Il faut se méfier des mots. Certains peuvent suggérer dans l’esprit de celui qui les entend l’inverse de ce que souhaitait affirmer celui qui les dit. Quand Nicolas Sarkozy insiste sur sa volonté d’être authentique, son insistance même éveille le doute. Les politiques devraient se défier des déclarations d’amour au pays. Comme disait justement Cocteau « en amour, il n’y a que des preuves d’amour ». Des actes, des attitudes, qu’accompagne une parole retenue, susciteront davantage l’adhésion. L’excès verbal risque même de suggérer le doute. L’expression trop vive d’un sentiment en dehors du contexte qui pourrait le motiver, mais à un moment où son utilité pour la communication est manifeste, éveille le sens critique. Pour la plupart des Français, y compris ceux qui le soutiennent, l’amour passionnément fidèle de Nicolas Sarkozy pour la France est une posture. Un candidat à la Présidence doit parler aux Français de la France, de son projet pour eux et pour le pays. Or, il parle surtout de lui. Son ambition était à la source d’une énergie et d’un projet qui avaient séduit. Sans naïveté, ceux qui fondaient leurs espoirs sur elle se disaient que le Président élu aurait pu choisir un autre terrain d’exercice, comme César préférant être le premier dans un village que le second à Rome, mais ils pensaient aussi que là où il se battrait, il le ferait avec une force de caractère propice à la réussite. Les quelques jours qui ont suivi son élection ont montré que, le but atteint, l’homme donnait toute la place à son ego plus qu’à son projet. Le projet lui-même s’est dissipé dans la manoeuvre avec l’ouverture à gauche qui révélait que les discours de campagne appartenaient à la manipulation de l’opinion, le seul savoir-faire des politiciens professionnels. Le fossé s’est creusé entre le peuple et son Président. Pourtant, il s’en est fallu de peu que le coup réussisse une seconde fois en 2012, mais le doute s’était installé. Sarkozy aurait pu être le Thatcher français, enfin capable de réformer le pays. Il a été un second Chirac, avec plus d’efficacité, mais moins de prestance. La crise a limité les effets de la première. Il a payé l’insuffisance de la seconde. Le peuple participe à la dignité de ses représentants et ressent comme une atteinte à la sienne les manquements à la leur de ceux qui le dirigent. L’intéressé lui-même avoue avoir eu le sentiment d’être illégitime. Peut-être, pour reprendre le mot d’un personnage de Montherlant, avait-il le sentiment de ne pas « respirer » à la hauteur qu’il faut pour gouverner la France. Bien sûr, le locataire actuel de l’Elysée respire encore plus bas, mais lui ne semble pas s’en rendre compte.
L’une des critiques les plus dures à l’encontre de Nicolas Sarkozy a pointé sa tendance à confondre l’agitation et l’action. On serait en peine de présenter la ligne directrice de son mandat. Sa politique étrangère a commencé par la libération des otages bulgares de Kadhafi et l’accueil de celui-à Paris, à l’époque où l’union euro-méditerranéenne était à l’ordre du jour. Elle s’est terminée par une intervention contre le dictateur libyen dont on mesure encore aujourd’hui les effets catastrophiques. Sa politique financière et économique évidemment perturbée par la crise a mêlé l’audace et la navigation à vue. Une relance à contre-temps et une arrivée trop tardive de la TVA sociale ont laissé le pays dans une situation de déficit et d’endettement que la gauche n’a fait qu’aggraver à son arrivée. En revanche les économies réalisées dans le domaine de la sécurité ont altéré celle-ci et l’image positive que le Chef de l’Etat tirait de son passage à l’Intérieur. Lorsqu’on assiste au spectacle lamentable donné par la « jungle » de Calais, on se dit que les problèmes que Nicolas Sarkozy disait avoir résolus ne l’étaient nullement.
L’obstacle le plus grand qui se dresse sur la route du candidat éventuel tient donc à sa fiabilité. L’orateur brillant ne serait-il qu’un habile bonimenteur ? Je suis évidemment bien placé pour savoir que Sarkozy n’a aucune conviction sur l’homosexualité ou le mariage unisexe. Il évalue simplement le poids du lobby dans les médias et n’a aucun scrupule à exécuter ceux qui s’y opposent. Mais ses revirements purement tactiques sur le sujet ne laissent aucun doute sur ses priorités. La séduction des médias et la prise du pouvoir dans le court terme l’emportent sur des considérations sur l’anthropologie ou l’éducation des enfants. Après moi le déluge ! Devant les républicains « cathos » de Sens Commun , il va jusqu’à dire qu’il va abroger la loi Taubira, en ajoutant que « si çà leur fait plaisir, ça ne coûte pas cher » et annonce maintenant qu’il n’en fera rien. Bien sûr, c’est pour ne pas diviser les Français qui subissent déjà la crise, dit-il, la main sur le coeur. Pour équilibrer la volte-face, une visite à l’église sinistrée de Fontainebleau est mise en scène. Mais ce qui répugne aux Français, c’est de toujours être pris pour des imbéciles. Ce n’est ni la promesse de l’abrogation, ni son contraire qui permettront au Président d’être élu, mais la confiance qu’il suscitera par son projet et par sa personne. La question est là et Sarkozy est loin d’y répondre.
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