Manif pour Tous, unité et diversité pour une même cause, Frigide ne doit pas être le bouc émissaire de nos non-dits

Tribune libre de Cyril Brun*

C’est sans surprise que nous voyons surgir au lendemain de la manifestation du 24 mars 2013 des dissensions au sein du mouvement. Sans surprise car, nombre de récriminations étaient contenues. Les insatisfaits avaient fait le choix de prendre sur eux jusqu’au 24 mars, même si ça et là jaillissaient des pics à l’encontre des organisateurs et plus directement de Frigide Barjot. Sans surprise, parce que ce mouvement initialement opposé au mariage gay a peu à peu endossé tous les mécontentements et ce faisant, il a profondément changé de nature. Il me semble donc, qu’au-delà des exaspérations inévitables du ‘style Barjot’, existent de véritables revendications qu’il faut pourtant dépassionner.

Le procès fait à Frigide Barjot est injuste par certains côtés, compréhensible par d’autres, comme en toute amitié, je me suis permis de le lui dire, car je suis de ceux qui pensent que notre mouvement a franchi un seuil de maturité qui suppose une nouvelle équipe et une autre direction.

Lorsque Frigide m’a appelé en mai dernier après la victoire catastrophique de François Hollande, nous nous sommes dits, comme tant d’autres que nous ne pouvions pas ne rien faire. Déjà, nous aurions pu dire « on ne lâche rien » et, de fait, nous n’avons rien lâché, Frigide n’a rien lâché. Nous avons lancé très tôt dans un petit restaurant italien L’Humanité Durable. Accaparé par la fondation de l’Institut Montalembert et de Résistance Éthique, j’ai fini par suivre de loin ce mouvement. En parallèle de notre aventure, une effervescence chrétienne accouchait de très nombreuses initiatives. Je peux dire, pour avoir participé à plusieurs d’entre elles, que celle de Frigide n’était guère prise au sérieux et que l’idée maîtresse était de « canaliser Frigide ». Peu l’ont défendu à l’époque. Mon jeune collaborateur, lors d’une de ces réunions a tapé du poing sur la table pour valoriser l’engagement de Frigide et défendre l’impensable à l’époque, le rêve d’un nouveau 1984. Et pourtant, nous l’avons fait et sans l’ombre d’un doute Frigide y est pour beaucoup. Elle s’est dépensée sans se ménager, puisque, comme elle me le confiait par téléphone pour la Pentecôte 2012, elle avait ressenti en son cœur un appel clair du Christ pour se donner pleinement à cette tâche que je ne pense rien moins que prophétique. Qui serait assez injuste pour lui dénier une grande part de notre succès collectif ? Car elle ne fut pas seule. Il fallut bien des amis au milieu de bien des traîtrises pour parvenir à soulever cette France tranquille. Et ce miraculeux 5 septembre où tous, ils se sont accordés pour ne former de nos ruisseaux qu’un seul fleuve immense, est bien la date fondatrice de ce que nous vivons depuis des mois. Mais il est indéniable que les élans de son cœur qui m’ont défendu en leur temps, ne sont pas toujours faciles à vivre pour son entourage. Et il fallut bien souvent que certains comme Béatrice Bourges viennent mettre un peu d’huile dans des rouages qui menaçaient de se gripper. Ce que Frigide a fait et le don de sa personne ces derniers mois est exceptionnel. Aussi quand je vois que certains la dénigrent, la méprisent et semblent réduire à un égo surdimensionné tout le cœur qu’elle a mis à l’ouvrage, je ne peux passer sans rien dire, sans affirmer son désir du bien, son amour du Christ et sa conviction profonde pour la cause qu’elle défend.

Mais je dois bien dire que je comprends et que j’entends les remarques, les critiques et les inquiétudes. Le mouvement dont elle est encore l’égérie porte un nom révélateur de sa vocation éphémère : la Manif pour Tous. On ne peut manifester sans fin. Il faut transformer l’essai. Or je sais, comme d’autre, que la Manif pour Tous n’est pas prête, n’est pas organisée, n’est pas dirigée pour proposer un après. Voilà ce qui cristallise les peurs, les déceptions. Voilà ce qui fait ressortir rancœurs, mesquineries et pamphlets à l’encontre de Frigide Barjot. Frigide est une artiste et son équipe tourne autour d’elle, de ce qu’elle est et de ce qu’elle sait faire. Mais à présent, ces millions de Français qui un temps se sont focalisés sur elle, veulent voir plus loin. Combien, dimanche soir, ont été déçus de l’absence d’après ? Combien attendent un nouveau souffle et ont peur qu’il n’arrive pas ? Combien craignent qu’elle empêche ce souffle, cet après ? Il faut que je diminue et que lui grandisse nous dit saint Jean-Baptiste. Le prophète cède la place au roi. Ce mouvement qu’elle a porté est entré dans une nouvelle période de sa maturation. Il lui faut à présent non un prophète qui éclaire la scène et attire l’attention, mais un chef qui le conduise à la victoire et la rende durable. Nous avons tous notre part, tous notre rôle. Sans ce rôle prophétique que Frigide a eu, il ne pourrait y avoir de roi (Pour éviter toute récupération… j’entends roi ici dans la suite de mon image biblique et non comme un appel qu’il soit légitimiste ou orléaniste).

“Si en novembre ou encore en janvier nous sommes descendus dans la rue pour faire front au rouleau compresseur et le repousser, ce 24 mars nous avons battu le pavé pour promouvoir un autre monde.”

Cet article qui voudrait pacifier les joutes verbales déplacées n’est certainement pas un coup dans le dos. Il ne s’agit aucunement de minimiser son rôle, mais aujourd’hui, il ne peut plus être celui d’hier. Je partage cette crainte, si Frigide s’accroche à cette place, elle risque de focaliser les divisions, les peurs et les déceptions. Si elle ne nous aide pas à écrire la page suivante de notre livre, elle risque, bien malgré elle, de décourager les modérés et d’exacerber les plus excités. Comme je le lui ai fait remarquer, elle parviendrait à l’exact opposé de ce qu’elle a toujours voulu faire. En les stigmatisant dimanche, en soutenant contre eux la police, Frigide a créé de facto une division qu’elle a exaspérée en n’ayant aucun mot pour ceux qui ont été violentés. Ceci ne correspond guère au cœur attentif que je lui connais et il serait dommage qu’une certaine opposition stigmatise cet écart. Mais il doit y avoir un après, nous devons pourvoir l’évoquer, c’est à nous tous de le préparer. Nous nous élevons contre la dictature du pouvoir socialiste, contre la négation de notre liberté, ce n’est pas pour nous brimer nous-même. Si nous appelons au dialogue constructif, nous devons aussi faire la preuve de notre propre capacité à dialoguer. Si nous revendiquons la liberté d’expression et de conscience, à nous de démontrer que nous savons en faire un usage libre et responsable. À nous d’écrire en lettre d’or par notre comportement, par notre mode de fonctionnement que plus nous sommes libres, plus nous sommes responsables. N’ayons pas peur de nos différences, n’ayons pas peur de l’autre, n’ayons pas peur de nous abandonner en confiance. Nous souhaitons tous la même chose, nous revendiquons tous le même respect de la dignité humaine et nous savons tous que ce respect ne sera durable et profond que si la société dans son ensemble prend un autre visage. Il ne suffit pas d’être contre le mariage gay, il est inutile de revendiquer la liberté et la démocratie si le monde ne change pas son regard sur l’Homme, si nous qui sommes descendus dans la rue ce 24 mars nous limitons notre horizon, notre espérance. Car c’est bien cela qui met tant d’hommes et de femmes dans la rue, l’espérance que le monde peut changer. Cette Manif pour Tous, c’est le contraire de la résignation, c’est la démonstration la plus éclatante que les Français y croient encore ! Nous ne sommes pas condamnés à subir cette bien-pensance ambiante et nous en avons l’intuition profonde. Tel est, ce me semble, le souffle de ce printemps français. À nous de transformer l’essai. À nous, ensemble de ne pas nourrir de fausse espérance. À nous de construire le monde de demain. Si en novembre ou encore en janvier nous sommes descendus dans la rue pour faire front au rouleau compresseur et le repousser, ce 24 mars nous avons battu le pavé pour promouvoir un autre monde. Et ironie malsaine du symbole, ce sont les germes de ce monde qu’on a voulu éradiquer en gazant des landaus. Mais l’avenir nous appartient parce que nous avons l’espérance sereine face à un gouvernement dont les dérapages policiers traduisent la crispation.

*Cyril Brun est le délégué général de l’Institut éthique et politique Montalembert à Paris.

Lire aussi :
> L’heure est-elle à la Résistance ou à la Révolte ? par Cyril Brun

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> SONDAGE | Barjot, stop ou encore ?

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193 Comments

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  • 0 / 10
  • MP , 28 mars 2013 @ 2 h 33 min

    “on adore les homos, on est pas des méchants ”

    Qui n’aime pas Jean-Claude Brialy ?
    Jean Marais ?
    Stéphane Bern ?
    Jean-Pierre Coffe ?

    Les pédés qui nous insupportent s appellent tous Gérard Miller, ou Pierre Bergé.
    Ce nest pas leur homosexualité qui nous insupporte, c est leur méchanceté et
    leur bêtise.

    Aurions-nous atteint ce niveau en disant “nous n aimons pas les homos,
    nous sommes méchants” ?

  • MP , 28 mars 2013 @ 2 h 37 min

    Je ne crois pas en Dieu, mais en mon pays, la France.
    Aurais-je donc dû m’abstenir de venir, avec mes enfants ?
    Religieux ? Patriote ?
    On met son espérance où l on peut…

  • PAD , 28 mars 2013 @ 2 h 39 min

    100% d’accord!

  • Milou , 28 mars 2013 @ 3 h 04 min

    On peut se passer des médias pour prendre Paris avec 1.4 millions de personnes, puisque la date du 24 mars ne fut annoncée par aucun média.

    On ne peut par contre, pas tout à fait se passer des médias, pour convaincre 65 millions de personnes, que le mariage homosexuel engendre la marchandisation des enfants et l’esclavagisme des ventres à bébés.

  • JSG , 28 mars 2013 @ 5 h 12 min

    Jeanne dArc, elle, OUI !
    ou je nai pas compris votre réponse.

  • Henri , 28 mars 2013 @ 6 h 34 min

    Certes Frigide a eu des mérites, mais d’abord nous sommes tous inspirés par le Christ , « Frigide »alias Virginie n’a pas ce privilège, mais quelques soient des mérites, elle n’a pas à imposer sa sensibilité dans un tel débat , mais à fédérer toutes les sensibilités, sans en privilégier aucune ni ne exclure aucune, ce quelle n’a pas fait, par peur , ni faire – comme elle a fait-du bisounours avec Hollande , ”
    Ensuite quand on se bat pour un sujet aussi important on le fait à visage découvert avec son vrai nom, non nom de parodie, ou alors elle nous rend otage de son narcissisme !
    Certes, elle a eu la bonne idée de mettre des homosexuels dans la manif, pour montrer que nous n’étions pas homophobes, mais ensuite elle a désavoué Mongibault Bref là aussi elle les a un peu instrumentalisé, elle est devenue très vite une en cheftaine abusive. Et pourquoi aussi brutalement exclure d’autres sensibilités vestimentaires, Pourquoi empêcher d e montrer un rameau de buis pour ceux qui le voulaient. Est-ce une honte d’être chrétien ? S’est elle raillée à l’ennemi, qui veut bannir toute expression du catholicisme en France?
    Le fond du problème. Elle est incapable de distinguer légitimité de légalité et s’accroche à la légalité d’un pouvoir, d’un régime, qui par médias interposés instaure un ordre Orwellien. Là aussi elle est en manque d’une en légitimité incarnée.
    Il ne s’agit pas de défendre un régime à bout de souffle, qui rend son encre noire; et pas seulement sur l’enfant à naitre, à adopter, mais aussi sur l’école, véritable naufragée, garderie stérilisante des corps et des âmes, voués à sa pure propagande, les cités, l’économie.etc.
    Oui, Nous ne sommes pas au service d’un régime, quand nous défendons – en ces temps de crise – ce qui structure l’humanité depuis sa création, que nous prions pour cela, que nous rassemblons même des non-croyants. . Son barnum de Marianne est déjà de mauvais goût et ensuite conduit à la défaite, ne parlons de la défense du « mariage républicain », qui est historiquement à hurler quant aux connaît les noyades de Nantes et nul n’est censé ignorer l’histoire, notre histoire qui résonne en nous et c’est en son nom que nous nous dressons debout.
    Il est donc logique qu’elle prenne partie pour la langue de bois régnante, nous assimilant à des « phobes », donc à des fascistes , tous ceux qui ne suivent la non-pensée dominante, et qu’elle nous donne tort par avance quand des manifestants otages des forces de l’ordre se font gaz lacrimogenisés .
    Son dérapage est énorme et elle doit humblement le reconnaitre, changer d e perspective sinon elle devient objectivement un agent double au service de ce que nous combattons : un pouvoir aveugle, dénaturant l’institution. Car derrière cette loi inique, se profile l’euthanasie suggérée, demandée qui s’avance masqué
    Ce combat a donc aussi une dimension politique où manifestement elle est perdue, toujours cette volonté de trouver légitime un pouvoir errant. Il est vrai qu’il ya un vide aucun parti ne peut porter notre espoir. Il faut retrouver un régime arbitral et non idéologique, nous en sommes là. ,

  • Dilou , 28 mars 2013 @ 7 h 09 min

    Entiérement d’accord,sur le fait que nos adversaires veulent que nous nous divisions;il faut savoir accepter les différences, si l on veut rester unis pour notre projet commun: non à la dictature que lon veut nous imposer, oui la liberté d expression, dans notre France des droits de l homme que le le pouvoir est en train de baffouer. Et bien sûr le retrait de la loi Taubira s impose. Je maintiens mon soutien à Frigide, car personne n est parfait, et ses propos de dimanche viennent des dérapages organisés et provoqués, on l a bien compris aujourdhui avec photos et témoignages,par les forces de l ordre à la solde du pouvoir.

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