La question du mariage homosexuel, aussi mal posée soit-elle, ouvre un sujet intéressant : celui de la coexistence entre différents êtres humains. Or, si les revendications pèchent par défaut, c’est justement parce qu’elles tendent à tout sexualiser. À ramener les relations humaines sous un prisme purement sexuel. À ne retenir que certaines de ces relations pour oublier le vaste phénomène de la coexistence des êtres humains. Bref, à participer, comme le dénonçait prophétiquement Tony Anatrella dans les années 1990, à la sexualisation de la société. Pourtant, le souhait de donner une assise juridique à des relations soutenues entre être humains n’est pas, en soi, une absurdité. Expliquons-nous.
Au fond, l’ouverture du mariage aux couples de même sexe participe de la même erreur que le PaCS : celle de ne réserver des avantages juridiques qu’aux communautés affectives. Pourtant, des individus peuvent, durablement, être unis pour des raisons autres que sexuelles. On pensera aux fratries, mais aussi à des personnes âgées, dont l’union, dans les derniers jours, fait justement la force. Ces unions se retrouvent à tous les stades de la vie. Certains adversaires du mariage homosexuel prônent une solution de substitution : l’union civile. Certes, c’est moins que le mariage – la symbolique du mot est évacuée, reconnaissons-le -, mais le danger reste le même : limiter la structure juridique à des personnes unies affectivement.
Or, justement, le droit pourrait s’intéresser à ces unions non affectives, mais pas nécessairement sexuelles. À ce jour, il existe quelques formes juridiques qui unissent les êtres humains, mais elles demeurent trop liées à un objet, comme les sociétés commerciales ou les associations. On songera à l’objet commercial ou associatif. Quid des êtres humains qui vivent pour des raisons autres que fonctionnelles ? Simplement parce que les nécessités de la vie les ont poussés à s’unir. Enfin, les structures que nous décrivons (associations ou sociétés) n’ont pas véritablement de conséquences fiscales ou successorales sur les personnes qui les composent. En ce sens, le mariage reste un cadre étroit, car fiscalement, il attribue plus d’une part fiscale aux personnes mariées ou veuves, donc anciennement mariées. Or, des individus vivant ensemble mériteraient certainement de payer moins d’impôts, ne serait-ce qu’en raison de la contribution qu’ils apportent à la société. Ils permettent d’éviter le délitement du lien social. Pourquoi ne pas envisager une union civile, large, donnant une assise juridique à des situations recouvrant des personnes vivant ensemble ? Cette union serait ouverte à deux individus vivant ensemble : frère et sœur, amis, colocataires, etc. Afin d’éviter les fraudes et autres abus de droit, des conditions pourraient être posées : condition de vie commune sous le même toit, existence d’une période de coexistence suffisamment consistante, etc.
Le droit de l’association des êtres humains pourrait ainsi enrichi par une nouvelle formule qui évite, peut-être, la cruelle alternative entre les formes affectives (le mariage) et les formes intéressées (les sociétés commerciales, les associations). On ne peut regretter que les libéraux se penchent si peu sur la question, même si leur bonne volonté ne fait aucun doute. Il en va de même de la part de tous ceux qui se reconnaissent dans la pensée traditionnaliste. Davantage prompts à critiquer – la critique est évidemment nécessaire -, mais sans rien proposer… Pourtant, face à la toute puissance de l’État, à ses risques inévitables d’étouffement du corps social, ne faut-il pas approfondir ces formules qui permettent aux individus de ne pas se retrouver seuls ? D’encourager des instruments qui permettent à ces derniers de devenir des personnes, non des entités amorphes à la merci de la moindre tyrannie, qu’elle soit individuelle ou collective. Appel aux législateurs qui nous lisent !
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