Le Zemmour du mardi. “C’est une guerre d’hommes, de caractères, un affrontement brutal d’egos dépouillé de toutes considérations politiques ou idéologiques. Copé refuse de lâcher l’appareil du parti quoi qu’il en coûte. Fillon a déjà renoncé à être Président de l’UMP mais veut faire tomber Copé avec lui. Copé fait de la politique à la papa, tel Chirac dans les années 70, s’emparant à la hussarde du vieux parti gaulliste. Fillon veut prendre sa revanche devant les juges ou encore devant le groupe parlementaire. Mais la politique rattrape les hommes. L’idéologie rattrape les egos. Copé et Fillon étaient au départ des frères siamois, héritiers de la chiraquie, libéraux ayant intériorisés les contraintes de l’Europe et de la mondialisation. Mais après des mois de campagne, leur destin en ressort transformé. Fillon a incarné jusqu’à la caricature les notables qui le soutenaient en masse. Il a ressuscité Balladur, jusqu’à sa défaite finale. Copé a appliqué les consignes de Patrick Buisson et ses assauts sémantiques contre le politiquement correct. La violence de la lutte entre les deux hommes a exacerbé les différences idéologiques bien au-delà des volontés et des convictions réelles des deux gladiateurs. L’échec du ‘médiateur d’entre nous’, Alain Juppé, est révélateur de la fin d’une époque, de la fin de l’UMP, de cet hybride forgé en 2002 par Juppé avec Chirac qui reposait sur un compromis soigneusement dissimulé : au RPR les places, à l’UDF les idées. La ligne politique de l’UMP serait donc celle de l’UDF : libérale et européenne. Mais ce grand parti centriste de Juppé est mort. Les militants l’avaient condamné en ne donnant pas les clefs du camion à Fillon, les électeurs de droite eux-mêmes l’avaient déjà blessé à mort en plébiscitant la campagne iconoclaste de Nicolas Sarkozy sur les frontières.
“La violence de la lutte entre Copé et Fillon a exacerbé les différences idéologiques bien au-delà des volontés et des convictions réelles des deux gladiateurs.”
Contrairement à ce que répètent les médias, le clivage n’est pas entre les militants plus à droite et les sympathisants plus au centre, mais entre, d’une part, les militants et les électeurs ensemble, d’autre part les élus notabilisés qui sont demeurés, pour la plupart, sur la ligne centriste de l’UMP de 2002. Cet échec de Juppé fait remonter à la surface une vieille, très vieille histoire : en 1990, un combat encore plus féroce, encore plus âpre avait divisé le RPR d’alors. D’un côté, Séguin et Pasqua. De l’autre, Chirac, Juppé, Balladur et le jeune Sarkozy. Séguin et Pasqua reprochaient à Chirac et Juppé d’embourgeoiser le mouvement gaulliste, d’abandonner la ligne du Général de Gaulle, de transformer un mouvement populaire, social, national en un parti libéral européen, d’aligner le RPR sur l’UDF. Les deux hommes prophétisaient que le RPR perdrait et le peuple et la nation. Ils furent vaincus. Contrairement à Copé ou à Fillon, ils acceptèrent de bonne grâce leur défaite. Ils avaient vu juste : le RPR s’aligna sur l’UDF jusqu’à se fondre dans l’UMP. Juppé avait vaincu Séguin. Mais 30 ans plus tard, l’œuvre de Juppé explose. Séguin prend sa revanche posthume. Fillon et ses notables n’ont plus qu’à rejoindre les centristes de Borloo. Copé n’a plus qu’une solution : refaire le RPR pour affronter sur son terrain le FN pour une lutte à mort. Ils n’ont plus le choix.
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