Ce dimanche, Fillon a donc été désigné comme candidat officiel de la primaire de la droite et du centre. Si on peut se réjouir que cette péniblerie médiatique soit passée, on va à présent devoir composer avec l’avalanche continue de niaiseries sur le sujet qui ne manqueront pas d’émailler nos journaux dans les jours qui viennent, en faisant passer tout le reste de l’actualité pertinente au second plan.
Ne boudons pas notre plaisir : le danger Alain Juppé semble écarté et cette désignation permet d’espérer que, d’ici huit jours, il sera autant oublié que Sablosky. Euh, non, Sapristy… Enfin, vous voyez bien de qui je veux parler.
Je dis bien « espérer ». En effet, on peut se rassurer un peu en notant que l’écart important entre les deux candidats du second tour de la primaire est assez grand pour qualifier la défaite de Juppé de branlée mémorable, qui permettra à ce dernier de remettre un peu ses compteurs à zéro et ré-azimuter clairement l’amour réel que le pays porte pour lui.
Cette bonne claque à l’égo de Juppé donne une probabilité raisonnable que notre homme ne se sente pas trop pousser des ailes et aille imaginer se présenter, en solo, à l’élection de 2017. Oh, bien sûr, ce faisant Juppé perdrait certainement une partie de l’électorat de droite s’il lui venait malgré tout cette idée suicidaire. Mais voilà : ce n’est plus cet électorat qu’il chasse, depuis bien longtemps, mais bien l’électorat d’un centre devenu inexistant ou impossible à situer, et l’électorat d’une gauche complètement désemparée, perdue dans ses dogmes de plus en plus fuyants. Or, à gauche, il y a pour le moment assez peu de candidats capables de rassembler plusieurs millions de voix (au contraire, même), ce qui laisse un réservoir électoral très large et désemparé, alors même qu’il est régulièrement cornaqué par des médias largement résignés à perdre aux prochaines élections mais déterminés à limiter la casse.
Bref : est-il réellement possible d’écarter définitivement Juppé du tableau ? Sans factoriser l’hypothèse amusante qu’il se présente à la primaire de gauche, on devrait rester attentif aux décisions du septuagénaire qui pourrait encore nous surprendre, ne serait-ce qu’en fusillant doucement Fillon si l’occasion se présente.
En outre et au passage, rappelons que cette primaire était, selon son intitulé, « de la droite et du centre ». Mais diable, où est ce dernier ?
Peut-on là encore totalement écarter que ce centre, disparu momentanément dans le vote Fillon, ne réapparaisse avec l’ectoplasmique Bayrou que le ridicule n’a, fort malheureusement, jamais réussi à dissoudre ?
Et puis, cette primaire de la droite est-elle parvenue à rassembler toute la droite ?
C’est loin d’être le cas puisqu’on sent déjà poindre des envies irrépressibles du côté de Michèle Alliot-Marie qui se sent probablement tout à fait capable de rassembler deux ou trois pourcents de votes indispensables à gêner un futur candidat et, par voie de conséquence, se placer en bonne position pour un portefeuille ministériel prochain.
On pourrait aussi évoquer Rama Yade, mais même Bayrou l’ectoplasmique semble plus concret. Passons.
On peut aussi compter sur Dupont-Aignan, qui ajoutera sa candidature au flot maintenant tumultueux des autres candidatures déjà identifiées. Reste enfin quelques originaux qui tenteront sûrement la course sans pouvoir prétendre ni aux signatures, ni même à l’indispensable équipe de joyeux colleurs d’affiches, de distributeurs de tracts sur les marchés et autres militants incrustés un peu partout pour faire connaître leur candidat.
Bref, c’est un véritable troisième tour de la primaire qui vient de s’ouvrir pour la droite, dans lequel le candidat Fillon, s’il part favori sur la route de l’Élysée, rencontrera sans aucun doute de nombreuses embûches.
À présent, on peut raisonnablement s’attendre à plusieurs choses.
D’une part, on va commencer à observer un orage dru de la presse sur la droite et son « champion ». Alors qu’il y a trois semaines, Fillon n’était essentiellement d’un Droopy sans intérêt, le voilà maintenant propulsé représentant officiel de Satan et de ses diableries pour tout l’Hexagone. Même si Fillon ne s’est que très timidement déclaré libéral et s’est en réalité surtout contenté de se revendiquer de l’héritage intellectuel et politique de Thatcher, les médias ont compris tout l’intérêt qu’ils pouvaient tirer de présenter le candidat de la droite comme un ultra-turbo-libéral à la limite fasciste auquel aucune privatisation, aucune suppression massive de postes de fonctionnaire ne fait peur. La tendance, outrageusement démarrée pendant la semaine d’entre deux tours, va donc continuer de plus belle, la mauvaise foi s’y disputant aux pires approximations et autres procédés consternants que les meilleures productions médiatiques vénézuéliennes ne renieraient pas.
D’autre part, on peut aussi s’attendre à ce que cette même presse fasse le nécessaire travail d’aplanissement pour le futur candidat de la gauche. Au contraire de son opposant, on peut raisonnablement parier qu’elle va complètement oublier les casseroles pourtant nombreuses des prochains candidats de cette primaire pour tenter de la faire passer pour digne, a contrario d’une primaire de droite dont le niveau moyen, de l’aveu de ces médias pas du tout biaisés, aura rarement dépassé celui de la ceinture.
Chose déjà amusante alors que la rumeur voudrait que Manuel Valls se dirige vers une démission pour une candidature dans les prochains jours, on peut parier qu’on trouvera au premier ministre d’étonnantes qualités qui, chez Fillon, l’auraient immédiatement qualifié pour une demi-douzaine de points Godwin (au bas mot).
Enfin, avec l’approche des primaires de gauche, on peut parier que la confusion va continuer à régner en maître dans les esprits des uns et des autres. Ainsi, des électeurs de gauche se sont empressés de verser environ 2,5 millions d’euros dans les caisses des Républicains, sans parvenir à faire désigner Juppé, avec le risque grandissant pour eux de devoir se retrouver, au second tour, à choisir entre l’abstention ou Fillon, qu’ils honnissent. Ainsi, des conservateurs (Fillon en tête) réclament maintenant des réformes, des progressistes (à la Mélenchon) s’arque-boutent pour que, surtout, rien ne change, des encartés socialistes ou des artisans dans des gouvernements de gauche se retrouvent à goûter et vouloir faire goûter la liberté, Macron en premier, pendant que des encartés de droite voire d’extrême-droite réclament quant à eux que l’ombrelle de l’État s’étende toujours plus loin, que la liberté soit nerveusement et rigoureusement encadrée pour éviter, enfin, toute surprise et toute initiative hors des clous (et ultimement, toute rébellion).
En somme, les messages des uns et des autres deviennent de plus en plus confus, les lignes de démarcation se font de plus en plus floues et nos journalistes / experts / troubadours, généralement fort mal dotés intellectuellement et anesthésiés par des années de subventions trop grasse, se retrouvent bien en peine pour donner un sens à ces vastes mouvements de pensées qui agitent la société française actuellement…
Pendant ce temps, Marine Le Pen, habile, a choisi la discrétion médiatique, et se contente d’avancer son nouveau logo qui aura toutes les peines du monde à faire oublier celui du Parti Socialiste… À moins que, finalement, ce soit ce dernier parti qui finisse par se faire oublier complètement au profit d’un Front National, devenu l’aspirateur à déceptions.
Le deuxième tour de la primaire de droite vient de s’achever. Le troisième commence.
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