Le jour de colère a bien eu lieu. Ils étaient 17 000 manifestants selon la police, 120 000 selon les organisateurs. L’absence de consigne spécifique d’encadrement a permis à chacun de se présenter sans fard, sans faux semblants. Les opposants, du moins les plus enragés d’entre eux, sont apparus tels qu’ils sont, et on a vu défiler côte à côte des associations de contribuables, des délégations professionnelles, des opposants au mariage homosexuel, des groupes d’action catholique, des royalistes, des nationalistes, des identitaires, des partisans de Dieudonné, et une foule immense d’individus isolés, agglomérés, pour la circonstance, à un groupe.
L’avantage des grandes foules est que la plus petite association a l’impression d’y jouer un rôle majeur dans le déroulement de l’histoire et, quoiqu’elle ne représente pas même cent personnes, elle se sent pousser des ailes. En somme, tout devient possible.
Mais peut-on durablement faire du combat contre François Hollande un objectif politique rassembleur ? Que reproche-t-on à François Hollande ? D’avoir augmenté les impôts jusqu’aux limites du supportable, d’avoir permis le mariage et l’adoption par des personnes homosexuelles, d’avoir détricoté un peu plus la famille, promu les études de genre à l’école et affaibli les armées ?
Fort bien. Dans ce cas souvenons-nous que Nicolas Sarkozy promettait l’union civile des personnes homosexuelles dans ses programmes de 2007 et 2012. N’oublions pas que Xavier Darcos, ministre de Nicolas Sarkozy, a introduit les études de genre dans les programmes de sciences naturelles. Rappelons-nous que ce même Président de la République a supprimé 56 000 postes dans les armées à l’issue du livre blanc de 2008, amoindri la présence française en Afrique pour la renforcer au Proche-Orient auprès des Américains, a très largement contribué à augmenter les impôts sans réduire drastiquement la dépense publique. N’oublions pas qu’il était favorable également à un statut légal du beau-parent et à une simplification du divorce en faisant passer les couples devant le greffe pour régler l’affaire en deux temps trois mouvements.
En somme, Nicolas Sarkozy l’a fait, François Hollande l’a poursuivi. La droite en rêvait, la gauche l’a fait. Nous voilà beaux ! Ne parlons pas de l’ultra-gauche révolutionnaire et de ses lendemains qui chantent, car pour les Français il y aura des pleurs et des grincements de dents. Ne cherchons pas de recours non plus au Front national, dont le programme politique et économique mêlant gauchisme et jacobinisme ne semblent pas plus engageant que celui du PS. Enfin, Marine Le Pen fut si discrète lors du débat sur le mariage homosexuel, et si fausse dans le débat récent sur l’IVG, où elle affirmait son attachement au statu quo français, tout en condamnant le projet de loi de nos voisins espagnols, qu’on peut douter de sa sincérité en matière de mœurs.
Les Français sont orphelins en politique. Or, vouloir l’effondrement du gouvernement sans être en mesure de proposer une solution de rechange, c’est la politique du pire, celle du chaos et de la haine.
Être en colère contre Hollande ne tient pas. Être en colère contre le « système » alors ?
Mais le système n’existe pas. Ceux qui se disent anti-système, qu’entendent-ils par là ? Sont-ils contre la République, contre l’État, contre les financiers, contres les lobbys et dans ce cas lesquels, contre le consumérisme post-moderne, contre l’hédonisme ? Quand on voit la plupart des anti-systèmes officiels, vivant eux-mêmes grâce au dit système, on rit.
Être en colère contre quoi ? Être en colère avec qui également ?
En effet, dans cette manifestation on criait autant « vive le roi » « qu’à bas l’impôt », « la France aux Français », « Journalistes collabos », « France, jeunesse, révolution », « France, jeunesse, chrétienté », « CRS police des juifs », etc. Comment tous ces gens, si dissemblables, peuvent-ils s’entendre ? Leur alliance de circonstance les conduit au mur. Les chrétiens en colère s’entendront-ils longtemps avec les musulmans antisionistes fans de Dieudonné ? Les partisans de la libération fiscale ont-ils quelque chose à dire aux jeunesses identitaires néo-païennes ?
Tout cela a surtout l’air d’un cocktail explosif et incontrôlable, fait de gens en colère, certes, mais surtout égarés loin de toute voie raisonnable et sans horizons.
Il serait bien plus intéressant de ne pas être en colère contre un homme ou un parti, mais en colère pour faire advenir un projet cohérent pour la France.
Quel projet ?
Il apparaît que seul un homme de courage et d’ambition pourra tirer les marrons du feu et catalyser tous ces mécontentements vers une action positive. Trop de déception et de rancœurs ont été accumulées pour qu’il puisse en être autrement désormais. Peu importe que cet homme soit seul, ou à la tête d’un parti. Ce qui compte, c’est que son nom et sa personne, créent une cohérence là où il n’y a que désordre et haine. Les marrons chauffent doucement. La sottise et l’aveuglement de nos gouvernants met la cocotte sous pression. On pourra bientôt dire à table, mais si nous ne voulons pas que la cocotte explose, il est grand temps qu’un homme se lève, porteur d’un projet ou d’une ambition politique qui le dépassent.
En somme, il faut un homme, et cet homme doit annoncer une institution pour briser la machine infernale et s’en sortir par le haut. Les personnalités politiques en vogue ne semblent pas en mesure de remplir cette mission. Il ne semble pas que celle-ci puisse être accompli par un autre individu qu’un prince des fleurs de lys. C’est le seul type de personnage qui rassemble sur sa tête suffisamment d’antériorité historique, de notabilité par son patronyme, et d’intérêt par le projet politique qu’il suppose, pour pouvoir se présenter, même seul, face aux Français de la rue, et leur dire « en avant ! »
Un prince ? Vous êtes fou ! Oui, peut-être. Mais ne faut-il pas être fou, en ce moment, pour conserver l’espérance ?
> Gabriel Privat anime un blog.
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