Schopenhauer réglait leur compte aux philosophes de l’histoire, à ceux qui voient dans le destin de l’humanité l’accomplissement d’un progrès vers une “parousie” laïque, non plus le retour du Christ, mais la “société sans classe et sans Etat”, l’Etat universel et rationnel, ou, dirait-on aujourd’hui, le gouvernement mondial d’un genre humain apaisé et voué aux échanges… avec une formule lapidaire : “Ce que raconte l’histoire n’est que le songe lourd et confus de l’humanité.”
Sans doute, jamais le paysage mondial n’a-t-il illustré avec autant de pertinence le jugement abrupt du philosophe allemand. Alors que la maîtrise scientifique et technique acquise par le genre humain, en quoi réside le seul véritable progrès, atteint des sommets inespérés, les événements qui se succèdent, s’enchaînent ou se télescopent prennent une allure frénétique, et témoignent d’un fossé qui se creuse entre la puissance et la maîtrise. Harcelés par de multiples injonctions à court terme, nous ne parvenons plus à discerner, dans une forêt de contradictions, un chemin qui ait un sens, qui ne mène pas nulle part.
Penaud, et menteur en diable, le président de l’Etat le plus puissant du monde jure ses grands dieux que jamais les Etats-Unis n’ont voulu construire une démocratie en Afghanistan. Au moment même où son gouvernement promeut la “libération” et l’égalité des minorités, au point de transformer ces revendications en opérations punitives à l’encontre de la majorité obligée de s’humilier … après vingt ans de guerre asymétrique, l’armée américaine abandonne le terrain, offre son matériel, et livre ses alliés locaux à des groupes fanatiques soumis à une religion archaïque pour laquelle la contrainte, l’inégalité et l’oppression des minorités sont la loi. Au moment où les Etats-Unis ouvrent à nouveau leur frontière à une immigration qui va diluer davantage la nation américaine, l’ethnie pashtoune qui domine les Talibans et à travers eux l’Afghanistan, ferme les frontières du pays et y enferme un “peuple” en vue de le punir et d’en exclure les dissidents. A Washington, il y a désormais une vice-présidente. A Kaboul, les femmes quitteront les écoles et les bureaux ou les laboratoires pour retourner faire la cuisine et torcher les enfants, et ne pourront plus mettre le nez dehors que derrière un grillage. Tandis que la mode des “genres” triomphe en Occident, la réalité inégalitaire des sexes s’imposera à nouveau là où la tradition sortira renforcée de la déconfiture afghane.
Qui ne voit que l’absurdité du scénario afghan ne fait que refléter l’absurdité de nos sociétés “progressistes” ? L’”ubris”, la démesure de la “libération”, qui conduit à se libérer des règles, de la morale traditionnelle, de la famille, de la nation, des interdits sur le plan sexuel ou celui des addictions conduit à une société où la transgression à l’usage des minorités a pour corollaire la répression de la majorité. La pensée unique progressiste censure le conservatisme, l’avortement est devenu un droit sacré, la salle de shoot est financée par les taxes qui pleuvent sur celui qui “fume des clopes et roule au diesel”. Plus les capacités scientifiques et techniques grandissent, plus les peurs émasculent les Etats et la volonté qui doit les animer. Plus la science progresse, plus des savoirs incertains lui imposent des limites. L’angoisse climatique est entretenue périodiquement par le Giec dans un pays comme la France qui, en raison de son option nucléaire, est exemplaire en matière de production de gaz à effet de serre. En revanche, l’Allemagne dont on vante la sagesse s’est ruée sur le charbon … parce qu’il y a eu un tsunami au Japon ! Notre mode de vie hédoniste, consumériste et égoïste assèche notre démographie, déséquilibre nos générations, produit cette “peste blanche” qui tua l’Empire romain, et l’on veut y remédier, non en favorisant une politique familiale que l’on s’acharne à détruire au nom du “progrès”, mais en ouvrant les portes à une immigration qui va altérer notre culture, accroître les inégalités, renforcer les contraintes, et en définitive augmenter la violence ou générer du terrorisme.
L’humanité a fait reculer la mort, et c’est un progrès. Elle n’a pas pour autant atteint l’immortalité terrestre. Et c’est cependant ce fantasme qui anime la politique sanitaire actuelle. La pandémie du Covid-19 a tué 0,18 % des Français dont beaucoup en raison de leur âge ou de comorbidités n’ont subi que l’accélération d’un processus inéluctable. Beaucoup moins que les cancers ou les affections cardiaques, qu’on a moins soignés en raison de la mobilisation contre le virus. L’insuffisance des moyens hospitaliers a conduit à multiplier les atteintes à des libertés essentielles comme celles de se déplacer ou de se réunir, au confinement inspiré du modèle totalitaire chinois, sans son efficacité, mais avec des conséquences économiques désastreuses. La différence entre les pays qui ont usé de ces moyens extrêmes et ceux qui se sont abstenus n’est guère probante. La rapidité des résultats obtenus par la recherche médicale contraste avec l’étirement, le chevauchement, et la succession des décisions politiques mal justifiées, et dont on peut se demander, si avec l’opportunité sans cesse renouvelée des “variants”, elle ne poursuit pas un autre objectif que de sauver momentanément certains Français de la mort : pérenniser la situation d’urgence et le besoin d’ordre sanitaire, à défaut d’un ordre plus général, jusqu’aux échéances prochaines, au profit du pouvoir en place.
Si le sens de l’action d’un gouvernement est de survivre le plus longtemps possible, si le sens de la vie humaine est de la prolonger au maximum, quelques soient les conditions dans lesquelles cette prolongation s’effectue, si la démocratie consiste à donner le pouvoir à des gens qui ne savent plus quel est le sens du mot “démocratie”, et qui se révèlent des ludions ballottés entre les modes idéologiques et les pressions médiatiques, on voit bien que c’est le bon sens qui a déserté la planète, si tant est qu’il l’ait jamais habitée.
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