On l’avait presque oublié, l’ami Dany ! Mais ce n’est pas son genre de se faire discret. Alors il s’est rappelé à notre bon souvenir en multipliant les saillis au parlement européen ce mercredi 26 février. Après avoir traité Bruno Gollnisch et les parlementaires FN de « crétins finis » et menacé les Suisses de sanctions, il n’a pas hésité – se souvenant sans doute du sort des Irlandais après leur refus du traité de Lisbonne – à prophétiser que ce lamentable peuple aux prétentions démocratiques « reviendraient à genoux » vers l’UE. Il est extraordinaire cet homme : de ce mois de mai 1968 où le photographe Gilles Caron l’immortalisa à l’instant où il toisait un CRS d’un air goguenard jusqu’à ce discours morveux du 26 février 2014, il n’a changé ni dans le fond ni dans la forme.
Dans le fond, on pourrait objecter que bien au contraire tout a changé puisque « Dany le rouge », le hippy anticapitaliste et anticonsumériste est devenu l’un des plus fiers hérauts d’un européisme et d’un mondialisme financiarisé et utilitariste jusqu’à l’horreur, horreur de la GPA aussi bien que celle de la classe ouvrière française sacrifiée. Cette contradiction n’est cependant qu’apparente car la générosité du mouvement de 68 n’était que du théâtre : c’était déjà la fausse générosité de celui qui veut accueillir et soigner le monde entier mais qui abandonne ses enfants. Non, Soixante-huit n’a jamais été une révolution collectiviste et altruiste. La plupart des étudiants rebelles étaient des « fils de » et leurs revendications étaient à l’image de leurs slogans puérils, c’est-à-dire purement égoïstes. Par la suite, le sort que ces enfants gâtés ont réservé à leurs descendants – à savoir le saccage de leur héritage culturel et économique – n’a fait que confirmer cet égocentrisme foncier. In fine, ils n’auront transmis aucune des riches traditions qu’ils avaient reçues et ils ne légueront en guise d’héritage que des dettes abyssales et des germes de guerres civiles. Oui, dès le début ce mouvement fut un caprice de nantis irresponsables et le parcours de Daniel Cohn-Bendit n’en est que la parfaite illustration.
Dans la forme, la permanence est encore plus manifeste. Certes les cheveux et la largeur des pattes du pantalon ont un peu raccourcis par rapport aux années soixante-dix mais le costume sans cravate est quasiment le même que sur la photographie de Gilles Caron : le baba n’aura duré qu’un temps ; le faux cool est resté identique à lui-même. Le langage lui non plus n’a pas changé : toujours ce mélange de verve brillante et de registre familier ou grossier soigneusement pesé. L’insulte facile, le mépris de son contradicteur, l’arrogance des bienpensants, la superbe du bien-né, la superficialité des préoccupations, le culte du moi … tout cela a magnifiquement résisté à l’épreuve du temps. Que les opposants de la première heure me pardonnent, eux qui plus encore que leurs descendants ont eu à supporter la morgue agressive de l’oligarchie post-soixante-huitarde – mais tout cela fait bien de Daniel Cohn-Bendit le digne héraut de la génération 68 !
23 Comments
Comments are closed.