Déçu par la platitude des films présentés à Cannes cette année, je vous soumets ma candidature pour la présidence du festival en 2014. Aussi, je vous propose d’ores et déjà trois films que je souhaiterais voir en compétition pour la palme d’or.
Mon premier choix est un film d’auteur et traite de la mort. Anaïs, une jeune fille de 15 ans, vit dans un contexte familial particulier. Violée à de nombreuses reprises par son beau-père, elle supporte en plus les violences régulières de celui-ci à l’encontre de son petit-frère et de sa mère. Cherchant refuge auprès de son père biologique, ce dernier la rejette après avoir refait sa vie avec une autre femme.
Isolée, en proie aux doutes et ne sachant à qui confier ses difficultés, Anaïs se scarifie dans l’espoir d’évacuer sa douleur psychique. Mais rien n’y fait et elle aboutit au constat que seule la mort peut régler ses problèmes. Après avoir égorgé sa mère et son petit-frère au couteau de cuisine, elle assassine à bout portant son beau-père avec la carabine familiale. Non encore rassasiée, elle se rend au domicile de son père et de sa nouvelle femme pour achever son sinistre ouvrage.
Bouleversant et poignant, ce film est un petit bijou. Il met en lumière l’appel au secours d’une adolescente classique dans une famille presque normale et qui peine à trouver ses repères. Parfois crû, ce film n’en demeure pas moins bourré d’humour. Il heurtera les âmes les plus sensibles et ne s’adresse probablement pas à tous les publics. Il permet de s’interroger sur la famille et sur la relation mère-fille. Il ouvre également une réflexion sur la mort et sur l’au-delà.
Mon second film aborde le douloureux sujet de l’intolérance. Son héros est noir, chômeur, sans papier, homosexuel et handicapé. Entre plusieurs actes sexuels très pudiques (je vous invite à mesurer l’exploit que représente la réalisation de telles scènes en fauteuil roulant), le film retrace les difficultés de ce héros dans sa vie quotidienne. Sa meilleure amie reste malheureusement l’intolérance. Palpable à tous les étages, cette intolérance émeut le spectateur sensible à la détresse de cet homme.
Sans papier, il se bat contre tout un système déshumanisé et constitué de droit d’asile, CMU, logement social et autres allocations. Mais il tient bon, opposant aux racistes et homophobes de tout poil son humour et sa grandeur d’âme. Sa rencontre avec une militante LGBT d’origine algérienne, née d’un père vénézuélien qu’elle n’a pas connu et d’une mère afghane prostituée, lui apporte une bouffée d’oxygène. Cette nouvelle amie va lui faire rencontrer les vraies douceurs de la vie. Celle qui lui permet de vendre son corps contre des euros sonnants et trébuchants. Celle qui lui fait découvrir les vertus aphrodisiaques du pavot. Celle qui lui démontre que le travail n’est pas une obligation sous réserve de maîtriser l’art du remplissage de formulaires.
“Ce film refuse tout militantisme. Il se réfugie dans des scènes de la vie quotidienne. Il s’attache à rappeler le sens du beau et du sacré. Surtout, il aborde sans tabou et avec élégance la puissance du multiculturalisme. Les personnages y sont généreux et attachants, à l’exact opposé de la société intolérante dans laquelle ils évoluent.”
Ce film refuse tout militantisme. Il se réfugie dans des scènes de la vie quotidienne. Il s’attache à rappeler le sens du beau et du sacré. Surtout, il aborde sans tabou et avec élégance la puissance du multiculturalisme. Les personnages y sont généreux et attachants, à l’exact opposé de la société intolérante dans laquelle ils évoluent. Ils aimeraient la transformer mais se heurtent à des valeurs archaïques et encore incrustées dans le subconscient de la majorité.
Le dernier film que j’ai retenu s’intéresse au danger de l’intégrisme. Spécialiste des questions religieuses et auteur de l’ouvrage « Pourquoi il faut tuer Dieu », son réalisateur, Ahmed Mouloud Benchikroute, n’a pas fait le choix de la facilité en optant pour l’intégrisme catholique en France. Outre la censure qui s’exerce sur ce sujet, le réalisateur reconnait s’exposer à un risque aigu de représailles de la part des nombreux groupuscules d’extrême droite qui peuplent le pays.
Avec ce long métrage, nous suivons parallèlement la vie d’un prêtre – une sorte de fou qui consacre toute sa vie à Dieu – et celle d’un jeune catholique se rendant à la messe tous les dimanches !
Le premier nous explique le sens de sa vocation. Nous y découvrons toute la violence de cette religion qui vénère le corps et le sang d’un type mort il y a 2 000 ans. Avec courage, le réalisateur aborde la question totalement taboue de la pédophilie chez les prêtres et s’interroge en toute objectivité sur la responsabilité du célibat dans ce fléau pour l’Église. Il ose ensuite porter un regard critique sur le pape et son discours.
Le second personnage est sidérant. Totalement embrigadé par cette puissante secte, il est incapable de mener par lui-même la moindre réflexion censée. Le spectateur éprouve presque de la compassion pour ce pauvre garçon désorienté et qui se fait l’avocat de la famille, du respect de la vie et de la charité envers autrui.
Ce film brillant violente le spectateur avec des propos difficilement soutenables et qui heurtent naturellement les consciences. Le summum est probablement atteint avec cette affirmation lâchée par le jeune catholique : « Je crois que le mariage homosexuel est de nature à contrarier un ordre naturel qui nécessite la présence d’un homme et d’une femme pour faire grandir au mieux un enfant. ». Le spectateur saisit alors mieux le danger de cette nébuleuse et la nécessité de la combattre avec détermination.
Tout au long de ce film, on saluera le remarquable travail du réalisateur qui s’attache uniquement aux faits et n’extrapole nullement.
Je souhaite que ces trois films retiennent toute votre attention tout comme ils ont retenu la mienne. Je désire réellement une sélection de films novateurs, percutants, lumineux et résonnants pour le festival de Cannes 2014. Je souhaite des films proches des gens et de leur quotidien. Nous pourrions également aborder d’autres sujets peu conventionnels pour le septième art, comme l’écologie ou l’euthanasie. Je reste à votre disposition pour tout échange sur ce sujet.
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