Si on reconnaît au Made in France des qualités pour relancer l’activité des régions, soutenir l’emploi, revaloriser les savoir-faire et dynamiser l’économie par l’export, certaines idées reçues persistent. Quelles sont ces critiques ? Quel poids pèsent-elles dans la balance du Made in France ?
Le Made in France, vu de l’étranger : des idées reçues ?
Selon un sondage CLM BBDO mené début 2013 auprès de 800 professionnels et leaders d’opinion de 25 pays, le Made in France présente encore les inconvénients suivants pour les étrangers : il est considéré comme plus cher et comme manquant de compétitivité et de visibilité, particulièrement depuis la disparition de fleurons comme le Concorde, véritable « carte de visite » française à l’étranger. Les Français sont en outre perçus comme revendicateurs et arrogants, ce qui nuit à l’envie de collaborer avec eux. Néanmoins, « il existe un imaginaire de qualité à la française faite d’intransigeance de passionnés, d’audace dans les nouvelles idées qui résonne encore même s’il n’est pas toujours suivi de réalité », explique Valérie Accary, présidente de BBDO Paris. « A l’étranger, on associe plus facilement le savoir-faire Français au luxe et à l’automobile. Quand on demande d’associer Made in France à des marques, ce sont Chanel, Renault, Peugeot, Vuitton, Dior et Hermès qui ressortent en tête, d’où une exigence très élevée dans les attentes concernant les produits Made In France », ajoute-t-elle.
Le Made In France : pourquoi ?
Même en période de crise, les Français seraient prêts à payer plus cher pour un produit Made In France. Et ils ne sont pas les seuls : les classes moyennes des pays émergents comme la Chine sont friandes des produits Made in France qu’ils peuvent s’offrir depuis peu. La marque 100% Française Repetto, dont l’usine de fabrication est basée en Dordogne, doit ainsi une part de sa renaissance au marché chinois. Inversement, de nombreuses entreprises, après un mouvement de délocalisation amorcé entre 2009 et 2011, reviennent en masse sur le territoire français. La relocalisation représente une nouvelle tendance économique, saluée par Arnaud Montebourg, qui se félicite du « choix de la France » fait par des entreprises comme Eminence ou Rossignol. Eminence, le leader français du sous-vêtement masculin, possède deux usines de production dans le Gard, qui représentent près de 300 emplois dans la région. Tandis que Rossignol a obtenu le label « Origine France Garantie » et observe, début 2013, une progression des entrées de commandes de 10% par rapport à 2012. Le joailler Mauboussin, souvent critiqué pour ses fabrications indiennes ou chinoises, a, pour sa part, lancé une bague 100% Made in France : la « Premier Jour ».
Au-delà de l’intérêt pour la France en termes d’emplois industriels conservés sur le sol national, le Made in France présente un intérêt pour le client : il comporte au moins la garantie d’une qualité qui ne souffre d’aucune comparaison avec dans les produits en provenance de pays-usines. La préservation des savoir-faire pèse lourd dans la balance en faveur du Made in France. Selon un sondage réalisé par AuFéminin, 70% des Français considèrent le Made in France comme un gage de qualité, et 83% d’entre eux disent privilégier les produits nationaux, qu’il s’agisse des secteurs vestimentaires ou alimentaires. De plus, il comporte la satisfaction de payer pour des emplois locaux : l’emploi en France permet en outre d’éviter les conditions de travail parfois abusives, avec une main d’œuvre souvent sous-qualifiée et sous-payée. Pour Jean-Pierre Blanc, directeur général de Malongo, « le grand public éprouve désormais un sentiment de nécessité de faire travailler sur le territoire ».
D’un point de vue strictement financier, produire à l’étranger, dans des pays à la fiscalité réduite, peut s’avérer intéressant sur le court terme. Le choix du Made in France, par contre, est source d’avantages compétitifs sur le long terme. Pour les entreprises, produire en France signifie recourir à une des mains-d’œuvre les plus qualifiées et les plus productives du monde. Une production locale représente aussi de façon marginale des économies en termes de coût transport, et de façon nettement moins marginale, des gains en termes de réputation et d’image auprès des consommateurs-citoyens. Pour Anne-Laure Maman Larraufie, professeur à l’ESSEC, « l’effet du pays d’origine est susceptible d’influencer le consommateur lors du choix d’un produit ». À titre d’exemple, des produits à forte identité française, comme les boules de pétanque Obut ou les couteaux Opinel, réalisent respectivement 12% et 45% de leur chiffre d’affaires à l’export.
Le Made In France, ou la défense d’un modèle productif
Si les étrangers associent donc – de façon réductrice – le Made in France au luxe ou à l’automobile, il concerne cependant un éventail très large de secteurs. Électroménager, mode, papeterie, santé sont également porteurs du renouveau du Made in France. Certaines entreprises, comme Bic ou Optic 2000, n’ont par exemple jamais renoncé au gisement de valeur que recèle l’industrie française. Ainsi, Optic 2000, leader français du marché de l’optique, soutient activement le berceau de la lunetterie française : le Jura. Soumis à une concurrence rude, le secteur a perdu de nombreux emplois ces dernières années. Premier client de la lunetterie Française, Optic 2000 a donc engagé un programme de défense de la production française, « Mode in France ». Optic 2000 a ainsi obtenu le label « Origine France Garantie » pour une partie de sa gamme. « Nous sommes fiers d’avoir permis le maintien de 600 emplois dans le Jura, détaille Yves Guénin, le secrétaire général du groupe : pour l’année 2012, ce sont 220 000 montures et plus de 700 000 verres qui ont été fabriqués dans le Jura ! Nous vendons au sein de nos magasins environ 25% de montures françaises, alors que la part de la lunetterie française représente 1,5% de la lunette mondiale ».
Autre exemple, tout aussi ancré dans notre quotidien, le célèbre Bic. L’entreprise, créée en 1945 par Marcel Bich, lance son premier stylo en 1950. 70 ans plus tard, Bic représente 7 usines de production en France, et un chiffre d’affaires de près de 2 milliards d’euros. Son siège social se situe toujours à Clichy et l’entreprise réalise la majorité de son chiffre d’affaire à l’export. 80% pour le secteur de la papeterie, 95% pour les briquets. François Bich, l’actuel Président du conseil d’administration, a d’ailleurs vivement réagi sur la suppression de la loi anti-dumping à l’encontre des briquets chinois. Interviewé par Le Figaro, Bruno Bich, l’actuel président de Bic, soutient « qu’il faut à tout prix que la France et l’Europe défendent les sociétés européennes qui se battent mondialement ». La moitié de la production de Bic est réalisée en France, mais elle subit désormais la concurrence très sévère de la Chine.
Le Made in France correspond à une réalité économique. Cette tendance forte répond également à une recherche de repères et d’ancrages symboliques dans le quotidien des Français, surtout en période de crise de notre modèle social.
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