A quand des évêques noirs ?

En France, ce n’est pas une grande découverte, il y a des clochers qui n’ont pas vu de prêtre depuis des années. Dans d’autres, s’il n’y avait pas des prêtres africains ou asiatiques en renfort, la situation ne serait guère meilleure. Avec la rotation, ce sont désormais des milliers de prêtres étrangers qui ont séjourné en France depuis les deux dernières décennies, officiellement pour parfaire des cycles d’étude ou pour un soutien ponctuel, en réalité pour servir comme missionnaires dans un pays dont on peut dire qu’il est presque tout à fait déchristianisé.

Dans des villes entières l’écrasante majorité de la population ignore à peu près tout du contenu de la foi catholique et entretient sur l’Eglise des a priori équivalents à ceux que les païens de la Rome antique portaient contre les premiers chrétiens, adorateurs d’une tête d’âne et mangeurs d’enfants. Après tout, quand on entend les conversations de café sur la pédophilie des prêtres, l’homosexualité des évêques, les trésors des cardinaux et les réseaux mafieux des ordres religieux, on est pas très loin des racontars de l’Urbs.

Face à cette désaffection généralisée, à cette ignorance, la France est presque entièrement redevenue terre de mission. Il semble normal d’y envoyer des missionnaires étrangers pour remplacer un clergé indigène numériquement défaillant. Mais c’est ici qu’il conviendrait d’aller jusqu’au bout de la logique missionnaire et de rompre avec les derniers restes de catholicisme installé des siècles précédents.

Il apparaît d’une part que les évêques en place considèrent leurs missionnaires africains ou asiatiques comme des jeunes prêtres sympathiques à former avant qu’ils ne retournent dans leur pays, et d’utiles supplétifs en attendant, sur le sol français. On leur confie une paroisse, un vicariat, une aumônerie de jeunes, mais pas de responsabilités diocésaines importantes.

Il apparaît d’autre part que les sociétés missionnaires françaises tournées vers l’évangélisation intérieure, comme la Communauté Saint-Martin, les Frères de Saint-Jean, la Communauté de l’Emmanuel, l’Institut du Christ Roi, la Fraternité Saint-Pierre, etc. Même avec des séminaires plein à craquer, ne suffisent pas à combler les pertes. Cela semble une évidence. Comment 500, 600 voire 1000 prêtres peuvent-ils combler un manque de 15 000 voire 20 000 prêtres ? Comment si peu de volontaires peuvent-ils évangéliser 66 000 000 de Français ? Bien sûr, de tels écarts de chiffres sont avant tout un motif pour intensifier l’effort. Mais justement. Dans ces conditions, il faut sans doute faire feu de tout bois et admettre que la situation française de 2014 est comparable à celle de l’Afrique du XIXe siècle en termes de pénétration de la foi. A ceci près que les monuments, les fonds d’archives, les réseaux de maisons religieuses sont encore assez en place pour faciliter une reprise rapide, pour peu que l’Eglise s’en donne la peine.

Mais dans ces conditions, il apparaît, troisièmement, que la multiplication des regroupements paroissiaux et des regroupements de diocèses, en créant des territoires immenses à couvrir pour un clergé peu nombreux constituent des défis impossibles, humainement, à relever.

Il est difficile de ne pas procéder aux regroupements paroissiaux, car même le Vietnam, la Corée du Sud ou l’Afrique francophone, qui doivent eux-mêmes approfondir leur propre évangélisation, ne pourraient pas fournir des effectifs suffisants pour couvrir le territoire paroissial français.

Mais sur la question des diocèses le problème peut être traité différemment. La carte des diocèses a été conçue sur celle des départements, en 1801, dans une France de 28 000 000 d’habitants. Elle en compte aujourd’hui 66 000 000. Il est évident qu’un évêque, même accompagné d’une armée de vicaires épiscopaux et de coadjuteurs ne peut pas visiter de telles populations et les connaître toutes ou leur donner à toutes le sacrement de confirmation.

Bien sûr, la population catholique étant maintenant fort réduite, le problème du nombre de fidèles ne se pose pas. Mais celui du nombre de non catholiques à évangéliser, et de la taille du territoire à couvrir, eux, se posent avec d’autant plus d’importance.

Tout au contraire de la démarche actuelle, il faudrait songer à augmenter le nombre de diocèses, au moins à en maintenir le nombre, et à en pourvoir certains sièges exclusivement avec des missionnaires. Il s’agirait de missionnaires étrangers, c’est à dire débarrassés des préventions et des frilosités du clergé indigène, nommés avec la mission de former un clergé autochtone pour répandre la mission dans le pays. Un clergé français formé par un évêque n’ayant peur de rien parce que non français serait sans doute désinhibé.

C’est exactement ce que fit Monseigneur Lefebvre lorsqu’il était archevêque de Dakar et délégué apostolique pour l’Afrique francophone. Son ambition et la mission qui lui fut confiée par Pie XII était l’africanisation du clergé africain. En somme, si après la décolonisation l’Afrique francophone a pu non seulement demeurer catholique mais approfondir son catholicisme, c’est grâce à Monseigneur Lefebvre.

Au lieu de faire venir des missionnaires étrangers subalternes comme des rustines sur un pneu crevé au service d’évêques dont une partie gère un syndicat de faillite, il serait temps, certainement, de penser à confier des postes épiscopaux à des prélats africains ou vietnamiens envoyés en mission, avec pour but de recréer un clergé local.

Il y a urgence. Pour donner un exemple, Monseigneur Brac de La Perrière, évêque de Nevers, gouverne un diocèse où il ne reste plus qu’une vingtaine de prêtres en activité, une cinquantaine en ajoutant les retraités et les réguliers. Il est encore jeune. Le fringant quinquagénaire, lorsqu’il atteindra ses 75 ans et quittera son diocèse, s’il n’a pas pu inverser la vapeur d’ici là, sera le dernier évêque de Nevers… Pas de prêtres, pas de diocèse. Alors il faut sans doute oser non pas seulement faire venir des étrangers comme vicaires de paroisse, mais des étrangers comme recteurs de séminaires et vicaires épiscopaux ou comme évêques. La France est terre de mission. Assumons-le !

Bien-sûr, ça fera grincer dans les chaumières, parce que les moeurs sont différentes, que les pratiques pastorales peuvent surprendre parfois. Mais tout comme les Pères blancs s’adaptèrent à leur milieu en y restant vingt, trente ou quarante ans, ces “pères noirs” s’adapteront à leur bocage en y demeurant vingt, trente ou quarante ans.

De toute manière, avons-nous vraiment le choix ?

> Gabriel Privat anime un blog.

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61 Comments

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  • 0 / 10
  • Catholique & Français , 28 juillet 2014 @ 18 h 48 min

    Monsieur Dutreil, soyez bien gentil de ne pas vous mêler de ce qui ne vous regarde pas et de laissez les Catholiques débattre ENTRE EUX de leurs propres affaires. Aucune cloche de Rome ne vous a sonné et, quant à moi, simple Catholique pratiquant, il ne me viendrait pas à l’esprit d’expliquer doctement comment devrait ou ne devrait pas fonctionner le Grand Orient de France, comment organiser le Parti Socialiste ou de conseiller aux “Druides du Nouvel Age” de ne prendre pour épouses que des petites bretonnes rousses ayant au moins trois quartiers de certitude !

  • Catholique & Français , 28 juillet 2014 @ 18 h 48 min

    erratum : celtitude et non “certitude” !

  • Gisèle , 28 juillet 2014 @ 22 h 00 min

    @marie France
    Bonsoir . Je sais cela . Mais mon devoir de chrétienne m’oblige à défendre mon Eglise . Nous n’avons pas le droit de juger les prêtres , les évêques , etc et encore moins le Saint Père . Cela appartient à Dieu , puisqu’ils sont ses choisis . J’ai un ami intégriste . Ce qu’il dit des Papes qui ont succédé à Pie XII m’exaspère et nous nous prenons souvent le choux . Chacun campe sur ses positions .
    Certaines choses m’interpellent des deux côtés , d’autant plus que je suis de la génération transitoire . Heureusement , j’habite près d’un couvent Franciscain où je peux passer du temps à l’Adoration perpétuelle , me confesser souvent , et participer à la Louange , qui me regonfle à bloc .
    Mais hier , je suis allée à Bouillé Loretz dans les deux Sèvres réciter le chapelet et chanter les Vêpres extraordinaires et à l’Adoration ,pour les chrétiens d’Orient . Cette paroisse est traditionaliste . J’ai chanté en Latin , et j’ai apprécié le recueillement et la récitation lente du chapelet . Samedi , je suis allée à l’Adoration dans ma paroisse . Nous avons aussi chanté le Tentum Ergo et dit les mêmes prières . Notre prêtre , est un saint prêtre . Il est très attaché à la présence réelle de Jésus dans l’Hostie et bien d’autres choses que je ne dis pas par discrétion . Que Dieu nous le garde longtemps ! Et ses homélies aussi … à condition qu’elles ne fassent pas que transiter entre les 2 oreilles des fidèles .
    Evangéliser ??? Un prêtre Jésuite , nous a donné une petite feuille de 10cm sur 15 . Dessus , un dessin : une tête de bonhomme à la mine défaite ,avec au dessus , la phrase ; si t’as le moral à zéro , si t’es mal dans ta peau …on retourne la feuille et on retrouve le bonhomme coiffé d’un chapeau marin à pompon , les yeux et la bouche rieurs et la phrase : Mets DIEU dans ton cœur ( dessiné ) et tu connaîtras le bonheur . C’est tout bête ce petit prospectus à mettre sous les essuie – glace non ??
    Pour le reste , l’humilité , le partage etc etc …

  • Aristote , 29 juillet 2014 @ 7 h 38 min

    La France est terre de mission. Assumons-le !
    En effet et c’est bien là la question : se contente-t-on de gérer au mieux le déclin ou a-t-on l’ambition d’une nouvelle évangélisation ?
    Si la réponse à la seconde question est positive alors pourquoi,pas des évêques noirs ou asiatiques ?
    L’important est de savoir si nous avons assez de force pour repartir de nous-mêmes ou non . Cette question concerne d’ailleurs pratiquement tout l’ Europe .

  • oktavius , 29 juillet 2014 @ 8 h 27 min

    Ce ne sont pas les PERES BLANCS et les autres qui ont destructuré l’Affrique ! Se sont les administrations laics des Etats qui ont colonisé.
    Et les missionnaires, prêtres et soeurs et plus tards tous les volontaires laics ont souvent fait en sorte d’atténuer pour ces populations les méfaits d’une puissance destructrice. En particulier sous la très laique 3ème République !!!

  • thadarth , 29 juillet 2014 @ 10 h 05 min

    A tous notamment à Monsieur Dutrueil qui n ‘apprécie pas la contradiction même courtoise

    “”Aimez vous les uns les autres comme je vous ai aimés””

  • Jean Dutrueil , 29 juillet 2014 @ 10 h 09 min

    @PG,

    Vous avez l’art de tisser un gigantesque tissu de mensonges historiques en quelques lignes vous!!!

    1)Lisez la première partie de mon article sur le rwanda.

    http://www.ndf.fr/poing-de-vue/21-07-2014/le-catholicisme-est-responsable-du-genocide-rwandais-12#.U9dR1bk09Yc

    Qu’est-il dit dedans?

    Que la déstructuration s’est faite notamment sous un directeur des Pères Blancs QUI ETAIT MONARCHISTE, Monseigneur Classe. Donc votre dislocation marxiste n’existait pas sous son mandat.

    2) Vous dites une énormité historique en expliquant que l’Empire romain s’est fondé sur une déstructuration des ethnies et des pouvoirs locaux.

    C’est absolument faux, le génie romain est de n’avoir strictement rien modifié mais de s’être fondé sur les réalités historiques, sociétales, politiques et économiques des peuples conquis en appuyant sa suzeraineté sur les chefferies locales.

    C’est pour ça que l’empire a une longévité exceptionnelle de 400 ans alors que la colonisation européenne en Afrique s’est imposée en déstructurant les fondements africains afin d’imposer ses vues et l’évangélisation, résultat elle a duré à peine plus de 60 ans, c’est à dire une génération!

    Pour plus de détail sur ce sujet je vous conseille l’historien, catholique, Yann Le Bohec qui a beaucoup étudier les raisons de la pérennité de l’Empire.

    Sinon si vous considérez que les persécutions contre les païens par les chrétiens étaient un mythe sous l’empire et furent bien plus faibles que celles des païens envers les chrétiens, par conséquent je vous prie de pétitionner auprès de l’Université de Yale afin qu’elle vire son plus grand historien antique Ramsay Mac Mullen.

    Je vous prie aussi de pétitionner auprès de l’Université de Oxford pour qu’elle vire Robin Lane Fox, ainsi qu’auprès de l’ Université Sorbonne IV pour qu’elle destitue Pierre Chuvin.

    Le christianisme s’est imposé à L’Europe par la terreur et la violence.

    Je vous conseille pour une première approche le livre de Benjamin Gras intitulé “la destruction du paganisme dans l’empire romain” puis si vous avez plus de courage car c’est très universitaire, je vous conseille Ramsay Mac Mullen “Christianisme et Paganisme du IV au VIII siècles” puis “Chronique des derniers païens” de Pierre Chuvin

    Pour finir concernant l’effondrement de l’empire romain par l’immigration je suis en partie d’accord avec vous bien que l’Empire chrétien va dégénéré encore plus la situation car il sera gouverné par des élites chrétiennes complétement incompétentes. Pour plus de développement sur ce sujet je vous renvoie à Mac Mullen.

    Bien à vous

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