Il y a quelques années, un grand hebdomadaire national recueillait les confidences de proches de l’actuel président, alors qu’il n’était que « monsieur 3% » à la primaire socialiste. Parmi celles-ci, on apprenait que l’ancien premier secrétaire du PS était un indécrottable optimiste, prompt à penser qu’il « serait le seul survivant d’un crash aérien » si une telle mésaventure devait lui arriver.
Quelques années plus tard l’avion présidentiel a subi de nombreuses dépressurisations de cabine qui l’ont forcé à voler en rase-motte depuis son élection, à deux doigts du crash sondagié. Le voilà pourtant qui, propulsé par l’onde de choc de multiples ceintures d’explosifs, se remet à prendre de l’altitude, à remettre les gaz vers un activisme qui n’est pas sans rappeler celui d’un certain Nicolas Sarkozy, qui d’ailleurs enrage depuis le sol, broyé par une gauche qui siphonne ses propositions, et par un FN qui y a pensé bien avant lui. Hollande lui rêve déjà de se voir, tel le phénix, renaitre des cendres de sa propre politique, et pourquoi pas, prolonger son bail à l’Elysée à la faveur d’une divine surprise qui le verrait opposé au second tour à la présidente du FN. Certes le résultat d’un tel match est loin d’être plié, nous ne sommes plus en 2002, mais soudain ce qui apparaissait comme la politique fiction apparaît comme une possibilité, ténue, mais réelle. Hollande partage avec ses camarades de la promotion Voltaire de l’ENA, une capacité à résister à tout, et à faire vivre l’adage selon lequel en politique, on est jamais mort.
“Si François Hollande se voit déjà en phénix, on ne saurait trop lui rappeler
qu’un autre animal est extrêmement difficile éliminer pour de bon : le cafard.”
Sans vergogne, le socialiste ressuscite les mannes de la vieille gauche française, celle qui se voulait volontiers cocardière, revancharde, et un brin chauvine, avant que « la grande lueur à l’est » ne viennent lui faire franchir le rubicond du socialisme et de l’internationalisme. Le plus étonnant étant qu’au PS, pas un frondeur ne moufte. Déchéance de la nationalité, renforcement des dispositifs de répression en lieu et place de l’action sociale et sociétale, discours guerrier, drapeaux tricolores en pagaille. Le décorum est là, ce n’est plus Valmy la nation en arme, mais le Bataclan la nation en larmes. Tout cela pourtant sonne faux, et si l’émotion masque encore le calcul politicien, le retournement de veste laisse échapper de trop grosse ficelle pour passer inaperçu. 2017 voilà l’enjeu, se qualifier comme le candidat naturel de la gauche, se faire réélire, faire oublier les turpitudes des premiers temps du quinquennat. Sous les oripeaux du chef de guerre, se cache en réalité le seul ministre un tant soit peu talentueux de ce gouvernement, Jean-Yves Le Drian, seul paravent à une médiocrité ambiante que cache de plus en plus mal l’enchaînement des événements. Les forces de sécurité, les symboles nationaux, la nation elle-même à la rescousse du PS. Après tant d’années passées à noyer ce concept sous des tombereaux d’individualisme et d’européisme, l’ironie n’est pas dénuée d’un certain sens de l’absurde.
La nation ce n’est pas si mal quand il s’agit de mobiliser un peuple ! Ce n’est pas si mal quand il s’agit de ressouder, même momentanément un tissu social atomisé ! On se souviendrait avec un sourire amusé du « nationalisme c’est la guerre ! » de François Mitterrand si la situation n’était pas si tragique ou encore de l’émoi à gauche, lorsque Ségolène Royale semblait un peu trop idolâtrer le drapeau tricolore en 2007… Les exemples à exhumer ne manquent pas.
Il faudrait pourtant que le président ne prenne pas des vessies pour des lanternes. S’il se voit déjà en phénix, on ne saurait trop lui rappeler qu’un autre animal est extrêmement difficile éliminer pour de bon : le cafard.
45 Comments
Comments are closed.