Alain de Benoist vient de publier, sur Boulevard Voltaire, une chronique apocalyptique intitulée : « Avec la surpopulation, c’est un monde invivable qui se dessine. » La thèse de fond est que « la population ne peut s’accroître indéfiniment sur une étendue limitée » et donc que « avec trois ou quatre milliards de bipèdes en moins (sur 7, 7 milliards, note de JPM) le monde se porterait beaucoup mieux. » Notre auteur, faisant positivement référence à Thomas Malhus, auteur en 1798 de l’Essai sur le principe de population, accuse pêle-mêle la surpopulation d’être belligène, d’accélérer l’épuisement des ressources naturelles, de favoriser l’immigration, d’épuiser les sols, de participer au réchauffement de la planète, etc.
Incontestablement la population de la planète augmente de manière régulière et rapide, le poids de l’Afrique dans la population mondiale ne cessant de croître. A contrario de ce mouvement général la démographie occidentale est en crise victime à l’Est de l’athéisme d’Etat et à l’ouest de l’athéisme consumériste conformément au constat de Jean-Jacques Rousseau : « Ses (l’athéisme) principes ne font pas tuer les hommes, mais les empêchent de naître. » (Profession de foi du vicaire savoyard) Les conséquences politiques de ce fait sont considérables, la démographie étant incontestablement un facteur de puissance.
Malthus établit un lien très étroit entre surpopulation et pauvreté affirmant que la population d’un pays s’accroît de façon géométrique alors que les ressources, elles, croissent de manière arithmétique. Existerait ainsi une tendance permanente à la surpopulation engendrant la pauvreté et ses conséquences ; crise sociale, immigration, etc. Si cela était les pays les plus densément peuplés devraient être les plus pauvres. Or il n’en est rien. Si on exclut les états non représentatifs (Monaco, Vatican, etc.) il y a parmi les pays les plus peuplés de la planète à la fois des pays pauvres (Bangladesh, Rwanda, Inde) et des pays riches (Corée du Sud, Pays-Bas, Belgique). On observe d’autre part que les pays dont le PIB par habitant est le plus élevé de la planète sont : le Luxembourg, la Suisse, la Norvège, les USA, l’Irlande, etc. Pays plutôt densément peuplés. Il semble que si l’abondance de ressources naturelles peut constituer un facteur de développement elle n’est pas un motif suffisant de prospérité. Le Luxembourg, les Pays-Bas et le Japon sont des pays développés dépourvus de toute richesse naturelle. Le Congo, l’Algérie et le Vénézuela sont des pays dotés d’immenses richesses naturelles (minerais, gaz, pétrole) et malgré cela sous-développés. Les Pays-Bas et le Bengladesh sont deux pays très densément peuplés, démunis de ressources naturelles, dont une partie notable de la superficie est en dessous du niveau de la mer. L’un a fait face à cette situation, l’autre non. Enfin, un pays peut passer d’une relative prospérité à la pauvreté à l’issue de bouleversements sociaux majeurs. Citons les exemples tragiques de l’Algérie et du Zimbabwé.
Le lien à établir ne semble donc pas être entre surpopulation et pauvreté mais plutôt entre pauvreté et civilisation. Ce sont les modèles sociaux, les cultures et les comportements qui créent la prospérité ou la pauvreté, pas la nature ou on ne sait quel fatum. A cet égard, le communisme, le socialisme et l’Islam sont des échecs dramatiques car ils neutralisent l’esprit d’initiative et de responsabilité personnelle qui sont au cœur du développement économique. Alain de Benoist conclut d’ailleurs son article en fustigeant ce qu’il appelle le « laisser-faire nataliste », c’est-à-dire la responsabilité des parents dans la transmission de la vie, citant en exemple à suivre la politique démographique de la Chine. Or celle-ci s’avère être aujourd’hui une formidable bombe à retardement en raison des déséquilibres, logiquement induits par la politique de l’enfant unique, d’une part entre le nombre d’hommes et celui de femmes et d’autre part de la pyramide des âges. Le défi de demain n’est pas tant celui de la surpopulation que celui de la mise en œuvre de modèles sociaux respectueux de la nature profonde de l’homme et mettant en harmonie son intérêt personnel avec celui de la société.
Jean-Pierre Maugendre (Renaissance catholique)