L’État pillard

L’Assemblée vient de voter une augmentation des prélèvements sociaux sur l’épargne des ménages : PEA, PEL et assurance-vie. Afin de financer la sécurité sociale, de façon doublement rétroactive, les revenus de cette épargne réalisés à la sortie des plans ou à la fin des contrats seront taxés uniformément à 15,5 % à partir du 26/09/2013, première rétroactivité et quelle que soit l’année de la plus-value. Auparavant, on tenait compte du taux en cours alors : deuxième rétroactivité. Cette mesure est l’indice d’un gouvernement aux abois et prêt à tous les expédients. Elle est doublement stupide sur le plan économique. Elle est, d’abord, injuste et immorale.

Comme d’habitude, le gouvernement justifie ce qu’il fait par l’héritage qu’il a reçu de la majorité précédente et par son souci de prendre aux riches pour donner aux pauvres. Or, d’une part et de l’aveu même de la députée socialiste qui a rapporté pour avis le PLFSS pour la Commission des Finances, la bien nommée Valérie Rabault, cette taxation supplémentaire touche « une épargne pour les ménages les moins aisés », et  d’autre part, elle procède d’une politique qui accentue les prélèvements plus qu’elle ne cherche des économies. C’est ce gouvernement qui a élevé, par idéologie, le remboursement de l’avortement à 100%, augmentant la dépense de 13,5 millions d’euros pour la porter à 70, afin de financer un acte dont on peut contester le caractère médical et s’étonner qu’il soit ainsi financé par la solidarité des assurés sociaux et des contribuables, notamment de ceux qu’il révulse. On pourrait aussi rappeler l’AME, super-CMU, à condition (l’administration a toujours le mot juste) d’être en situation irrégulière ou la CMU-C, qui attribue le bénéfice du remboursement pour des traitements auxquels renoncent ceux qui sont au-dessus du seuil de ressources, mais ne peuvent pas s’offrir une complémentaire. À force d’appliquer le principe injuste de la discrimination positive, et de vouloir donner plus à ceux qui ont moins, on finit par donner plus à ceux qui font moins. C’est ainsi qu’on va punir la fourmi d’avoir travaillé et économisé pour continuer à financer toutes les cigales de France. Je n’ai pas dit : « françaises ».

“À force d’appliquer le principe injuste de la discrimination positive, et de vouloir donner plus à ceux qui ont moins, on finit par donner plus à ceux qui font moins.”

La rétroactivité inscrite dans la loi de financement de la Sécurité sociale est particulièrement scandaleuse. Elle témoigne d’abord d’un rare mépris à l’égard des agents économiques que sont les épargnants et les contribuables. On peut penser en effet que leurs placements ont tenu compte de la fiscalité à laquelle ils étaient soumis, que leur engagement ou leur désengagement dépendent de son évolution. La rétroactivité est  une insulte à l’intelligence des contribuables. C’est ensuite une atteinte à leur liberté puisqu’ils ne pourront pas agir avant que la mesure s’applique. C’est donc une tricherie de l’État envers les particuliers, venant de gens qui ont le front de parler de pacte républicain et qui sont incapables de respecter un contrat moral. Certes, la Constitution n’interdit explicitement la rétroactivité que dans les lois pénales. Un justiciable ne peut être condamné en vertu d’une loi postérieure au fait. La jurisprudence accepte cependant un effet rétroactif favorable à la personne mise en cause. Manifestement, notre chère République a plus d’égards pour les délinquants que pour les contribuables ! Pourtant, comme le disait le grand juriste Portalis, et comme l’indique l’article 2 de notre code civil, « la loi ne dispose que pour l’avenir. Elle n’a point d’effet rétroactif ». Portalis précisait : « que deviendrait la loi civile si le citoyen pouvait craindre qu’après coup, il ne soit troublé dans ses droits acquis par une loi postérieure ? » J’espère, pour ma part qu’un recours déposé auprès du Conseil constitutionnel permettra d’acter le caractère général de ce principe inséparable du contrat social et que seuls des brigands peuvent ne pas respecter.

En plus d’être immoral, ce projet de loi est anti-économique. C’est une manière de décourager l’épargne qui est le carburant des investissements et avec le travail, comme le disait l’un de nos plus grands Premiers ministres, Guizot, l’un des moyens de s’enrichir, si j’ose ce gros mot dans un pays gouverné par les amis des cigales, consommatrices et assistées. L’impôt tue l’impôt : on répète cette vérité de Laffer, mais on n’en tient pas compte. La France détient le triste record des prélèvements obligatoires à plus de 46% du PIB. Certains ont, récemment et improprement, parlé de rafle, on pourrait ici évoquer la razzia, qui comme chacun sait est une action de pillage, un mot qui serait plus proche de la réalité. Le vrai moteur de l’économie comme le vrai ciment d’une communauté politique s’appelle la confiance. La rétroactivité de la loi détruit cette confiance. Comment imaginer qu’un peuple, dont récemment encore le ministre du Budget planquait son argent en Suisse, accepte qu’on taxe rétroactivement les gains déjà réalisés de son épargne en lui lançant à la figure et sans rire que c’est « pour harmoniser »? Je crois au contraire que le peu d’harmonie qui subsistait et que les chiffres du chômage (60 000 chômeurs, 2% de plus en septembre) détériorent davantage aujourd’hui même, va voler en éclats. Les fourches vont à nouveau se lever et les valises se préparer. Lorsqu’un gouvernement devient chaque jour plus imbuvable, n’est-il pas salutaire de le cracher ?

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45 Comments

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  • 0 / 10
  • ranguin , 30 octobre 2013 @ 7 h 32 min

    Les “pôvres” et les jeunes médecins qu’on va faire venir dans les régions sous médicalisées avec un salaire de 3600 euros par mois pendant trois ans (ce qui va coûter réellement 6000 euros à la

  • ranguin , 30 octobre 2013 @ 7 h 34 min

    je reprends : à la collectivité). Qu’en pensez-vous ? Fait-on les mêmes largesses à d’autres corps de métiers ?

  • MarcS , 30 octobre 2013 @ 11 h 03 min

    Avec 13000 € par mois elle n’est pas si malheureuse que cela !!!!

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