L’Etat nounou est de plus en plus la forme privilégiée par les démocraties médiatiques. La politique s’y résume en une gestion de l’image du pouvoir. Celui-ci doit être proche des gens et semblable à la plupart d’entre eux. C’est l’astuce d’Obama, l’homme le plus puissant du globe, mais qui va dans les boutiques ou les cafétarias comme tout le monde et s’excuse s’il doit resquiller un peu dans les queues. La proximité compassionnelle est la première des règles. Dès qu’un malheur revêt un dimension un peu collective, le pouvoir incarné au plus haut niveau doit être présent et participer à l’émotion. Chacun sait que les moyens publics seraient mobilisés selon la loi avec ou sans lui. Toutefois, avec le temps, l’émotion qui envahit la vie sociale grâce à la permanence et à la rapidité de l’information augmente l’exigence que ce soit le principal détenteur de pouvoir qui s’investisse dans la gestion de la crise… émotionnelle. Les absences ou les distances ne pardonnent pas. Un Ministre de la santé qui commente, en pull, les effets dévastateurs de la canicule sur les personnes âgées, un Président qui se contente de survoler les inondations de la Nouvelle-Orléans, sont des fautes inexpiables. Schröder fut réélu pour avoir chaussé ses bottes lors des inondations allemandes… Evidemment, la distinction s’impose entre la réaction face à un drame où l’Etat ne joue qu’un rôle faible, voire pas de rôle du tout et celui qui dépend en amont de son action. Soit il peut être, alors, accusé de négligence, soit il peut énergiquement mobiliser sa résilience. C’est ce que Bush avait su faire en 2001. Certains hommes politiques ont plus de talents comme Shérif et d’autres pour animer les cellules de soutien psychologique. Poutine appartient manifestement à la première catégorie.
Notre Président dont l’action politique proprement dite semble vouée à un insuccès certain tente de reconquérir l’opinion en optant pour le second rôle. On ne peut a priori lui reprocher. Tandis que les chiffres du chômage soulignent une fois encore le contre-sens de la politique française, des accidents endeuillent nombre de familles françaises. Le Président de la République a tenu des discours compassionnels et s’est fait l’organisateur principal de la réaction face à ces drames. Celle-ci sur tous les plans semble à la hauteur et il faut s’en féliciter. Le déploiement rapide des moyens après la catastrophe aérienne du Mali et le soutien aux familles des victimes paraissent répondre à l’attente. De plus, M. Hollande a habilement su éviter les images sur fond de carte postale dans l’Océan Indien alors que l’actualité est dramatique. Il est resté à Paris et reçoit les familles. Pour autant, il faut s’interroger sur l’exercice de communication dont on souligne ici et là la réussite et l’évolution de la fonction présidentielle.
Une monarchie constitutionnelle sépare bien les rôles. Le Monarque peut s’identifier à l’émotion collective puisqu’il incarne l’unité nationale. Il n’a aucune arrière-pensée électorale. Le Premier Ministre qui anime la majorité est jugé sur sa politique et non sur son aptitude à l’empathie. Il est clair que l’ambivalence du Président français qui est élu par une partie de la population, mais doit représenter l’ensemble, lui permet de jouer sur les deux tableaux. Aujourd’hui, alors que l’échec de la politique pour laquelle il a été élu est patent, François Hollande a changé en partie celle-ci, et met désormais l’accent sur son rôle de monarque républicain. Il a pour cela deux fers au feu : la mise en scène des commémorations et l’investissement personnel dans les émotions collectives. Figure imposée de la célébration, d’un côté, figure libre de la compassion, de l’autre. Cette lecture de la fonction est une trahison de la Ve République. Le Président, c’est avant tout l’homme de l’orientation du pays dans le long terme aux antipodes de la gestion des émotions collectives au jour le jour. Après la catastrophe aérienne du Mali, un message était nécessaire. Le Président devait-il être en première ligne pour le reste ? En serait-on revenu à l’omni-présidence cette fois plus par souci de reconquête que par volonté d’accaparement ? Ce dont la France a besoin aujourd’hui, c’est d’un appel au courage et au risque, non d’un surcroît de l’accompagnement compassionnel, même lorsque celui-ci est habilement géré, et cet appel devrait venir du Président.
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