« Ce n’est pas la girouette qui tourne, mais le vent » est une citation très connue d’Edgar Faure, l’un de ces politiciens professionnels dont se délectent les commentateurs spécialisés toujours admiratifs de la finesse d’esprits qui ont ainsi masqué la médiocrité de leur action au service du pays. L’ambition des feuilles mortes est celle qui correspond le mieux à l’automne des nations. C’est la saison de l’Europe actuelle et en particulier de la France. La politique des petites phrases, des traits d’humour ou des mots d’humeur a envahi le paysage . Le grand projet a disparu, l’action est paralysée. Les débats rétrospectifs, les obsessions idéologiques, les censures qui castrent la pensée les ont remplacés. Auparavant, on communiquait pour expliquer l’action, puis on s’est contenté de l’annoncer, ce qui permettait d’oublier de la mettre en oeuvre. Maintenant, on communique pour communiquer. Le Président en a fait récemment la démonstration sur l’outil de désinformation nationale chargé de canaliser le politiquement correct subversif et corrosif qui, depuis les années Mitterrand, mine notre esprit public national, avec quelques autres, au demeurant.
Cette politique de la feuille morte vient d’être confirmée par deux informations récentes. D’abord, le chômage continue sa montée. Selon la triste habitude prise par nos gouvernants dans leurs commentaires des statistiques, ils se félicitent du ralentissement de la hausse faute de pouvoir se vanter de la baisse. Comment ? Nous sommes dans le pays de l’Etat-roi, qui depuis Colbert, entend diriger l’économie, affirmer son volontarisme plus que jamais avec l’idéologie socialiste intarissable sur les bienfaits des services publics, et nos gouvernants socialistes scrutent l’horizon… Ils savent que leurs demi-mesures tronquées par l’idéologie et le lâche calcul politique n’apporteront aucun résultat significatif. Ils n’attendent que les bénéfices d’un contexte international porteur, et notamment de la baisse du prix de l’énergie, de celle de l’Euro, et de taux d’intérêts favorables. Des signaux positifs apparaissent d’ailleurs à l’étranger puisque nous exportons plus en Allemagne : +5,4% en un an. Il est néanmoins humiliant de confier notre redressement aux conséquences heureuses de celui que les autres on réalisé par la volonté et l’effort. La comparaison avec le Royaume-Uni dont la politique est la plus éloignée de la nôtre est éloquente. 368 000 Britanniques ont retrouvé du travail en 2014, deux fois plus que les Allemands. Il y a eu en France 180 000 chômeurs supplémentaires. Entre 2010 et 2015, le taux anglais est tombé de 8,4% à 5,5%. Le nôtre est passé de 9,2% à 10,5% ! 31 millions de britanniques sont employés dont, c’est vrai, 8 millions à temps partiel. En France, 24 millions dont 5 millions ! En Mars, la barre des 3,5 millions de chômeurs a été franchie dans notre pays avec une hausse de 15000. Le chômage des jeunes, malgré les emplois aidés, celui des seniors et de longue durée ont augmenté, soulignant l’inanité de la politique « déployée ». Ce n’est pas une comparaison, mais un réquisitoire !
Par ailleurs, et peut-être dans un souci de compenser la mauvaise nouvelle, un rapport a été publié, en provenance de France-Stratégie et de la DARES. Il est consacré à la prospective des emplois et des qualifications, bref aux métiers en 2022. Merveilleux ! Selon les trois hypothèses de croissance annuelle, la France créerait entre 735 000 et 830 000 emplois tandis qu’elle verrait son chômage se résorber à 10% voire à 7%, cette année là, selon le scénario le plus optimiste. Non seulement ce serait moins bien que nos partenaires aujourd’hui, mais les causes impliquées ont vite fait de ramener la morosité. Le premier facteur invoqué est le vieillissement : un grand signe de vitalité ! 565 000 fins de carrière par an entre 2005 et 2012. 619 000 dans les dix années suivantes. Cela va assurer 80% des emplois annuels. Youpie ! Vive le gouvernement ! Avec ce genre d’argument, il sera difficile d’expliquer qu’il faut retarder l’âge de la retraite pour équilibrer nos comptes, augmenter la population active, accroître notre compétitivité et créer de vrais emplois… Mais la France n’a pas seulement oublié Colbert et négligé Turgot. Elle renonce à Descartes, puisqu’on y peut dire, d’un jour à l’autre, tout et son contraire, sans le moindre bon sens ! Les « vieux » ont un autre mérite : ils réclament des aides à domicile et des aides-soignants. Ce sont les professions pointées comme les plus porteuses d’avenir… Suivent en général les activités tertiaires du commerce, de la restauration et de la sécurité. Les besoins en ouvriers qualifiés ou non de l’industrie et du bâtiment vont régresser ou stagner. L’encadrement et les services aux entreprises vont recruter. Cette perspective montre combien l’immigration d’une main-d’oeuvre non qualifiée est superflue, combien les méandres du débat politique méconnaissent la réalité.
Si Edgar Faure vantait les mérites des feuilles mortes, André Tardieu fustigeait le désastre des « chiens crevés au fil de l’eau ». Puisque l’absence de courage et de volonté est le plus sûr moyen de poursuivre sa petite carrière politique, tantôt dans la majorité, tantôt dans l’opposition, pourquoi prendre des risques pour un pays qui s’enfonce mais est très loin de couler ? Voilà ce que se disent nos politiciens à gauche comme à « droite ». Voilà pourquoi il serait bon de les mettre, eux, et pour de bon, au chômage !
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