Tribune libre de Christian Vanneste*
Jeudi soir avait lieu le débat de la posture et de l’imposture. Fillon, l’ancien séguiniste devenu un technocrate centriste et rassurant contre, enfin tout contre, Copé, l’ex-technocrate qui a, pour le moment, choisi le positionnement « droite décomplexée ». Tous deux sont contre le mariage entre personnes de même sexe mais tous deux ont couvé, au sein de l’UMP, cet improbable groupement revendicatif et communautariste qui s’appelle GayLib. Il faut s’habituer : il s’agit de dire à chaque public ce qu’il a envie d’entendre, et il ne faudra pas s’étonner, dans quelques années, de voir les mêmes dire lorsque l’on proposera le mariage à trois ou quatre, comme aux Pays-Bas, que le mariage à deux, quels que soient les deux, était une excellente chose. Ils ont déjà fait le coup pour le PaCS. Aussi, la promesse de Fillon de revenir sur cette loi n’engage-t-elle que ceux qui l’entendent. De même pour la comparaison entre PS et FN : ni l’un, ni l’autre, mais le premier est fréquentable, l’autre non. Cette étrange position est tactique. Maintenant qu’un parti centriste est en train, peut-être, de se reconstituer, il ne faudrait pas qu’une alternative de centre gauche puisse apparaître avec le déplacement de l’UMP trop à droite. C’est le jeu de GO auquel se livrent nos politiciens, qui négligent trois facteurs.
Le premier, c’est l’indéniable évolution du mouvement présidé par Madame Le Pen. Plus de dérapage verbal, seulement des slogans populistes à connotation sociale, souvent accompagnés d’irréalisme économique, qui ne sont pas étonnants pour un parti qui se veut populaire et qui, par ailleurs, respecte parfaitement les institutions républicaines et les règles de la démocratie. Avec un mode de scrutin proportionnel, il est fort probable qu’un gouvernement de centre-droit aimerait être soutenu par les élus de ce parti même sans participation gouvernementale. Cela s’est produit dans plusieurs pays du Nord de l’Europe et la droite a conquis le pouvoir grâce à une alliance claire avec les formations populistes en Italie et en Autriche sans que la démocratie soit en péril. À cela s’ajoute la porosité des deux électorats que les politiciens de l’UMP ignorent si peu qu’ils font campagne à droite toute, non sans succès, pour pratiquer l’ouverture à gauche au lendemain de la victoire. Cela a failli marcher deux fois…
Le second, c’est l’attitude de la gauche, marquée par un sectarisme revanchard. C’est vrai dans le discours. C’est encore plus vrai dans les actes. La hargne socialiste est excessive au point d’en devenir ridicule, lorsque Harlem Désir parle de « dérive » et « de perte de boussole » à propos du débat Fillon-Copé, par exemple. Les deux candidats étaient pourtant toujours bien complexés, alors qu’il serait vraiment libératoire pour eux de dire : oui, nous aussi, nous sommes « nationaux » et nous trouvons bien suspect l’intérêt privilégié accordé aux étrangers par le PS au travers du projet de les faire voter aux élections locales. Surtout, alors que la « droite » n’a pas osé taillé à la hache dans les absurdités socialistes, l’ISF, les 35 heures, la retraite, le millefeuille territorial, et j’en passe, la gauche, par idéologie détruit systématiquement les mesures positives prises par le gouvernement précédent. Elle découvre tardivement la question de la compétitivité, mais elle a immédiatement supprimé la TVA sociale, l’une des rares mesures qui allaient dans ce sens. Jeudi encore, la majorité socialiste du Sénat a abrogé le dispositif embryonnaire visant à lutter contre l’absentéisme scolaire par la suspension des allocations familiales. La raison invoquée marque une fracture essentielle entre droite et gauche : il faut accompagner et non sanctionner les parents nous dit celle-ci dans son souci permanent de maternage des citoyens adultes. La droite devrait rappeler la phrase d’Abraham Lincoln : « Vous ne pouvez pas aider les hommes en faisant continuellement pour eux ce qu’ils pourraient et devraient faire eux-mêmes. »
Cette attitude nous conduit au troisième facteur qui sépare radicalement la droite de la gauche française. Celle-ci, contrairement à beaucoup de gauches européennes n’est pas réformiste. Elle est restée idéologiquement et bêtement révolutionnaire, avec ce principe idiot et mécanique de la révolution qui consiste à mettre en haut ce qui était en bas. La palme en revient à Mme Vallaud-Belkacem, lorsqu’elle souhaite qu’on souligne davantage dans les manuels scolaires l’homosexualité des personnes évoquées. C’est, à l’évidence, triplement contestable : d’abord, ce ne sont pas les politiques qui doivent décider des manuels. Je l’ai assez entendu à propos du « rôle positif de la présence de la France outre-mer » pour exiger qu’on applique ce principe dans tous les cas. Ensuite, c’est un renversement considérable et d’une ignorante absurdité, que d’exiger à la fois que la religion se terre dans l’intimité de la pensée et que l’orientation sexuelle soit, elle, une marque publique d’identité. La religion est, comme l’a montré Durkheim, un fait social de première importance, avec ses rites publics et ses croyances collectives « qui unissent les hommes en une même communauté ». La sexualité est un phénomène biologique et la manière de la vivre appartient en propre à la personne. La société en instituant le mariage souhaitait pourvoir à la pérennité de la famille et à la continuité des filiations. Les sentiments ou les pratiques sexuelles ne la concernent pas dans les limites très larges de la loi. Enfin il y a une double dérive totalitaire dans le fait de vouloir ficher les personnes en fonction de leur sexualité et influencer les enfants dans des domaines qui appartiennent à l’éducation familiale. Cette dérive est révélatrice : alors que les comportements homosexuels sont très divers, peuvent évoluer dans le temps et n’avoir d’ailleurs aucun rapport avec les oeuvres d’un auteur, on va réduire la richesse de celui-ci à un aspect intime de sa personne. On va distinguer la pédérastie de Gide de l’inversion de Proust ? C’est l’œuvre qui compte et c’est un archaïsme ridicule d’en revenir à cette psychologie de bazar. La pire des révolutions est celle qui détrône cette qualité dont les Français étaient légitimement fiers, l’intelligence de leur culture, et qui assure en définitive le triomphe de la bêtise.
*Christian Vanneste est un ancien député UMP du Nord.
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