Il n’était pas nécessaire d’attendre le discours de politique générale de M. Castex pour savoir tout ce que ne fera pas son gouvernement.
D’abord il ne quittera pas l’euro. Ce n’est pas une surprise, tant le sujet est tabou et l’euro sacré pour la caste de hauts-fonctionnaires issus de l’ENA de la génération du Premier ministre.
Il ne remettra pas non plus en cause la politique de libre-échange promue par l’Union européenne que viennent d’illustrer la signature d’un accord commercial avec le Mexique et un règlement sucrier qui entraine la fermeture immédiate de toutes les sucreries françaises. Pas question que la majorité dite En marche fasse comme le Parlement hollandais et rejette l’accord européen de libre-échange avec l’ALENA.
Tout cela va peut-être de soi mais il faut savoir que l’association euro + libre-échange revient à la mort lente de l’économie française, agricole et industrielle, la poursuite des délocalisations, des fermetures d’usines et l’accroissement du chômage. Il y a des tabous qui coûtent cher. Bien vaine apparait dès lors la promesse de s’occuper mieux de l’emploi des jeunes.
Les mesures économiques annoncées, archi-classiques, ne susciteront aucun élan : allégement des charges des entreprises et donc aussi de celles qui n’ont pas souffert de la crise , comme les grandes surfaces ; accent mis sur la « transition » numérique et climatique : et les autres entreprises, qui , elles , faisaient de socle de la puissance économique française ? Elles sont passées de mode – et bientôt trépassées ! Un chapitre est consacré à la souveraineté économique, concession à l’air du temps, mais quoi pour reconquérir notre autonomie stratégique, notamment en matière de défense ? Racheter Alstom ? Bien sûr que non. Il n’y aura rien puisque la dite souveraineté est contraire à l’idéologie marconienne pour qui « vouloir être souverain, c’est le Vénezuela » : Castex doit se soumettre.
Compte tenu de l’ampleur de la crise, 100 milliards dont on ne sait comment ils seront financés, c’est peu pour susciter une vraie dynamique de relance. D’autant que nous n’avons rien à attendre du plan européen annoncé: 100 milliards aussi par an [1] mais pour tous les pays, essentiellement l’Italie et les Balkans. La France en sera contributeur net !
Castex n’annonce aucun changement en matière de politique étrangère : les sanctions à l’encontre de la Russie continueront : Poutine voilà l’ennemi alors que Macron n’arrive pas à secouer la léthargie des Européens à l’activisme grandissant d’Erdogan, en Libye et ailleurs.
Sociétal : la première urgence de ce gouvernement confronté à une crise sanitaire et économique sans précédent est de faire voter la loi sur la PMA pour femmes seules. Cela remettra-t-il en cause le soutien ovin qu’apporte à Macron une partie de la presse catholique ? On craint que non.
Santé : aucune remise en cause de nos liens avec l’OMS, principale responsable des dysfonctionnements dans la lutte contre le virus couronné, ou de la sous-traitance de notre politique de confinement à l’étranger ; bien au contraire, la France donne à l’OMS un demi-milliard de pour avancer son très contesté plan de vaccination universelle, inspiré par Bill Gates.
Aucune remise en cause du programme accéléré de construction d’éoliennes, aussi absurde que coûteux, purement idéologique. Après la fermeture de Fessenheim, autre absurdité , le tour de qui ?
Davantage d’isolation dans les bâtiments publics au titres de la transition écologique, pourquoi pas ? De grands mots pour des actions de routine. Fallait-il changer de gouvernement pour ça ?
Education nationale : après la poudre aux yeux habituelle envoyée à l’opinion : annonce de dictée quotidienne, prétendu retour du latin, toutes mesures sans lendemain, M. Blanquer a toujours carte blanche pour déconstruire et le bac et le système scolaire qui va avec, suivant aveuglément l’idéologie dominante du ministère depuis au moins une génération. Le confinement aidant , le mouvement sera accéléré.
On laisse entendre que Darmanin serait plus ferme sur l’immigration. Pourquoi ? Il reste aux ordres d’un Macron partisan du multiculturalisme, lequel est aux ordres d’une gouvernance mondiale qui tient l’immigration pour « la solution et non le problème » (A. Guterres, actuel secrétaire général des Nation unies) ; une loi contre le séparatisme est annoncée : la meilleure loi serait l’application des lois existantes.
« Territoires », « territoires », « territoires », ce mot qui indique à lui seul – comme « les quartiers » – le mépris de la technocratie française pour ce qui n’est pas central, M. Castex n’a que ce mot à la bouche, mais a-t-il décidé de remettre en cause l’orientation de la politique d’aménagement du territoire mise en œuvre depuis trente ans qui donne la priorité aux métropoles ?
Solidarité : en augmentant l’allocation de rentrée scolaire, sans contrôle d’utilisation, M. Castex montre qu’il ne fréquente plus depuis longtemps les sorties d’école, ou tous ceux qui n’y ont pas droit, tout simplement parce qu’ils gagnent leur vie normalement, et voient l’usage qui en est parfois fait, ne la considèrent pas d’un si bon oeil que ça.
Autour de cette vacuité, il ne restait qu’à faire la politique du spectacle selon la formule immortelle du regretté Guy Debord : Roselyne Bachelot, passant de ministre à amuseur ( amuseuse, amusette ? ) public (que ? ) puis à nouveau ministre, ne change pas de métier. Dupont-Moretti a du caractère, ce qui est devenu rare, au point qu’on se demande combien de temps il tiendra le choc dans cet océan de conformisme . Mais quel projet a-t-il pour résoudre la crise profonde de la justice ? M. Macron en ordre de marche pour sa réélection, comme le disait un quotidien que l’on croyait de droite ? Disons plutôt que le désordre va continuer à marcher, voire à courir.
Roland HUREAUX
[1] Soit 750 milliards pour 7 ans