Les aveux d’un grand coupable nommé Roland Dumas

Les causes du déclin de la France, quoique multiples, me paraissent, au fond, beaucoup moins mystérieuses qu’on veut bien le dire. Le socialisme étatique et ses nombreux prédateurs, aussi bien dans la classe politique que dans la haute administration et les médias, y tiennent à l’évidence une place centrale. La foule immense des petits subventionnaires, constitutifs du parti de la médiocrité et de l’enfumage, s’emploie ainsi constamment à y composer des quasi-majorités praticiennes du chloroforme.

Dans son énorme pamphlet, dont le succès mérité tient plus à sa qualité d’écriture qu’à l’égale justesse de ses idées, Éric Zemmour rappelle certains épisodes tant soit peu oubliés de la descente aux enfers de la Ve république. Et d’insister, ici avec raison, sur l’importance de ce qu’il considère comme un coup d’État : l’arrêt du conseil constitutionnel du 16 juillet 1971. Il parle à ce sujet de “trahison des pairs” (1).

Par haine de Georges Pompidou, Gaston Palewski, président de cette institution, jusqu’ici discrète et complaisante, fabriqua de toutes pièces une arme de destruction massive, à son seul profit. Le conseil des prétendus “sages” inventa de toutes pièces un prétendu “bloc de constitutionnalité”. Le faisant reposer sur les principes très généraux de la déclaration de 1789 et sur le préambule de 1946 dont il s’affirme, depuis l’interprète, et le juge sans appel.

Indiscutablement ce verrou paralysera gravement, aussi longtemps qu’il existera, l’action réformatrice de tous les gouvernements quand ils se montreraient bien intentionnés.

Parmi les circonstances aggravantes, toutefois, on ne saurait oublier non plus, venant après la perversité des années Mitterrand, les deux mandats, immobilistes et déprimants, de Jacques Chirac (1995-2007). Cette période sera sans doute retenue à ce titre par les historiens futurs. Le monde se transformait et la France, au lieu de se préparer à tirer parti des possibilités encore immenses qui s’ouvraient à elle, s’est enfermée par la faute de sa direction étatique, dans son prétendu “modèle social”.

Au nom de celui-ci, on s’est replié, à la fois, dans une réglementation étouffante, dans les privilèges aberrants de nos grands monopoles, et dans les handicaps résultants de ce qu’on appelle faussement “sécurité sociale” : à peine élu, dès septembre 1995, Chirac allait proclamer celle-ci constitutive de l’identité française.

Or, on feint aujourd’hui de découvrir comme un secret d’État qui aurait été jalousement gardé, l’irrégularité de cette campagne présidentielle de 1995, qui le désigna. tel un match de catch truqué, elle aurait dû en bonne logique être annulée par le conseil constitutionnel.

Deux journalistes du quotidien “Le Monde”, Raphaëlle Bacqué et Pascale Robert-Diard avaient mis à nu dès 2010 les “petits comptes entre ‘sages'”: une magouille obscure avait permis de reconnaître la légitimité de l’élu, en dépit d’une fraude manifeste.

Et, ce 28 janvier, au gré d’un entretien intelligemment mené par Yves Thréard, Roland Dumas qui présidait alors le conseil constitutionnel par la grâce de Mitterrand a bel et bien reconnu le fait.

Ce personnage incarna, certes, dans toute sa carrière, ce mélange de complaisances, de légèreté et d’incompétence caractéristique de notre classe politique, singulièrement dans son aile gauche. C’est pourtant avec reconnaissance que nous recueillons son aveu :

“En 1995, lui rappelle le collaborateur du “Figaro” vous êtes président du Conseil constitutionnel. Vous révélez que vous auriez pu invalider l’élection de Jacques Chirac à l’Élysée…”

– “C’était, répond-il, mon premier dossier, je venais d’entrer en fonction. Je peux le dire aujourd’hui, les comptes de campagne d’Édouard Balladur et ceux de Jacques Chirac étaient manifestement irréguliers. Que faire ? C’était un grave cas de conscience. J’ai beaucoup réfléchi. Annuler l’élection de Chirac aurait eu des conséquences terribles. J’ai pensé à mon pays. Je suis un homme de devoir. Nous avons finalement décidé, par esprit républicain, de confirmer, à l’unanimité au deuxième tour, son élection présidentielle. Je suis convaincu que j’ai sauvé la République en 1995.”

Montesquieu professait que la vertu est le fondement du régime républicain. Son excuse tient sans doute à ce qu’il n’avait jamais pu observer son fonctionnement réel. Mais s’il fallait une preuve d’une contradiction absolue entre ce que ces gens appellent “la république” et l’intérêt du pays, cet exemple suffit à l’administrer.

> Jean-Gilles Malliarakis anime un blog.

1. Cf. Éric Zemmour, “Le suicide français”, ed. Albin Michel, 2014, pages 36-42

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19 Comments

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  • Cap2006 , 29 janvier 2015 @ 7 h 40 min

    Tout le monde savaient cette histoire.

    Pas étonnant que Sarkozy ait fait de même. Aucune sanction. Alors qu’il meritait pleinement l’inéligibilité à vie.
    Et non. Toujours la.

  • trahi , 29 janvier 2015 @ 8 h 25 min

    Ils sont toujours là? Mais qui les a élu et mis à la place oû ils sont? Qui, a votre avis, si ce n’est les électeurs eux-mêmes!!!C’est à dire les Francais!!!Ces gens ne sont pas tombés du ciel comme çà!!!

  • ranguin , 29 janvier 2015 @ 9 h 02 min

    Le miroir des alouettes fonctionne bien.
    Souvenez-vous : “MOI PRESIDENT….”

  • Guy Marquais , 29 janvier 2015 @ 9 h 08 min

    Comme c’est beau : “La vertu est le fondement du régime républicain ” …. et à défaut de vertu la morale peut aussi faire l’affaire !
    Mais quand on arrive a un point de délabrement de cette morale tel que chacun ne pense plus qu’à travailler le moins possible pour gagner le plus possible…Quand le seul Dieu qui règne est le Dieu POUVOUÂRDÂCHÄ… et ben, comme disait Coluche ” ça sera très difficile “

  • Daniel PIGNARD , 29 janvier 2015 @ 9 h 23 min

    Sur ce fameux bloc de constitutionnalité, la fameuse République nous a retiré le droit d’ester en justice en arguant des Droits de l’homme et du préambule de la Constitution de 1946. Les écoles de droit disent « Pour autant toutes les dispositions et principes n’ont pas une valeur exécutive, ce sont de jolies pétitions de principe qui n’ont aucune application concrète. Des voeux pieux si vous préférez. » alors qu’ils devraient être défendus par la justice comme les textes que je cite nous le rappellent.
    “L’autorité judiciaire doit demeurer indépendante pour être à même d’assurer le respect des libertés essentielles telles qu’elles sont définies par le préambule de la Constitution de 1946 et par la Déclaration des droits de l’homme à laquelle il se réfère.” (loi constitutionnelle du 3 juin 1958 – 4°)
    “Le peuple français réaffirme solennellement les droits et libertés de l’homme et du citoyen consacrés par la Déclaration des Droits de 1789 et les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République.” (préambule de la Constitution de 1946 )
    “Afin que cette déclaration constamment présente à tous les membres du corps social, leur rappelle sans cesse leurs droits et leurs devoirs; afin que les actes du pouvoir législatif et ceux du pouvoir exécutif, ” (préamb Déclaration 1789)

  • adamastor , 29 janvier 2015 @ 9 h 53 min

    Et qu’aurait fait Sarkozy selon vous? Dépassé les comptes de campagne?

  • SRI , 29 janvier 2015 @ 10 h 55 min

    Au fond, en politique qui croire? A qui peut-on faire confiance?
    Tout est pourri!!

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