Le débat ouvert sur le spectacle de Medine prévu les 19 et 20 Octobre au Bataclan a été rapidement tranché. Il a été reporté en Février au Zénith. La liberté d’expression, y compris dans le domaine culturel, ne peut être absolue. La « décence commune », sans laquelle aucune société, fût-elle la plus libérale, ne saurait perdurer, peut tolérer jusqu’à la provocation, mais elle doit cependant limiter celle-ci dans deux circonstances, et à une condition : d’abord, lorsqu’elle atteint des victimes objectives, ensuite, lorsqu’elle entraîne une réaction qui risque de troubler l’ordre public. Par ailleurs, l’interdiction prononcée doit être équitable, et ne privilégier ni certains auteurs ni certaines victimes. La programmation totalement indécente de Medine au Bataclan devait être annulée, voire interdite. Les arguties mal venues de la présence d’un provocateur professionnel dans un lieu dont la mémoire est à jamais liée aux 90 victimes de l’islamisme ne résistaient pas à cette simple réflexion : ce concert ne respecte pas les victimes et leurs familles, et à travers celles-ci portait atteinte à la conscience collective sans laquelle il n’y a pas de communauté nationale digne de ce nom. Peu importe le nombre de ceux parmi les victimes qui s’y opposaient. Il suffisait d’une seule pour exiger qu’une douleur supplémentaire ne lui soit pas infligée. Plusieurs de leurs avocats s’étaient manifestés, soit auprès du Préfet de Police comme Samia Maktouf pour faire interdire le spectacle, soit, comme Philippe de Veulle, pour demander une enquête préliminaire sur Médine et ses textes appelant à la haine, à la discrimination et à la violence, soit encore par un référé, déposé par Mes Bernard Benaïem et Caroline Wassermann, auprès du Tribunal Administratif de Paris en raison du trouble physique ou moral porté à l’ordre public par ce spectacle. Des appels avaient été lancés pour que, les 19 et 20 Octobre, tous ceux que ce spectacle, à cet endroit, révulsait manifestent devant le Bataclan. Les associations « représentant » les victimes avaient réagi selon leur sensibilité : on ne peut que déplorer l’attitude partisane de « Life for Paris », qui affirmait la liberté de la salle et dénonçait la récupération de l’extrême droite. Les partisans de l’interdiction dépassaient largement le cadre de l’extrême-droite et la récupération commerciale de la provocation était sans doute infiniment plus odieuse que celle des politiques. Les gestionnaires du lieu n’ont aucun droit sur les victimes, et certainement pas celui d’insulter leur mémoire, et ils ont fini, sous la pression, par le comprendre. Quant à Medine, il aura, de toutes façons, tiré une énorme publicité de cet événement : la récupération annoncée par son titre, « Tout ce que je voulais faire, c’est le Bataclan » servira sa carrière et accentuera, sauf auprès des distraits, l’impression d’un rappeur qui sait jouer de l’ambiguïté.
C’est ainsi qu’on évoque la condamnation portée par le rappeur contre les terroristes islamistes. Pour ceux qui méconnaissent les profondes différences qui séparent les religions, il est nécessaire de rappeler que l’islam, contrairement au christianisme, ne fait pas du mensonge un mal absolu. La « taqïya », la dissimulation au profit de la foi, est une excellente chose pour l’islam. Aussi, lorsqu’un rappeur, choisit d’être connu par son prénom, qui est aussi le nom de la deuxième ville sainte de l’islam, celle où, réfugié, Mahomet a préparé la conquête de La Mecque, écrit les Sourates les plus belliqueuses appelant au meurtre des infidèles, et fait massacrer une tribu juive, on peut s’interroger. Le Jihad du Coran et des Hadiths, c’est avant tout la guerre sainte et non la purification intérieure, comme notre rappeur tente de le faire croire. Quant à la fameuse phrase de « Don’t Laïk », qui lui est reprochée ( Crucifions les laïcards comme à Golgotha), lancée en 2015, quelques jours avant le massacre, elle n’est même plus ambiguë, et prend un étonnant relief lorsqu’on sait que l’Etat islamique a pratiqué la crucifixion. Les laïcs et Golgotha, voilà une curieuse synthèse qui réunit laïcs, juifs et chrétiens, et laissent les musulmans comme spectateurs, voire comme acteurs ( Crucifions !). Laisser Medine s’exprimer en France, mais pas n’importe où, est donc une marque évidente de liberté.
On aimerait seulement que cette liberté soit équitable. Il demeure étonnant dans notre cher et vieux pays, qu’il y ait des belles âmes choquées qu’on puisse s’opposer au spectacle d’un rappeur volontairement provoquant, alors qu’on y traîne un polémiste comme Zemmour d’un procès à un autre, tandis que les médias limitent de plus en plus ses interventions, et que prospèrent toutes sortes de phobies qui transforment, l’air de rien, l’opinion en maladie mentale. Avant le Bataclan, des dessinateurs sont morts pour avoir caricaturé Mahomet. On ne s’y risque plus guère. N’y-a-t’il pas là le signe d’une liberté bancale, inégale selon les sujets et selon les menaces ?
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