Patrick Buisson et le Dr Laurent Alexandre ont sans doute peu d’idées en commun, mais tous deux viennent d’évoquer un risque de guerre civile. S’agit-il de la même ? Pour le premier, elle se dessine dans les résultats des européennes qui ont montré l’existence de deux France qui s’opposent, l’une ayant apporté ses voix au macronisme, l’autre au Rassemblement national. Pour un observateur peu averti, il ne semble y avoir rien d’étonnant à ce que, dans une démocratie deux groupes politiques dominants s’affrontent, avec des alternances périodiques. Cela a été vrai en France depuis 1965, et la politique reposait sur un consensus appuyé sur un grand groupe sociologique central divisé politiquement, mais de plus en plus superficiellement. C’est ce grand groupe que le macronisme a prétendu récupérer pour lui seul, au moment même où il éclatait, ce qui explique la faiblesse de ses résultats électoraux, marqués par une forte abstention et par un vote négatif rejetant l’opposant sans adhérer à l’élu. La carte électorale des Européennes n’est plus politique, mais sociologique : elle souligne l’existence de deux pays qui se tournent le dos, celui qui correspond aux métropoles dynamiques qui ne craignent pas la mondialisation parce qu’ils n’en subissent pas massivement les conséquences sociales, fortes de leurs nombreux cadres branchés et de leurs fonctionnaires à l’abri, et l’autre qui comprend les départements périphériques, industriels ou ruraux, exposés à la concurrence internationale, éloignés des centres de décision, délaissés par les services et dont les habitants sont obligés à des déplacements difficiles et coûteux. C’est la France analysée par Christophe Guilluy, avec sa fracture essentielle entre les métropolitains et les périphériques. A Paris, le Rassemblement national n’arrive qu’en cinquième position alors que LREM caracole en tête. Dans les Hauts-de-Seine, il est quatrième, dans le Val-de-Marne et les Yvelines troisième, dans le Val d’Oise, l’Essonne et la Seine-Saint-Denis, second, et en Seine et Marne, premier, comme il l’est dans tous les départements qui entourent la Région Île-de-France. Plus on s’éloigne, plus le RN l’emporte, avec deux facteurs décisifs, le niveau des revenus, et la présence massive des immigrés, cette dernière expliquant le résultat particulier de la Seine-Saint-Denis , où le RN est second mais où la « droite » LR disparaît des écrans, alors qu’elle est troisième ou quatrième ailleurs.
Le dialogue démocratique et l’alternance au sein du grand groupe central subsistent encore dans certaines régions prospères, grâce notamment au tourisme, et marquées par une tradition historique et religieuse. La Bretagne et l’Ouest, en général, correspondent à ces résistances à l’évolution générale. La lutte des classes et celle des communautés n’ont pas encore fait apparaître l’ombre de la guerre civile. Mais, il est probable que l’oeuvre du temps s’y accomplira aussi. Un nouvelle crise économique sera le poids qui fera basculer ces régions qui peu à peu auront aussi pris la mesure du « grand remplacement ».
Pour Patrick Buisson, la guerre civile qui se profile est donc celle des classes. Il écarte l’union de la droite qui engloberait les nationalistes, les identitaires et les libéraux, parce que ces derniers n’ont pas les mêmes préoccupations, ni les mêmes priorités. Le clivage se fera sur la mondialisation que les autres refusent et que les libéraux acceptent plus ou moins. Il prévoit une union des populistes, des souverainistes contre les mondialistes. Le milliardaire américain Warren Buffet avait déclaré avec cynisme qu’il y avait bien une guerre, menée par les riches au niveau mondial, et qu’ils étaient en train de la gagner. Buisson pense au contraire que le réveil des peuples sera explosif, notamment en France. Un certain nombre d’électeurs de La France Insoumise se déclarent prêts désormais à voter au second tour pour le Rassemblement National, comme les électeurs italiens du Mouvement 5 Etoiles ont déjà basculé en faveur de la Ligue.
On comprend mieux le lien entre ce risque ou plutôt cette opportunité de guerre civile avec le danger de l’autre guerre civile évoqué par Laurent Alexandre qui vise, lui, la guerre des communautés, le rejet violent des « minorités », notamment musulmane, dont la présence se fait de plus en plus lourde et provocatrice comme les opérations « Burkini » dans les piscines viennent de le montrer. Pour les mondialistes, la peur de la guerre des communautés doit être telle qu’elle oblige au silence, qu’elle nécessite une condamnation sans appel de tout ce qui y conduit, une censure de tous les faits qui peuvent l’étayer. On ne saurait mieux mettre en évidence le fait que les prétendus libéraux qui dominent notre pays, les « métropolitains » qui font régner la pensée unique et le politiquement correct, sont des totalitaires « doux ». Le docteur Alexandre préconise de casser le thermomètre pour ne pas affoler le malade….
La division du pays est devenue structurelle. Les deux craintes objectives du déclassement et de la submersion migratoire vont d’additionner, et il sera de plus en plus difficile à ceux qui sont aujourd’hui privilégiés d’utiliser la seconde pour donner mauvaise conscience à la première. Les champions de la pensée unique pourront bien quitter les plateaux de télévision ou traiter leurs contradicteurs d’ignorants, la réalité finira par éclater en même temps que la révolution.