’est là que les dirigeants politiques devraient être stoïques en ayant le courage d’assumer leur liberté, leurs choix et leurs conséquences. Le plus souvent, les électeurs ont affaire à deux hommes en un, celui de la campagne qui comme Hollande réenchante le rêve de la gauche française ou Sarkozy qui fait croire à la droite qu’elle aura enfin « son » Président, et puis l’autre qui commence par partir en vacances, s’adonne aux menus plaisirs de la fonction et finit par des mesures brouillonnes destinées à enrayer sa chute dans les sondages. Quand les Français auront-ils droit à un candidat qui leur dira : notre pays a un besoin impératif de réformes pénibles ? Son redressement passe par la révision radicale de nos politiques, avec l’Europe, avec la Russie et les Etats-Unis, dans le domaine économique, social et fiscal, dans l’affirmation de l’identité et de la défense de la Nation. Les Français seraient-ils assez sages et stoïques pour en faire leur Chef de l’Etat ?
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