Comme l’avait montré Alain Peyrefitte, la démocratie libérale, le système politique qui est le nôtre doit être une société de confiance. Cet idéal qui n’était déjà pas réalisé à l’époque où il publiait « le Mal Français » pour dénoncer le « monocentrisme » qui étouffe le dynamisme de notre société s’est encore éloigné. La surveillance, le contrôle, la réglementation et la fiscalisation légitimaient leur poids par l’efficacité et le pouvoir redistributif de l’Etat. Lorsque la croissance devient poussive, que le chômage et la pauvreté s’accroissent, l’absence de confiance de l’Etat envers les Français s’inverse. C’est la méfiance envers les dirigeants qui s’installe. Ils dirigent mal le pays et sont peut-être corrompus. Le livre de Christian Chesnot et Georges Malbrunot « Nos très chers Emirs » ne peut que renforcer ce sentiment. Il met en lumière la vénalité d’un certain nombre de parlementaires et de responsables politiques de notre pays. L’Ambassade du Qatar aurait été une distributrice de billets de 500 Euros et de montres Rolex, celles qui prouvent la réussite sociale comme l’affirmait l’un des conseillers de nos princes. Un verrouillage des questions parlementaires aurait même été imaginé afin de limiter les critiques ou les interrogations embarrassantes des élus contre monnaie sonnante et trébuchante. La justice sera sans doute saisie par les personnes visées par ces allégations. Elles paraissent toutefois éclairer l’obscurité de notre politique au Proche et Moyen-Orient. Celle-ci n’est pas digne d’un grand Etat indépendant : elle suit et même précède parfois les souhaits de Washington et de ses alliés du Golfe. Ce choix des amis et des ennemis n’est ni dans la tradition française, ni dans l’intérêt réel de la France. C’est un autre ouvrage, celui d’Alexandre Del Valle qui en fait la démonstration : « Les vrais ennemis de l’Occident, du rejet de la Russie à l’islamisation de nos sociétés ouvertes ».
Que telle ou telle déclaration sur l’islam en France ou sur la légitimité des rebelles islamistes syriens ait été achetée n’est donc pas à exclure. Jusqu’à quel niveau cette suspicion peut-elle s’étendre ? Là est la question. Hélas, même si les dirigeants politiques qui guident notre diplomatie n’ont pas eux-mêmes cherché un avantage personnel, on peut craindre que les directions prises aient été choisies en fonction d’intérêts à court terme pour la France, comme des ventes d’armes ou des investissements, dans une situation économique et budgétaire du pays qui entraîne le recours aux expédients. Qui ne voit la complémentarité de l’Europe et de la Russie, leur proximité culturelle alors que les pays du Moyen-Orient dont nous sommes les alliés reposent sur des systèmes politiques aux antipodes du nôtre et sont par ailleurs exposés à des risques militaires qui les rendent très fragiles ?
Notre démocratie imparfaite subit actuellement une triple dégradation. D’abord, une fracture s’agrandit de jour en jour entre l’oligarchie et la population. Le fait que la police, et même l’armée, dans une certaine mesure, manifestent de la défiance à l’encontre d’un pouvoir, dont ils sont les premiers défenseurs, montre à quel point le mal a progressé. En second lieu, notre système représentatif est à bout de souffle. Une grande partie des Français ne se sentent pas pris en considération. L’élection présidentielle va être préemptée par des partis, voire par un parti, aux travers de primaires alors que jamais sans doute les partis politiques n’ont fait l’objet d’un rejet aussi puissant. Enfin, beaucoup de nos concitoyens se réfugient, non sans risques, sur internet pour échapper à la désinformation qui règne dans les grands médias. Pour ceux qui s’intéressent de près à certains sujets, le parti pris par les médias est tellement évident qu’on ne peut que dénoncer la manipulation et en suspecter les raisons. Par exemple, en ce moment même une « information westernienne » est déversée à propos des opérations militaires en Irak et en Syrie. En Irak, la cavalerie attaque les féroces Apaches. La cavalerie, c’est l’armée irakienne armée et soutenue par les Occidentaux. Elle est majoritairement chiite et agit plus ou moins en cohérence avec les Kurdes. En Syrie, le scénario s’inverse : les bons sont les rebelles assiégés par des soldats indignes qui veulent les massacrer, sans doute des Mexicains soutenant un dictateur sanguinaire. Bref, c’est Alamo. Un peu de sérieux rétablirait l’équilibre. En Irak, Mossoul, la seconde ville du pays, est totalement encore entre les mains de l’Etat islamique. En Syrie, Alep, la deuxième ville également, est très majoritairement protégée par l’armée nationale et une partie seulement est aux mains des rebelles, surtout des islamistes proches d’Al Qaïda que nous avons armés contre un régime légal. Plus d’un million de Syriens vivent à l’Ouest, relativement au calme malgré des tirs rebelles qui font des victimes civiles. De l’autre côté, 200 000 civils servent de boucliers humains aux djihadistes, nos « amis ». Mais la plupart des informations parlent d’Alep comme si c’était toute la ville qui subissait le martyre du fait d’un régime impitoyable et de ses soutiens russes. Dans les deux cas, les chrétiens se battent avec les gouvernementaux contre les rebelles. Un peu de perspicacité laisse supposer que les Occidentaux souhaitent qu’Alep ne soit pas entièrement libérée par l’Armée Syrienne avant que Mossoul ne soit reprise par l’Armée irakienne, si possible juste avant les élections américaines. Un peu de bon sens et de réalisme montre cependant que l’action des Russes et la stratégie de Vladimir Poutine, quels que soient leurs moyens, ont un objectif : le retour de toute la Syrie utile sous le giron du gouvernement de Bachar Al-Assad, et ensuite, soit une réunification, soit une partition. Le soutien des Occidentaux aux rebelles est ,en revanche, criminel. Il ne peut que prolonger la guerre, favoriser l’expansion du terrorisme islamiste et conduire aux impasses que cette stratégie a générées en Afghanistan, en Libye, et en Irak. Une telle politique ne peut susciter la confiance !
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