L’éducation à domicile, c’est seulement bon pour les handicapés, voyons !

On en parle, un peu, sur les réseaux sociaux ; l’information n’a pas été évoquée dans la presse « grand public » et il y a peu de chances qu’elle l’intéresse jamais mais les faits sont là : un octet de sénateurs vient de déposer une proposition de loi visant, je cite le titre, « à limiter la possibilité d’instruction obligatoire donnée par la famille à domicile aux seuls cas d’incapacité ». Oui, vous avez bien lu, ça se passe en France et en 2014.

Avant de revenir sur cette loi et l’intéressante phalange liberticide qui tente de la faire passer, essayons un peu de contextualiser le sujet. Comme vous le savez, le législateur (du XIXème siècle) a, dans sa grande clairvoyance, estimé qu’en France, l’instruction est obligatoire jusqu’à 13 ans. Par la suite, l’instruction obligatoire s’est étendue jusqu’à 14 puis 16 ans. Notez qu’on parle ici d’instruire et non d’éduquer les enfants, même si les deux termes ont été habilement confondus ces dernières décennies dans un mouvement qui n’a rien de fortuit, comme on va le voir.

Jusqu’à présent cependant, les parents ont toujours conservé la possibilité de placer leurs enfants auprès d’un précepteur ou de s’occuper eux-mêmes de la charge que représente cette obligatoire instruction. Ainsi, en 2013, on comptait environ 40.000 enfants dont l’instruction se déroulait hors du cadre scolaire, soit par des cours particuliers, soit par l’enseignement par correspondance. Les raisons qui expliquent les choix des parents sont multiples ; il peut s’agir d’une obligation technique (cas des enfants malades, handicapés, …), de contraintes familiales (mobilité trop grande des parents, …) ou d’un simple choix réfléchi de leur part de ne pas confronter leurs enfants aux enseignements prodigués par l’Éducation Nationale, soit parce que cette dernière est inadaptée (cas typique des enfants surdoués) ou parce que les parents ont jugé que l’orientation prise par les cours ne leur convient pas.

Peu importe, finalement, les raisons qui entraînent ces situations : la France impose l’instruction, elle n’impose pas la méthode.

Enfin, pas encore et c’est là qu’intervient l’ensemble d’instruments à vent du Sénat qui vient de déposer le projet auparavant cité. Le but est simple : mettre fin à cette situation scandaleuse où des parents, conscients du gâchis de plus en plus catastrophique que constitue l’enseignement industriel bas de gamme fourni par l’État, décident de s’occuper eux-mêmes de l’instruction de leurs enfants.

Comme c’est dommage ! De plus en plus de familles, pas vraiment convaincues de la bonne qualité des cours dispensés, peut-être effarouchées par les scores PISA de plus en plus médiocres, refusent de placer leur progéniture dans les griffes mains généreuses de la République. De plus en plus de parents commencent à comprendre que le but de l’école républicaine n’est absolument pas d’instruire leurs enfants, mais de les élever, comme on élève des animaux domestiques, pour qu’ils sachent ensuite répéter des tours et se tenir tranquille. Et ce n’est pas moi qui le dis, c’est Vincent Peillon, l’actuel patron de l’Éducation Nationale : pour lui, l’école doit même jouer le rôle d’éduquer les bambins, et de les détacher de toutes ces niaiseries que forment le cocon familial, à commencer bien sûr par la religion, la morale et les valeurs traditionnelles, mais sans s’y limiter : « il faut être capable d’arracher l’élève à tous les déterminismes, familial, ethnique, social, intellectuel »

Ne l’oubliez pas : pour nos petits socialistes en culotte courte, l’enfant est un excellent terrain d’expériences. Pour certains, ce seront les expériences éducationnelles pédagogogiques, pour d’autres, tout est à base desynaptogénétique qui crache bien, pour d’autres encore, la question de la sexualité occupera un champ d’autant plus large que toute la société leur semble structurée sur cette question qui les taraude au plus profond d’eux-mêmes. Dès lors, c’est la porte ouverte à la propagande, qu’elle soit politique, ou sexuelle. D’ailleurs, comme le disait Laurence Rossignol, une sénatrice socialiste surtout connue pour ses médiocres capacités d’auto-défensel’enfant n’appartient pas à ses parents, mais bien à l’État.

Manque de pot ou mauvaise couverture du radar socialiste, plusieurs dizaines de milliers de bambins échappent encore au moule républicain et cette proposition de loi arrive donc pour combler cette lacune et balayer ces terribles zones d’ombre du phare stroboscopique de la pensée socialiste.

Et ce n’est même pas caché dans l’exposé des motifs :

L’un des buts de la scolarisation de l’enfant est sa socialisation. Celle-ci nécessite une éducation qui ait une dimension collective, qui lui permette de découvrir la diversité des conditions et des cultures des enfants de son âge et de rendre son développement plus harmonieux. (…) L’éducation à domicile ne peut être le prétexte d’une désocialisation volontaire, destinée à soumettre l’enfant, particulièrement vulnérable, à un conditionnement psychique, idéologique ou religieux.

C’est écrit en toutes lettres : l’école à domicile, c’est une façon d’éviter la socialisation de l’enfant, c’est une méthode pour échapper à la dimension collective (lisez : collectiviste) de l’Éducation Nationale, et elle est à l’évidence utilisée pour un conditionnement psychique, idéologique ou religieux … conditionnement dans lequel les services de l’État ne sombrent absolument pas parce que c’est l’État, et que ça se saurait, enfin voyons, si l’administration, l’État et l’Éducation Nationale endoctrinaient les enfants. Et puis, ce n’est pas comme si, dans le passé, cela avait été tenté ; on sait bien que jamais les institutions républicaines, démocratiques ou étatiques en général, ne se sont lancées dans ce genre de pratiques !

Conclusion : ce que des parents sont susceptibles de faire pour leurs enfants, jamais un État ne tremperait là-dedans. Et comment imaginer en effet qu’un père ou une mère, aimant leurs enfants, les connaissant plus intimement qu’aucune autre personne, s’investissant pour eux au point de consacrer une partie de leur vie à leur instruction, leur éducation et leur formation psychique, religieuse, morale et citoyenne, parents qui sont directement intéressés au résultat, comment imaginer, dis-je, qu’ils fassent mieux que des fonctionnaires lambdas formés en batterie par une administration qui ne sait même pas combien elle a de salariés en son sein ? Comment imaginer ça ? Impossible !

Il était donc impératif d’agir et c’est donc ce que Hugues Portelli (UMP, Val d’Oise), Christian Cambon (UMP, Val de Marne), Jacques Gautier(UMP, Hauts-De-Seine), Esther Sittler (UMP, Bas-Rhin), Hélène Masson-Maret (UMP, Alpes Maritimes), Michel Houel (UMP, Seine et Marne),Colette Mélot (UMP, Seine et Marne) et Louis Pinton (UMP, Indre) ont décidé de faire. Vous noterez au passage le beau mouvement d’ensemble : ils sont tous UMP, ce qui les situe, sur le papier, dans l’opposition à l’actuel gouvernement. Du reste, c’est une bonne chose puisqu’on peut raisonnablement penser que leur étron législatif liberticide sera retoqué par leurs collègues du parti officiellement socialiste. Mais la présence d’une telle loi, pondue par de tels sénateurs, d’une telle opposition, permet d’affirmer qu’en réalité, une véritable course au plus-disant collectiviste et liberticide s’est engagée entre les deux factions qui se disputent les rênes du pouvoir en France. La différence entre l’UMP et le PS est maintenant si fine qu’elle est purement symbolique et ne sert plus qu’à occuper le peuple dans des élections qui sont, de facto, truquées non par mécanisme, mais par l’absence totale de choix.

Il est consternant de constater que la pourriture idéologique s’est à ce point installée confortablement dans les esprits de nos élus qu’ils pensent sain de limiter les capacités d’instruction des parents en légiférant. Il est effrayant de voir avec quelle rapidité ce pays sombre dans un régime global d’interdiction, de restriction et d’encadrement d’absolument tout. En un siècle, la France aura perdu chacune de ses grandes libertés, rongées petit à petit par ces types d’interventions lamentables, qui auront lentement mais inexorablement dissout la cohésion sociale du pays en dépossédant chaque citoyen de ses responsabilités pour n’en faire qu’un animal mal domestiqué.

Il existe une pétition contre cette loi scandaleuse, je vous encourage à la signer et à la partager autour de vous. Parfois, un petit e-mail bien rédigé aux sénateurs concernés permet de leur faire comprendre que leur base électorale n’est pas d’accord avec leurs conneries.

Et enfin, je conclurai en notant qu’encore une fois, ce bon vieux sénat poussiéreux fait ici une parfaite démonstration de son passéisme en proposant une loi rétrograde au moment où les MOOC explosent, et fournissent, en direct, gratuitement, une quantité toujours plus grande de ressources et de savoir pour tous (allez voir Ralentir Travaux, – et pourquoi pas, soutenez-le). Ces tristes sénateurs s’inscrivent parfaitement dans la tendance d’un État français qui s’enkyste gentiment dans le pire des conservatismes et s’effondre lentement sous son propre poids législatif, ses vieilles habitudes et ses vieux schémas de pensée surannés.

Ce pays est foutu.

> h16 anime le blog hashtable. Il est l’auteur de Égalité taxes bisous.

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42 Comments

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  • monhugo , 27 janvier 2014 @ 10 h 47 min

    Bravo pour cette réactivité ! Précisions données dès le 25 courant, dans la nuit, sous “Ce Jour de Colère qui dérange” – faute de place plus ad hoc (et pour rebondir sur un premier commentaire, de “Psyché”). Notamment sur le CV des sénateurs – UMP + 1 “Divers droite”.

  • Cap2006 , 27 janvier 2014 @ 10 h 49 min

    L’utilisation de l’image de Peillon parait abusive, alors qu’il s’agit d’une initiative des senateurs/trices UMP.

  • C.corday , 27 janvier 2014 @ 10 h 53 min

    J’ai signé, voici pourquoi : C’est notre liberté que d’arracher nos enfants des griffes de la bien-pensance de “l’éducation nationale”, qui se nommait autrefois “instruction publique”. Subtile distingo.
    Alors que ma cadette se trouvait en CE2, j’ai du la retirer de l’école où elle se trouvait, car celle-ci était devenue en moins de 2 ans une garderie pour cas sociaux. Elle vivait la peur au ventre, refusait d’aller en récréation et n’apprenait plus rien… Pour ce qu’il y avait à apprendre d’ailleurs!
    J’avais réussi à faire rentrer son aînée en sixième dans le privé et son petit frère au CP dans le même privé et dans l’attente d’une place pour elle en CM2, je lui ai fait classe à la maison pour le CM1, rattrapant tout le retard accumulé en CE1 et CE2. Et malgré la fatigue, je ne l’ai jamais regretté. J’ai sauvé ma fille, tant physiquement que moralement et intellectuellement.
    Et si c’était à refaire je le referai, n’en déplaise à ces crétins.

  • monhugo , 27 janvier 2014 @ 10 h 58 min

    Remarquez que pour les journaleux, il n’y a qu’UN sujet à traiter. Les malheurs de la Pouffe répudiée.
    Par exemple à l’instant sur LCI (“Choisissez votre camp”), la quasi-totalité de l’émission ne traite que de ce problème ESSENTIEL. On évoque même la réparation financière due à la pauvre chérie (Valérie Expert parlant de “prestation compensatoire” – à contresens bien sûr ; la fin d’un concubinage doit être réglé selon la jurisprudence de la société de fait).
    5 minutes sur le JdC (quand même). Expert parle de 250 GAV – “énorme”, dit-elle. Les lèche-babouches invités de rappeler les manifestations “hyper violentes” – sic – contre le mariage façon Taupe, et des GAV, normales, au même étiage.
    Ces messieurs-dames évoquent les slogans d’hier, au hasard, “antisémites” et “homophobes”, et même (horreur absolue) “journaleuphobes” – vous en reprendrez bien une louche, de propagande ?

  • Eric Martin , 27 janvier 2014 @ 11 h 30 min

    Nous n’avons aucun problème à mentionner ces informations, contrairement à ce que pense un certain PG. Et le fait que l’actionnaire de NDF.fr travaille pour l’UMP Jean-Claude Gaudin, ce que nous n’avons jamais caché, n’y change strictement rien.

  • Delaforest , 27 janvier 2014 @ 11 h 58 min

    Excellent article. Il faut battre le rappel pour que cette proposition de loi liberticide, s’ajoutant à un ensemble de réglementations restreignant et contraignant, soit annulée par le groupuscule de sénateurs de “droite” (à droite du Grand Orient ?).

    Le plus difficile pour des parents qui choisissent librement d’instruire leurs enfants par correspondance, et je parle par expérience, n’est pas de donner les cours et de faire travailler les petits ou les grands, c’est de supporter les multiples tracasseries administratives, surtout depuis qu’une circulaire de 2012 considère l’enseignement à distance comme… inexistant !

    C’est ce que l’Education nationale appelle “instruction en famille” niant la réalité de la scolarisation à distance : si votre enfant est inscrit dans un établissement à distance, le Directeur académique estime que votre enfant n’est pas scolarisé et que vous vous substituez à l’Education Nationale ! Oui, nous sommes bien chez Ubu !

    Il faut signer la pétition en pensant aux centaines d’enfants qu’on va bientôt arracher à leur famille pour les mettre en camp de rééducation. Signez la pétition !

  • ranguin , 27 janvier 2014 @ 11 h 59 min

    Il n’y a pas de compensation à avoir d’autant que la déclaration fiscale n’est pas régulière.
    Quant au problème de l’éducation à la maison reconnue uniquement en ca

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