Les mots s’usent à force de trop servir. Le « Front républicain » est démonétisé, réduit à l’état de hochet un peu ridicule. Lancée par le PS, reprise par le centre toujours aussi à cours d’idées qui lui soient propres, acceptée par une partie de l’UMP, soumise aux modes et aux coteries, la formule s’épuise dans ses derniers et vains combats. On observera que l’UMP requinquée apparemment par l’effondrement de la gauche, le rejette désormais. Logique : elle n’en a plus besoin. La machine peut perdre quelques pièces. Elle en gagnera davantage. Au PS, au contraire, on s’y accroche avec désespoir. Sans la diabolisation du FN, ce dernier peut non seulement continuer sa progression dans les classes populaires, chez tous ceux que les socialistes ont délaissés depuis des années au profit des bobos, mais encore devenir un adversaire de premier plan plus redoutable que le cartel de carriéristes, l’Union pour Maintenir nos Places, avec laquelle on peut toujours s’entendre. Il est donc préférable, pour le PS, de voir un UMP élu plutôt qu’un FN. La difficulté encore mal perçue par les dirigeants de la gauche, c’est la double incompréhension des électeurs. Ceux-ci entendent un discours plus soucieux de leurs problèmes au FN qu’au PS : chômage, logement, insécurité, immigration, et il n’y a pas dans le fonctionnement de ce parti et dans son expression de dérapage qui justifie sa mise au ban de la République. Le « ni-ni » de l’UMP est plus prudent. Il s’agit de ne pas trop vexer les électeurs qui au 2e tour auraient l’idée de se recentrer, mais il faut aussi couper les ailes d’un concurrent dangereux qui pourrait, si le rapprochement se faisait, bénéficier du transfert de tous ceux qu’exaspèrent l’inefficacité, le désert intellectuel et l’arrivisme forcené qui règnent dans un parti qui a trahi totalement l’esprit de la Ve République et de son fondateur. A Villeneuve Saint-Georges, le candidat de droite soutenu par l’UMP fait alliance avec le FN. Sa justification est claire : pourquoi deux listes qui ont une vision identique de l’avenir de la cité ne fusionneraient-elles pas ? L’idéologie n’a guère sa place dans une gestion municipale. L’UMP l’abandonne mais le cherchera à nouveau s’il est élu. C’est une firme soucieuse de ses intérêts électoraux qui agit de la sorte. Si elle faisait encore de la politique, elle devrait, comme la majorité de ses sympathisants, penser qu’il y a plus d’idées communes entre les électeurs du FN et ceux de l’UMP qu’entre ces derniers et les dirigeants du PS dont tout les sépare.
Le « Front Républicain » n’est pas un front mais un affront. C’est un affront du PS à ses électeurs à qui on demande de voter pour ceux qu’ils combattent depuis toujours et qu’on accuse régulièrement de lepénisation rampante. On ne peut dire plus clairement aux gens qu’on les prend pour des idiots. C’est aussi une insulte à l’intelligence des Français. La République à toutes les sauces a perdu toute saveur. Elle ne saurait être la propriété d’un parti. Elle ne saurait exclure près d’un Français sur cinq qui vote pour un parti qui ne menace en rien ses institutions, ni même ne remet en cause les valeurs qui lui sont les plus chères. La préférence nationale est plus républicaine que la préférence étrangère. Dans une République, ne votent que les citoyens, ceux qui appartiennent à la Cité, c’est-à-dire à la Nation, laquelle n’est pas un gros mot. Une République, qui est une démocratie, a non seulement le droit, mais le devoir d’être sévère avec les délinquants, les vrais, ceux qui s’attaquent aux personnes et à leurs biens, aux lois qui les protègent, pas ceux que révolte l’idéologie dominante.
Les tractations et les ententes entre les deux tours ressemblent aux bruits de vaisselle et aux relents qui en provenance de la cuisine gênent les clients d’un mauvais restaurant. Ceux-ci devraient quitter la table ou refuser une addition injustifiée. Il est clair que le petit monde politique de plus en plus constitué de gens incapables de faire autre chose s’accroche à ses places, à des pouvoirs dont il n’a usé, à droite comme à gauche, que pour conduire la France là où elle est. Un affront, ça se relève, et c’est justement ce dont la France a besoin.
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