L’organisation tant médiatique que scénique de la manifestation du 26 mai n’est pas sans laisser quelques inquiétudes quant au tropisme UMP de certains. Il serait si facile en effet de céder à la tentation de la grosse maison à l’architecture connue et forte d’une vieille tradition républicaine. La mise en scène quasi triomphale du défilé des élus ressemblait à une course aux stars. Combien en aurions-nous ? Qui serait là ? N’avions nous pourtant pas dit que ces manifs devaient leur succès à leur non politisation ? N’étions-nous pas fiers de n’avoir été récupérés par personne ? Les porte-paroles n’ont-ils pas eu de cesse de clamer que ce mouvement n’appartenait à personne ? Oui mais voilà… Unanimement cette foule prend conscience que pour un après durable et efficace, il faut une traduction politique du mouvement contestataire. Or si les cadres de La manif Pour Tous ont eu un talent indéniable pour mener à bien la contestation, force est de constater que quoi que l’on dise de ces « pourris », être politique ne s’improvise pas et n’est pas politique qui veut. Même si avec la substitution de Frigide Barjot par Ludovine de La Rochère nous pouvons constater un très net changement de ton et de forme, La Manif Pour Tous se trouve bien embêtée face à la question de la politisation. Et ce flottement plus que compréhensible permet de tout espérer. Deux questions antithétiques sont sur toutes les lèvres. Qui récupérera cet élan à son profit ? Comment transformer l’essai de ces succès ?
L’UMP ne cache pas ses convoitises et si, jusque-là, la foule comme les organisateurs sont restés très hermétiques à ses appels, les choses bougent très clairement depuis quelques jours. Et la Manif du 26 mai, par cette course aux élus, est assez symptomatique de ce changement. Aussi ne faudrait-il pas sous-estimer l’action de Guillaume Peltier qui tente avec une habileté certaine de récupérer cette manne qui fait rêver tant de politiciens. Il faut garder à l’esprit et être bien convaincu que les valeurs fondamentales que viennent défendre ces millions de Français (dans la rue ou de chez eux) ne sont pas, et loin s’en faut, celles de l’UMP, pas plus que celle du FN ou de l’UDI. Et ce pour deux raisons. D’une part, ces trois mouvements incarnent un système antidémocratique qui confisque la voix du peuple au profit de partis influencés par les lobbys et les medias (et réciproquement). D’autre part, la dignité humaine qui est le cœur même de notre combat n’est que partiellement défendue par eux et souvent livrée en pâture à ces mêmes lobbys et medias, moyennant leur complaisance, leur influence ou leurs finances.
Les dissidences au sein de ces partis révèlent sans ambiguïté combien les valeurs fondamentales que nous défendons ne constituent pas un socle non négociable ni pour l’UMP, ni pour le FN, ni pour l’UDI. Par ailleurs, rejoindre l’UMP en rangs par 4 signerait ni plus ni moins que la fin de notre résistance. Nous serions pieds et poings liés par le système des investitures et la dynamique de groupe.
“Refuser la civilisation de mort qu’on nous impose en nous endormant chaudement ne se fera pas en gonflant les rangs de ceux-là même qui attisent le feu sous la marmite de la grenouille.”
La plus sure issue de cette manifestation (mais aussi la plus exigeante parce que précisément elle suppose qu’on ne lâche rien et donc qu’on ne confie pas à d’autres le soin de s’en occuper) repose dans ce sursaut même de la société civile, désormais obligée d’aller jusqu’au bout de sa démarche en tirant de son sein un personnel politique renouvelé et convaincu, capable de se faire entendre par-delà la logique des partis. Que chacun en soit bien conscient, il ne peut y avoir de succès véritable à cette révolution tranquille qu’en court-circuitant ces vieux mammouths institutionnels. Les rejoindre, tenter de négocier ou même de labelliser tel ou tel candidat est faire leur jeu, c’est-à-dire celui de structures anonymes, d’un rouleau compresseur. Quiconque s’aventurera dans ces fourches caudines prendra le risque de se fondre peu à peu dans le moule du parti.
Dire non à la loi Taubira et à son changement de civilisation, nous le voyons de plus en plus, c’est promouvoir un autre système fondé sur la responsabilité personnelle. Nous ne pouvons nous satisfaire du pis-aller UMP/FN/UDI. C’est à nous de nous prendre en main en faisant sauter ces cadres qui nous étouffent et nous briment. C’est à nous de donner le ton et la mesure en lieu et place des lobbys, des médias et de tous ces bobos trois fois pointés. Certes, ils sont violents, souvent menteurs et parfois méchants. Certes, cela signifie pour nous des heures difficiles et douloureuses. Mais que voulons-nous ? Être les sempiternels veaux des héritiers de de Gaulle, les éternels cons de Daladier ou ces géants de Vendée, ces héros des tranchées ?
Les sirènes d’une droite en mal d’adhérents ne doivent pas nous enivrer ! Refuser la civilisation de mort qu’on nous impose en nous endormant chaudement ne se fera pas en gonflant les rangs de ceux-là même qui attisent le feu sous la marmite de la grenouille.
C’est bien tout le système qu’il faut déjouer pour garantir la liberté, la démocratie et la véritable promotion de nos valeurs. Et pour cela il faut partir de l’intuition même de ce mouvement spontané de la France profonde. La société civile la plus ordinaire s’est insurgée contre ce monopole étouffant des apparatchiks de tous bords. C’est à elle de poursuivre sa mobilisation en occupant là où elle se trouve le terrain politique. C’est à elle de s’organiser pour conserver intact cet élan et ne pas le perdre dans de vieilles outres.
Rejoindre l’UMP, l’UDI ou le FN, serait un suicide pour notre mouvement.
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