Alors que le Cardinal Vingt-Trois, Président de la Conférence des évêques de France disait lundi craindre un “recul de civilisation” en cas d’autorisation de la recherche sur l’embryon, les députés sont finalement revenus en partie sur les modifications apportées par le Sénat à la loi bioéthique. L’amendement présenté par le rapporteur UMP du texte à l’Assemblée nationale, Jean Leonetti, pour rétablir l’interdiction avec dérogations a été voté à une large majorité : 73 voix pour et 33 contre. Un “revirement éthique” dont se félicite l’Alliance pour les droits de la vie (ADV), une association spécialisée “dans l’accompagnement des souffrances humaines profondes” comme “l’infertilité, le handicap ou la maladie”. Elle souhaite “que les sénateurs garantissent à leur tour une éthique respectueuse des droits de l’enfant”. Mais au-delà du “symbole fort”, son Président, le Docteur Xavier Mirabel, “regrette que les dérogations au principe d’interdiction, qui ont été élargies et validées sans limite de temps, ne respectent pas le principe de la dignité qui s’applique, selon notre droit, au commencement de la vie humaine”.
La Fondation Lejeune, une organisation “reconnue d’utilité publique pour vaincre les maladies génétiques de l’intelligence” ne cache pas, quant à elle, son étonnement : “plusieurs mois d’auditions et de publications ont dégagé avec netteté qu’il n’y a aucune raison scientifique de continuer à déroger au principe du respect de l’embryon, ou d’élargir le spectre des dérogations”. L’exigence de 2004 d’un « progrès thérapeutique majeur » pour y déroger a été remplacée par celle d’un « progrès médical majeur ». “Une contrainte faible” selon la Fondation Lejeune. “La substitution des termes ouvre la porte à des pratiques et des domaines qu’avait explicitement écartés le législateur en 2004. Au 1er rang de ces pratiques, le criblage de molécules et la modélisation de pathologies, utiles d’abord à l’industrie pharmaceutique, trouveront donc dans la rédaction législative une assise nouvelle” note-t-elle.
Lobbies pharmaceutiques
« Les pires dérives semblent avoir été évitées, et c’est un grand soulagement” juge quant à elle Christine Boutin qui tient à “saluer l’initiative des députés qui ont demandé la création d’une commission d’enquête parlementaire sur les conflits d’intérêts potentiels en matière de biotechnologie”. Objectifs : “refuser la désinformation dans ce domaine et (…) faire toute la vérité, notamment sur les intérêts de l’industrie du médicament dans la recherche sur l’embryon et sur les pressions des firmes de biotechnologie sur les décideurs politiques”.
Le Parti chrétien-démocrate qu’elle préside se « réjouit (…) de la modification de l’encadrement du diagnostic prénatal. En s’opposant au caractère systématique des propositions d’examens et en insistant sur la nécessité d’un réel accompagnement des parents lors de l’annonce d’un diagnostic de handicap, les députés ont clairement marqué leur opposition à toute forme d’eugénisme, et leur désir de défendre à la fois la liberté du médecin et celle des parents. »
Un constat que ne partage par la Fondation Lejeune. Elle note de son côté que “ni le rapporteur ni le gouvernement n’ont eu le courage de restaurer la disposition, votée en 1ère lecture et supprimée au Sénat (proposer les tests de dépistage prénatal à la femme enceinte « lorsque les conditions médicales le nécessitent »), seule capable de restreindre les dérives eugéniques des pratiques actuelles et d’empêcher la légalisation de l’eugénisme inscrite dans le texte initial du gouvernement”. A la place, Jean Leonetti a fait passer un amendement (1) que la Fondation Lejeune juge “perfide” car il “convertit la réalité de l’eugénisme en un déficit de l’information des femmes, ce qui n’a rien à voir”. Selon elle, cela revient à “justifier l’eugénisme par un surcroît d’information”. De plus, l’amendement “aggrave la traque contre les trisomiques”. “Pour la 1ère fois”, note la Fondation Lejeune, “la France insère dans sa loi un élément de contrainte qui oblige le praticien à informer toute femme enceinte des risques de trisomie 21 qu’elle encourt, quels que soient son âge et ses antécédents”. Une “politique de la peur, médicalement injustifiée” qui “correspond à la sélection, sur des critères physiques, d’un groupe humain”, “ensuite décimé, sur financement public soumis à évaluation de performance”. La Fondation Lejeune conclut : “Cela porte le nom d’eugénisme d’Etat”.
L’ADV regrette de son côté “des mesures (…) très insuffisantes” et explique avoir recueilli “plus de 31 000 signatures pour la protection des droits de l’enfant et contre l’accès de l’assistance médicale à la procréation aux femmes homosexuelles”. Une mobilisation “contre la double discrimination dont les enfants ainsi délibérément conçus seraient victimes : sans espoir de connaître leur père biologique et sans perspective d’être élevés par un couple composé d’un homme et d’une femme” que l’association compte “[renforcer] (…) dans les prochains jours pour alerter les sénateurs”.
(1) « Toute femme enceinte reçoit, lors d’une consultation médicale, une information loyale, claire et appropriée sur la possibilité de recourir, à sa demande, à des examens de biologie médicale et d’imagerie permettant d’évaluer le risque que l’embryon ou le fœtus présente une affection susceptible de modifier le déroulement ou le suivi de sa grossesse. »
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