Ces 25 et 26 Août sont un indiscutable appel à distinguer la grande politique qui transforme des faits en légende de la petite qui les dévalue en spectacle. Une légende, contrairement à un mythe n’est pas une création purement imaginaire. C’est un embellissement de l’histoire qui forge la sensibilité d’un peuple. Vouloir la réduire sous prétexte d’objectivité historique desséchante est meurtrier. Il est vital que le roman national, dès lors qu’il n’est pas une inversion du réel, soit une manière de modeler l’identité d’une nation, en la rendant fière de son passé, et en lui permettant d’affronter l’avenir avec confiance. Entre la repentance débilitante qui voudrait faire de la France la complice de l’Allemagne nazie et la légende napoléonienne qui a fait oublier Waterloo, la Résistance occupe la juste place. En 1940, la France a connu la pire défaite de son histoire. Elle a été battue, envahie, humiliée au point qu’une grande partie de ses élites et de sa population ont envisagé la victoire de l’Allemagne comme définitive et le pouvoir du Maréchal Pétain comme une planche de salut. Une infime minorité a refusé la défaite, et Charles de Gaulle a incarné cette minorité en lui donnant ses arguments que la suite des événements a vérifiés. L’Appel du 18 Juin a eu peu de poids dans l’actualité, mais il a été le premier acte de la légende. L’épopée du Général Leclerc de Koufra à Strasbourg, en passant par la libération de Paris, est une page essentielle de cette légende. Les Français ont continué à combattre, et à vaincre, les Italiens d’abord, les Allemands ensuite. Que cette 2e DB fût un élément secondaire dans l’immense armée des Alliés, qu’elle ait représenté elle-même une part plus faible de l’effort de guerre français que la Première Armée formée avec des troupes et des officiers qui n’avaient pas répondu initialement à l’Appel du 18 Juin, que des Espagnols républicains fussent ses premiers membres à entrer dans Paris, toutes ces réserves n’atténuent pas le fait essentiel que la capitale de la France fut libérée par une division française venant au secours du soulèvement organisé par la Résistance intérieure. Le discours du Général de Gaulle à l’Hôtel de Ville, le plus beau peut-être de tous ceux qu’il a prononcés, fixe la légende en lui donnant une force et une beauté qui la transforment en histoire. Ce sont les Français qui ont libéré Paris, c’est la France qui a reconquis son indépendance. La puissance du symbole permettra à notre pays d’être parmi les vainqueurs et de retrouver une place dans le monde que le désastre de 1940 pouvait lui avoir enlevée définitivement.
La gesticulation diplomatique de Macron à Biarritz ne rentrera pas dans l’histoire. Elle a certes un point commun avec la légende, c’est l’embellissement du réel, mais ici ce n’était que pour donner un spectacle aux spectateurs crédules encouragés à applaudir par un choeur de tresseurs de lauriers, les Barbier, Boniface et autre Makarian. « Chef d’orchestre », dit l’un d’eux. Le mot est juste, car la mise en musique n’a pas toléré le moindre couac. Toutefois, on serait bien en peine, une fois tombé le rideau, de trouver la moindre trace du spectacle dans la vie réelle. On s’est donné rendez-vous en Floride l’année prochaine tout en se disant que le format du G20 était décidément plus adapté à la réalité du monde que le G7 obligé d’inviter des pays qui n’en font pas partie pour se donner de l’importance. Le seul événement à retenir, c’est le coup de théâtre célébré comme un coup de maître par les thuriféraires habituels, mais qui, paradoxalement, s’est déroulé dans les coulisses avec la venue du ministre des affaires étrangères iranien, pour rencontrer les Français et sans le moindre contact avec les autres invités. Généreusement, Trump avait donné sa bénédiction et l’on aura observé le souci marqué par Macron de ne pas déplaire au Président américain alors que celui-ci a boudé la réunion consacrée à la transition climatique. Si l’on met à part l’envoi d’avions en Amérique du Sud pour combattre les incendies de la forêt amazonienne, le G7 a surtout décidé qu’on allait se revoir, pour l’Ukraine, pour les taxes sur les Gafa, et pour le nucléaire iranien. Observons simplement que fidèle à la gauche mondaine à laquelle il appartient, le président français préfère n’importe quel pouvoir autoritaire, y compris le théocratique qui règne à Téhéran, à un gouvernement démocratique très à droite. Le Brésil et Jaïr Bolsonaro en ont fait les frais puisque la réussite de la mise en scène exigeait d’afficher une grande amitié avec Donald Trump. Celui-ci se dit prêt à rencontrer le président iranien lorsque les conditions seront réunies…. Macron promet de rembourser une partie des taxes sur les Gafa, en cas d’accord…. Bref, on dessine l’esquisse d’un chemin pour une éventuelle avancée…. Mais cette rencontre « internationale » avait elle un autre but que de servir de faire-valoir à ses vedettes auprès de leurs publics nationaux ? Cette instrumentalisation nationale a pris un tour caricatural avec Donald Tusk, présent à la place de Juncker, malade… Président du Conseil de l’Union Européenne sur le départ, il est surtout un opposant polonais, et malgré cette légitimité plus que légère, il a cru devoir souhaiter que ce soit l’Ukraine et non la Russie qui rejoigne le G7, histoire de montrer qu’il est encore plus anti-russe que la majorité au pouvoir à Varsovie !