Incroyables Britanniques : ils ont osé ! L’émotion provoquée par l’assassinat d’une députée travailliste favorable au maintien avait fait vaciller pendant quelques jours le camp de la sortie. Les premiers résultats semblaient confirmer ce choix. Mais au petit matin, le Brexit l’emporte avec près de 52% des voix alors que la participation a été plus forte (72,2%) qu’aux dernières législatives.
Les conséquences de ce tremblement de terre sont considérables. Dans l’ensemble, il s’agit d’une victoire du populisme tant redoutée par l’ »Etablissement ». Le plafond de verre a craqué. Nigel Farrage a dit que c’était la victoire des vraies gens et de la décence politique, la défaite de la désinformation et des mensonges. A n’en pas douter, le vote est une gifle pour les pouvoirs, forts d’une pensée unique, qu’ils pensaient imposer aux peuples. Ceux-ci se sentaient peu à peu privés de ce qu’ils attendent le plus de leurs gouvernants : la protection et le sentiment qu’ils travaillent dans l’intérêt des populations. Les crises économique et migratoire ont érodé la confiance chez beaucoup d’électeurs qui se sentaient trahis. Les Anglais qui craignent légitimement de perdre leur identité avaient l’avantage de n’avoir qu’un pied en Europe. Leur non-appartenance à l’Euroland ou à l’espace Schengen leur suggérait que certains de leurs avantages en découlaient et qu’accroître la distance avec l’Europe ne pouvait qu’être bénéfique. Ils ont donc tranché.
Le tribun de l’UKIP a dit aussi que c’était le jour de l’indépendance. Cela est plus discutable. D’abord on peut se demander : pour qui ? Il y a un risque sérieux de dislocation du Royaume-Uni. L’Irlande du Nord et l’Ecosse ont voté pour le maintien. Des référendums sur le rattachement de l’Ulster à l’Eire et sur l’indépendance de l’Ecosse sont déjà réclamés. L’indépendance ne dépend pas seulement du statut juridique d’un pays. Elle n’est réelle que si celui-ci possède les moyens de son autonomie. Que les Anglais, car ce sont eux, aient fait un choix culturel plus qu’économique, est une excellente chose. Le divorce entre les nations et l’élite mondialisée, entre le besoin d’identité pour tous et l’appétit de richesses pour quelques-uns est un retour vers l’humanité réelle. Néanmoins, sur le plan économique, il va se traduire par un pari. Au-delà du choc provoqué par l’incertitude, de la baisse des indices boursiers et de la Livre, les Britanniques vont voir s’ils conservent la City, s’ils exportent moins ou davantage, si la liberté retrouvée face aux directives européennes compense la perte du marché unique et des fonds structurels. Pendant deux ans au moins, le désengagement ne sera pas facile, et on voit mal David Cameron qui a mené une ardente campagne pour le maintien demeurer 1er Ministre pour mener une politique qu’il a dénoncée.
Le brexit est avant tout un électrochoc pour l’Europe et pour sa caste de dirigeants apparemment inconscients de leurs faiblesses ! En fait, suivant une vieille stratégie, les Britanniques ont toujours libéré l’Europe lorsque celle-ci était en phase d’unification. Ils ont libéré l’Europe de Napoléon comme d’Hitler. Ils lui permettent aujourd’hui de se libérer de l’inepte technocratie bruxelloise. Mais, comme il s’agissait d’une union, à l’origine volontaire et démocratique, la liberté peut présenter plusieurs visages. Les souverainistes, en France et aux Pays-Bas déjà, exigent des référendums sur le modèle du Royaume-Uni. On peut donc entrevoir une désagrégation de l’Union Européenne évidemment plus délicate pour les membres de la zone Euro. On peut au contraire voir dans cette divine surprise anglaise l’opportunité d’une relance de l’Europe centrée uniquement sur un approfondissement limité au cercle le plus solide de ses membres. Avec le départ du pays le plus libéral, le plus opposé au fédéralisme et le plus partisan d’un simple marché unique, on peut donc envisager une fuite en avant vers un véritable fédéralisme. Gribouille aurait gagné : ça ne marche pas, donc allons plus loin dans la même direction. Puisque la Grande-Bretagne est un porte-avions atlantiste au bord du vieux continent, on peut même imaginer que son départ émancipera l’Europe de sa dépendance aux Etats-Unis. La normalisation de nos rapports avec la Russie, en dépit des Pays Baltes et de la Pologne, en serait facilitée.
Ceux qui ont l’habitude de peindre la vie en rose n’hésitent pas à prédire une nouvelle lune de miel pour le couple franco-allemand. Mais c’est précisément là que le bât blesse. La France qui tendait la main à Adenauer était un pays qui se redressait, accumulait les succès économiques et disposait d’une supériorité politique évidente. Au début des années 1970, le prévisionniste Herman Kahn prévoyait un dépassement de l’Allemagne par la France. Le premier choc pétrolier a inversé les courbes. L’Allemagne a réussi au forceps sa réunification. L’Euro est devenu pour elle une bonne affaire tandis qu’il devenait un piège pour nous. La bonne gestion gestion d’un côté, même avec des socialistes, la mauvaise de l’autre, même avec la prétendue droite, ont creusé l’écart. Lorsque la dernière calamité socialiste, M. Hollande, rencontre la Chancelière allemande qui est loin d’être une aigle, la France est dans une situation d’infériorité humiliante. L’indépendance d’une Europe fédérale ne serait à l’évidence pas la nôtre. Le brexit présente aussi le risque, en nous privant d’un exemple de réussite libérale, puisque le Royaume-Uni nous avait doublé économiquement, de nous enfermer avec nos vieux démons, ceux qui dansent la sarabande autour de la Bastille.
Une porte s’est donc ouverte, mais sur une voie périlleuse, qui demandera plus de courage et de sérieux que de coutume chez nos dirigeants. L’indépendance et le risque des réformes indispensables pour en avoir les moyens : la France a-t-elle des hommes politiques capables de la mener sur ce chemin ? S’ils existent alors on pourra dire d’eux comme le Général de Gaulle le 14 Juillet 1941, » Il y a la plus grande gloire du monde, celle des hommes qui n’ont pas cédé ».
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