Au-delà des clivages convenus, la gauche orwellienne

Chantal Delsol, philosophe catholique et personnaliste, dans son article publié dans Le Monde du 23 mai 2013 (« Les orwelliens, ou la naissance d’une gauche conservatrice »), appelait l’attention sur une gauche hostile aux dérives sociétales.

Cette gauche-là, bien que minoritaire, est foisonnante. Les mouvements organisés et les interventions publiques sont nombreux et actifs. Qu’ils aient été peu médiatisés ne nous étonnera pas, puisque gênant aussi bien la gauche politiquement correcte que la droite qui a l’impression que l’on préempte son fonds de commerce. Attachons-nous à dérouler la chronologie du phénomène.

Dans une tribune publiée le 22 novembre 2010, s’expriment les opposants qui s’opposent au rapport préparatoire du Parti socialiste sur la bioéthique, coordonné par Najat Belkacem et Bertrand Monthubert (PS) Ce projet milite pour la légalisation de la GPA. Portée par les professeurs René Frydman (gynécologue) et Olivier Lyon-Caen (neurologue), elle est signée par une trentaine de personnalités de gauche au premier rang desquelles deux anciens Premiers ministres, Lionel Jospin et Michel Rocard, ainsi que Laure Adler, Sylviane Agacinski, Jean-Marc Ayrault, Nicole Bricq, Alain Claeys, Caroline De Haas, René Frydman, Elisabeth Guigou, Gisèle Halimi, Benoit Hamon, Lionel Jospin, Jean Peyrelevade, Michel Rocard, Maurice Ronai, Catherine Tasca.

Le bureau national du PS tranchera le 30 novembre 2010 en faveur des signataires de la tribune et se prononcera contre la légalisation de la GPA.

En septembre 2011, apparaît le mouvement des « Poissons roses-Conviction », fort de 800 militants et élus du Parti socialiste. Se revendiquant du personnalisme d’Emmanuel Mounier, il réclame des « Etats généraux sur le mariage républicain qui est actuellement en crise ». Pour faire entendre leur voix dissonante, les «Poissons Roses-Conviction » déposent une contribution thématique en juillet 2012 en vue du Congrès du PS tenu en octobre 2012. Ce texte met en avant les réflexions de Gaël Giraud et Bernard Perret, économistes, Jean-Claude Guillebaud, journaliste et écrivain, et Bernard Devalois, professeur de médecine. Parmi les signataires, on trouve beaucoup de chrétiens de gauche et de membres de la « deuxième gauche »: Philippe de Roux, Olivier Favereau, Pascal Ollive, Jean-Pierre Mignard, Dominique Potier (député de la Meurthe et Moselle), Michel Rocard (ancien Premier ministre). Au-delà du mariage homosexuel, l’adoption par les couples homosexuels est inacceptable pour les Poissons roses. « Faut-il, au nom d’un droit à l’enfant pour tous les couples, remettre en cause le principe fondamental du droit de l’enfant à connaître ses parents et être élevé par eux? Peut-on, au nom du droit de l’adulte, priver délibérément certains enfants de cette altérité entre l’homme et la femme ? », interrogent ses membres dans leur contribution. Ils appellent à participer à la Manifestation pour tous en janvier 2013 « à condition que tout soit fait pour éviter les dérives homophobes ». Ils sont par ailleurs hostiles aux projets actuels de modification de la loi de 2005 sur la fin de vie. L’équipe dirigeante comprend quelques figures de la gauche.

Hélène Rat-Roy, pharmacienne, conseillère municipale PS à Dijon, est la présidente du mouvement depuis avril 2013. 

Philippe de Roux, co-gérant d’une entreprise de réinsertion dans le bâtiment, fondateur d’une ONG mettant en place des projets d’adduction d’eau courante dans des pays en développement, est aussi le fondateur du mouvement des Poissons Roses et son secrétaire général. 

Michel Simonnet, entrepreneur et créateur de sociétés de services en informatique, est le nouveau trésorier des Poissons Roses depuis le 13 avril 2013.

Nestor Dosso, responsable de la logistique d’un grand hôtel, est aussi co-fondateur d’une association pour le rapprochement des citoyens par la création d’événements culturels. Il est délégué général du mouvement des Poissons Roses.

Jean-Claude Guillebaud, éditorialiste au Nouvel Observateur, en passant par Le Monde et le magazine La Vie, est au cœur de tous les débats d’idées des Poissons Roses.

Pascal Ollive, ancien président du Mouvement des Jeunes Socialistes, est pasteur à Nîmes.

Le 30 mai 2012 dans l’hebdomadaire catholique La Vie, les associations engagées dans l’accompagnement de la fin de vie qui viennent de se fédérer dans le Groupe national de concertation sur la fin de vie exigent l’organisation d’Etats généraux sur le sujet, avant toute décision législative telle qu’annoncée par François Hollande dans sa proposition 21. Responsable de l’unité de soins palliatifs de l’Hôpital Paul Brousse à Villejuif, et co-responsable du diplôme universitaire de soins palliatifs de l’université Paris XI, Sylvain Pourchet en est le secrétaire général.

Les associations membres du GNCFV sont les suivantes: ASP Fondatrice, Collectif Plus digne la vie, Fédération JALMALV, Fédération UNASP, Fédération Vivre son deuil, Fonds pour les soins palliatifs, Les Petits frères des pauvres, Poissons Roses, Société française d’accompagnement et de soins palliatifs (SFAP), SOS fin de vie, Vivre son deuil IDF.

Le 11 septembre 2012, est publié un appel intitulé « Pour un vrai dialogue sur l’essentiel, un appel de croyants de gauche », initié par Didier da Silva, enseignant, président de Chrétiens pour une Gauche Nouvelle, René Poujol, journaliste, Vincent Soulage, agrégé d’Histoire, et Eric Vinson, enseignant-chercheur et journaliste. Le 20 novembre 2012, le texte accompagné des 834 signatures est transmis notamment au Président de la République. Signé aussi par les Poissons roses, cet appel invite à ouvrir un dialogue approfondi sur le mariage pour tous. « Nous nous interrogeons sur certaines mesures «sociétales» contenues dans le programme du candidat socialiste à la présidentielle et confirmées lors des législatives. Elles concernent l’euthanasie, le mariage entre personnes du même sexe et l’homoparentalité. Elles nous paraissent de nature à diviser profondément l’opinion, parce qu’elles proposent de légiférer dans des domaines qui touchent à l’essentiel de la personne humaine ». Parmi les signataires, on note Philippe de Roux, Chantal Hamy et Nestor Dosso avec les “Poissons Roses”, Philippe Deterre, prêtre de la Mission de France, Gabriel Hagaï, rabbin, codicologue, Jean-François Kesler, ancien directeur adjoint de l’ENA, professeur émérite, Paul Pistre, animateur de la “Lettre des chrétiens amis des maçons”.

Le 23 avril 2013, issus de trois groupes parlementaires de gauche, dix députés votent contre la loi autorisant le mariage pour les homosexuels et cinq s’abstiennent. “J’aurais voté pour sans le volet sur la filiation. Je suis contre le fait qu’un enfant puisse avoir deux pères ou deux mères.”, explique Jérôme Lambert, petit neveu de François Mitterrand, qui vote contre, au même titre que Bernadette Laclais (Savoie), Patrick Lebreton (Réunion) et Gabrielle Louis-Carabin (Guadeloupe). Quant à Marie-Françoise Bechtel (Aisne), Jean-Luc Laurent (Val-de-Marne), tous deux chevènementistes, Dominique Potier (Meurthe-et-Moselle) et Jean-Philippe Mallé (Yvelines), ils expriment leur désaccord en s’abstenant. Ces huit parlementaires sont membres du groupe SRC (socialiste, républicain et citoyen) qui regroupe socialistes, radicaux de gauche et chevènementistes. 

Dans le groupe GDR (Gauche démocrate et républicaine) qui compte les élus du Front de Gauche et des ultra-marins autonomistes, les martiniquais Alfred Marie-Jeanne, Jean-Philippe Nilor et Bruno Nestor Azerot votent contre, tandis que le Guyanais Gabriel Serville s’abstient. Bruno Nestor Azerot rappelle que « c’est parce qu’il est un homme de gauche qu’il préfère l’humain et l’humanisme à ce que sous-entend ce texte ». Patrice Carvalho (Oise), membre du Front de Gauche, vote aussi contre. Deux élus du groupe RRDP (radical, républicain, démocrate et progressiste), composé de radicaux de gauche, Ary Chalus (Guadeloupe) et Thierry Robert (Réunion) votent également contre.

Alors que le Parti socialiste est officiellement favorable au projet de mariage des homosexuels depuis au moins 2007 (il s’agit de la proposition 31 du candidat François Hollande), certains cadres socialistes émettent des réserves sur le projet, voire une franche opposition.

Le 7 février 2013, Michel Rocard porte un jugement hostile  : « Tout ça me paraît dangereux. Pour l’adoption, il me semble que ce n’est pas souhaitable, donc je ne suis pas pour. »

Lionel Jospin, ancien Premier ministre, ne goûte guère l’expression “mariage pour tous” : « Il faudrait employer une expression plus précise », et reste attentif au fait que « l’humanité est structurée entre hommes et femmes ».

Bernard Poignant, proche conseiller de Hollande, orphelin de père, écrit sur son blog : « A mes yeux et quoi qu’il arrive, [l’enfant] se construit dans l’altérité des genres, masculin et féminin, père et mère. Un enfant doit toujours savoir qu’il a ou a eu un père et une mère. » Il confie à L’Express, « J’ai dit à François (Hollande) ce que je pensais, tout en me gardant de sonder ses convictions personnelles ».

L’ancienne ministre socialiste Georgina Dufoix  se déclare contre le projet de loi au motif qu’il « bouleverse en fait la conception du mariage pour tous les citoyens, détruit la notion de filiation, institue corrélativement un droit à l’enfant et, in fine, introduit la théorie du genre au sein de la société ». Elle est la seule ancienne ministre socialiste à manifester le 13 janvier 2013. 

Le maire socialiste de Cherbourg, Jean-Michel Houllegatte déclare à La Presse de la Manche : « On ne doit pas changer le sens du mot mariage qui repose sur l’union d’un homme et d’une femme ». 

Le sénateur-maire socialiste de Lyon Gérard Collomb explique sur Europe 1 : « Ce contre quoi je mets en garde, ce sont les dérives qui peuvent exister à l’avenir (…) l’industrie des mères porteuses pour autrui ». Il conclut en affirmant qu’il votera le projet de loi, même s’il concède « un certain nombre de réserves ».

Au-delà du Parti socialiste, de nombreux hommes et femmes de gauche se montrent opposés au projet de loi sur le mariage homosexuel.

Jean-Pierre Chevènement, dirigeant du Mouvement républicain et citoyen, ancien ministre, se prononce contre : « Avec ce projet de loi, nous brouillons complètement le droit de la filiation. Des couples homosexuels pourront adopter ensemble des enfants. GPA et PMA ne sont pas dans le texte, mais vous savez très bien que c’est une hypocrisie et qu’en réalité tout cela va ensemble, petit à petit, quels que soient les hommes politiques. […] Je pense qu’un enfant a le droit à avoir un père et une mère, ou au moins, l’idée d’un père et l’idée d’une mère ».

Pour Jean-Jacques Rateau, conseiller du Parti radical de gauche à l’Assemblée des Français de l’étranger, « le projet de mariage pour tous va à l’encontre de la réalité biologique de l’espèce humaine et menace les fondements de la famille (un père, une mère, des enfants). » Il appelle à la Manifestation pour tous du 13 janvier 2013.

Sylviane Agacinski (philosophe et épouse de Lionel Jospin), qui s’était exprimée sur la question bien avant la rédaction du projet de loi du mariage pour tous, estime que la question du mariage homosexuel est indissociable de la question de l’homoparentalité à laquelle elle est hostile. 

Jacques Testart, père médical du premier bébé éprouvette français et ancien militant trotskyste, émet l’idée que « la PMA est justifiée quand il s’agit de femmes stériles » mais affirme qu’il « résiste à la perspective de la PMA pour les homosexuels ». 

Daniel Delaune, élu divers gauche de Grand-Camp (Seine-Maritime), est l’un des pères de l’appel du « Collectif des maires pour l’enfance » militant pour annuler le projet et refuse de célébrer tout mariage homosexuel : « Au nom d’une prétendue égalité des droits, on est en train de créer un système injuste : certains enfants auront la chance d’avoir un père et une mère et d’autres en seront privés délibérément. »

Parmi les trois grands initiateurs de la “Manifestation pour tous” du 13 décembre 2012, se distingue Laurence Tcheng, une enseignante de gauche. « Le mariage gay est un bouleversement majeur ! » estime-t-elle. Elle est à l’origine de la page Facebook intitulée « La Gauche pour le mariage républicain », créée quatre jours avant le défilé du 17 novembre 2012.

Fin 2013, est créé le « Collectif pour le Respect de la Personne » (CoRP) qui rassemble des chercheurs et universitaires de gauche.

 

Parmi les membres fondateurs, on remarque Eliette Abécassis, Sylviane Agacinski, Marie-Josèphe Bonnet, Marie-Anne Frison-Roche, Monette Vacquin.
 « Nous estimons que les lois constituent le socle sur lequel s’institue l’humanité. Elles seules peuvent garantir le respect de la justice, de la paix, de la liberté, de l’égalité et de la dignité des êtres humains. Aujourd’hui, ces valeurs sont remises en cause par le néo-libéralisme et le développement des biotechnologies qui risquent de réduire les personnes au statut de ressource, de matériau biologique ou de produit. »

La décision de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), le 26 juin 2014, de condamner la France pour son refus de retranscrire dans l’état civil français des enfants nés de mères porteuses à l’étranger, amène le CoRP à lancer une pétition contre cet arrêt, qui réunit une soixantaine de signatures du monde intellectuel et politique de gauche, publiée par le journal Libération le 13 juillet 2014. Elle est portée par : Jacques Delors (président de la Commission Européenne 1985-1994), Lionel Jospin (ancien Premier Ministre), Yvette Roudy (ministre des droits des femmes de 1981 à 1986), Marie-George Buffet (députée de Seine-Saint-Denis, ancienne Ministre, Secrétaire national du Parti Communiste Français 2001-2010), Catherine Tasca (ancienne ministre, première vice-présidente du Sénat), José Bové (député européen), Eliette Abécassis (écrivain), Sylviane Agacinski (philosophe), Christine Angot (romancière et dramaturge), Marie-Josèphe Bonnet (historienne des femmes), Fabrice d’Almeida (Professeur d’Histoire à l’Université), Jocelyne Fildard (co-présidente de la Coordination Lesbienne en France), Marie-Anne Frison-Roche (Professeur de Droit à Sciences Po), René Frydman (gynécologue obstétricien), Asma Guénifi (présidente du mouvement Ni Putes Ni Soumises), Gisèle Halimi (avocate et présidente de “Choisir la Cause des Femmes”), Nicole Notat (secrétaire générale de la CFDT de 1992 à 2002, présidente de Vigeo), Bernard Poignant (ancien maire de Quimper), Olivier Poivre d’Arvor (écrivain et diplomate, directeur de France Culture), Suzy Rojtman (représentante du Collectif National pour les Droits des Femmes), Martine Segalen (ethnologue), Jacques Testart (biologiste), Jean-Noël Tronc (directeur général de la SACEM), Jérôme Vignon (président des Semaines sociales de France), Jean-Pierre Winter (psychanalyste et essayiste). La pétition affirme: « C’est pourquoi, Monsieur le Président, nous vous demandons, au nom de votre engagement constamment exprimé, de vous opposer publiquement à l’admission par le droit des contrats de mère-porteuse, ces mères dont les droits sont piétinés, ces femmes pour lesquelles vous avez pris fait et cause en 2013, droits aujourd’hui remis en cause et compromis par la Cour ».

Le 29 janvier 2014, l’hebdomadaire Marianne ouvre ses colonnes à des professionnels de santé de sensibilité de gauche, hostiles à l’euthanasie : Laure Copel, cancérologue, responsable des soins palliatifs à l’Institut Curie de Paris, Anne-Marie Dickelé, psychologue en soins palliatifs au CHU de Montpellier, Bernard Devalois, ancien président de la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs, Martine Ruszniewski, psychologue et psychanalyste, et Gérard Terrier, chef du service d’accompagnement et de soins palliatifs du CHU de Limoges. « Impliqués professionnellement dans l’accompagnement de patients en fin de vie, nous sommes aussi des citoyens engagés, qui nous reconnaissons dans un grand nombre des valeurs incarnées sur la scène politique par la gauche. Aujourd’hui, nous voulons dire notre indignation vis-à-vis de la proposition de loi visant à légaliser les injections létales et le suicide assisté, signée par de nombreux sénateurs « de gauche ». Nous l’avions été tout autant il y a un an par la proposition de loi déposée à l’Assemblée nationale par le groupe socialiste. Nous sommes également choqués de retrouver ces propositions dans le texte de la convention « égalité réelle », validée par le Parti socialiste comme base programmatique pour la future élection présidentielle. (…) De telles lois nous paraissent incompatibles avec les valeurs traditionnelles de la gauche qui demandent à l’Etat de protéger les plus vulnérables, comme le sont les patients en fin de vie. Nous sommes surpris que soit mis en avant par des parlementaires appartenant à la gauche un principe aussi fondamentalement ultralibéral que la prééminence absolue de l’autonomie individuelle. Une telle démarche génère toujours une majoration de l’inégalité entre forts et faibles.(…) Il est parfois de bon ton de laisser croire que les adversaires d’une légalisation de l’euthanasie seraient tous des réactionnaires, intégristes et conservateurs, et que, si l’on se situe dans le camp du progrès, on se doit d’être favorable à cette évolution législative, comme on l’était sur la question de l’IVG. Nous nous inscrivons fermement contre cette idée fausse et nous affirmons avec force que s’engager dans un droit à la mort provoquée est une impasse dont nous redoutons les dérives. »

Dans La Croix du 4 mars 2014 paraît une tribune de Philippe de Roux, Pierre-Yves Gomez, Olivier Favereau et des Poissons roses, intitulée « Une guerre perdue à gauche ? », violent réquisitoire contre la dérive sociétale du gouvernement de gauche, à l’occasion du projet de modification de la loi sur l’avortement qui supprime la notion de « détresse » pour une femme voulant avorter. Cette modification sera votée le 23 juillet 2014. « Ainsi, vouloir faire de l’IVG un acte médical « banal » en niant la notion de détresse ne changera rien à la réalité que vivent les femmes au moment de ce choix difficile ! Alors qu’on avorte en France deux fois plus qu’en Allemagne, la libéralisation tous azimuts de l’IVG sera-t-elle notre seule réponse à une femme pressée par son entourage d’avorter parce qu’elle n’a pas assez de moyens économiques, parce qu’elle porte un enfant handicapé ou parce que son entreprise n’accepterait pas sa grossesse ?

Une même dérive libérale guette la prochaine loi sur la famille, pour l’instant reportée, avec un amendement octroyant de manière automatique la nationalité française pour les enfants nés de GPA pratiquées à l’étranger. On contournera ainsi l’interdiction du commerce de la grossesse sur le sol français au grand bénéficie des entreprises internationales spécialisées dans le portage d’enfants.

A l’autre bout, la fin de vie inspire aussi les sirènes du « laisser-faire » encouragées par l’ambiguïté du « panel » citoyen et une recomposition du Conseil national d’éthique. Avons-nous envisagé sérieusement les conséquences sur nos libertés d’une légalisation de l’injection létale à des patients en situation de précarité psychologique, alors que la pression financière fait de plus en plus forte sur notre système de santé ?

De nombreux électeurs de gauche s’opposent à la puissance du calcul économique qui s’impose même à la vie humaine, mais ils sont relégués, par de pseudo-progressistes, dans le camp des réactionnaires. Ils continueront pourtant d’être aux avant-postes de la lutte contre l’injustice. Car notre époque oppose désormais deux conceptions de l’être humain : soit il se pense maître de son existence, de son corps, du début de la vie jusqu’à la mort, confiant en sa seule puissance et liant son bonheur à l’accumulation de richesses. Qu’il le veuille ou non, il deviendra alors un objet de marché et de calcul, de performance ou de rebut. Soit l’homme se considère comme une personne reliée aux autres, déployant sa liberté dans l’interdépendance, assumant ses compétences mais aussi ses fragilités et ses faiblesses, et trouvant son épanouissement dans une organisation sociale fondée sur la bienveillance volontaire et l’initiative au service du bien commun. Il peut alors fonder une société où le calcul économique n’a pas le dernier mot.

Il reste donc à promouvoir à gauche un projet social reposant sur le respect de la dignité de toute personne humaine comme socle de la justice et de la liberté. Tel est le vrai pacte de responsabilité, le nôtre. »

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10 Comments

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  • Pascal , 28 novembre 2014 @ 11 h 58 min

    Question abordée de la plus mauvaise manière par les parlementaires lors de la discussion sur la loi Taubira, les partisans de la loi ne comprenant pas que le principe dʼégalité n’oblige pas à un traitement identique de situations différentes et les opposants à la loi confondant état de nature et loi naturelle.

  • Martina , 29 novembre 2014 @ 6 h 35 min

    Ce journaliste Cohen aurait pu faire carrière à “Je suis partout .”
    Il appartient à la police de la pensée.
    Il aurait pu figurer dans “La vie des autres ”
    Il est effrayant.

  • patrick Canonges , 29 novembre 2014 @ 15 h 40 min

    Auxquels il faudrait faire adhérer le “Sens commun” de l’UMP et les catho-tradi à la Gollnisch du FN.

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