Il y a 744 ans, le 25 août 1270, mourait le roi Louis IX, dit « Saint Louis », des conséquences d’une épidémie de dysenterie contractée à Tunis au cours de la VIIIème croisade.
Descendant direct d’Hugues Capet, arrière-petit-fils d’Aliénor d’Aquitaine, petit fils du roi Philippe Auguste, fils de Blanche de Castille, Saint Louis, né quelques mois avant la bataille de Bouvines en 1214, reste la figure la plus emblématique du roi justicier, arbitre reconnu et respecté des conflits internationaux, roi réformateur qui modernisa la monarchie capétienne et roi bâtisseur qui embellit notre pays d’un nouveau patrimoine religieux et culturel. À titre privé, Saint Louis, époux attentif et aimant, père de 11 enfants, reste un modèle de vertu et une figure de sainteté qui impressionna ses contemporains jusqu’en Orient et força l’admiration de ses adversaires.
Roi justicier, Saint Louis l’est d’abord dans son royaume : il renouvelle la « quarantaine-le-roi » instituée par Philippe Auguste, trêve obligatoire d’au moins 40 jours après un différend privé, au cours de laquelle le recours aux armes est strictement interdit sous peine de crime de lèse-majesté, afin d’endiguer la vengeance privée et de faciliter le recours aux voies judiciaires. Dans le même esprit, il interdit les ordalies, (qui consistaient à soumettre de manière superstitieuse l’accusé à une épreuve physique pour décider de son sort) et supprime le duel judiciaire dans le domaine royal, au profit des preuves testimoniales. Couronnant le tout, il institue la « supplicatio », droit d’appel au roi de tout jugement local.
Artisan de paix, il s’efforce de limiter les conflits avec ses contemporains et consolide les acquisitions territoriales de la dynastie capétienne. Depuis Aliénor d’Aquitaine, le royaume de France est en guerre permanente contre le roi d’Angleterre qui est son vassal pour les terres qu’il possède dans l’Ouest de la France. Après une guerre victorieuse, menée en Saintonge, saint Louis signe en 1259 avec Henri III Plantagenêt le traité de Paris, par lequel le roi d’Angleterre renonce aux terres conquises par Philippe Auguste au détriment de son pays (Normandie, Anjou, Touraine, Maine et Poitou) mais se voit restituer en échange les diocèses de Limoges, Cahors et Périgueux pour lesquels il reste toutefois le vassal du roi de France. Par ce traité équitable et tissé de concessions réciproques, saint Louis apparaît comme le monarque le plus puissant et le plus respecté d’Occident. Son arbitrage est dès lors requis par les barons anglais dans un différend qui les oppose à leur roi tout comme il est sollicité dans le conflit qui oppose l’empereur Frédéric II Barberousse aux papes Grégoire IX et Innocent IV.
Roi réformateur, saint Louis promulgue en 1254 une grande ordonnance administrative qui modernise le royaume et lutte contre l’arbitraire des officiers royaux : abolition des mesures édictées par eux en violation des coutumes locales, interdiction pour les officiers royaux d’accepter tout cadeau pour eux-mêmes ou leur famille, afin d’éviter toute forme de corruption, impossibilité d’infliger une amende sans jugement, instauration du principe de présomption d’innocence. Se souciant des injustices pesant sur la condition féminine, Saint Louis s’efforce de préserver leurs héritages et leurs dots en interdisant qu’une femme puisse être punie pour les fautes de son mari.
Roi bâtisseur, enfin, Saint Louis fonde l’abbaye de Royaumont qu’il attribue aux Cisterciens, participe à l’érection des grandes cathédrales gothiques, fait édifier la Sainte Chapelle, véritable écrin de verre enfermant les reliques de la couronne d’épines, fonde avec Robert de Sorbon, son confesseur et ami, leCollège de la Sorbonne, institue pour les Aveugles l’hospice des Quinze-Vingts, restaure l’Hôtel Dieu de Paris, ou encore fortifie la ville d’Aigues-Mortes, point de départ des deux croisades qu’il mena au cours de son long règne de 44 ans.
C’est d’ailleurs Saint Louis, qui, le premier, accorde la protection de la France aux peuples chrétiens d’Orient, bien avant les Capitulations signées en 1536 par François Ier avec la Sublime Porte. Faisant escale à Chypre au cours de la VIIème croisade en 1250, Saint Louis se proclame le protecteur des Chrétiens maronites vivant sous domination musulmane : « Pour nous et nos successeurs sur le trône de France, nous promettons de vous donner à vous et à tout votre peuple notre protection spéciale comme nous la donnons aux Français eux-mêmes ». Texte fondamental car, pour la première fois, des garanties sont accordées par la France à des populations étrangères vivant sous la domination de souverains musulmans.
Comment ne pas voir dans la figure de Saint Louis un modèle pour notre temps !
Le manque de justice se fait cruellement sentir, alors que des pans entiers de notre territoire deviennent des zones de non-droit où les caïds font régner la terreur, et que des magistrats laxistes relâchent les délinquants récidivistes traqués par la police, alors que la Garde des Sceaux fait adopter un projet de loi contribuant à vider les prisons.
La recherche de la paix en Europe devrait conduire la France à jouer un rôle d’arbitre en Ukraine, au lieu de se contenter d’infliger des sanctions économiques à la Russie. Comment ne pas comprendre qu’il est illusoire et dangereux de vouloir cantonner l’Ukraine dans le giron européen alors que le pays reste tiraillé entre l’Ouest soumis à l’influence occidentale, et l’Est, proche de la Russie, qui n’acceptera jamais un satellite de l’OTAN ou de l’UE à ses frontières.
De même, la « réformation du royaume » est une nécessité vitale dans un pays soumis à des corporatismes plus dangereux que les féodalités médiévales, et victime d’un chômage endémique, d’une taxation asphyxiante, et d’une dépense publique toujours plus dispendieuse.
Enfin, face à ce qui s’apparente de plus en plus à un génocide des Chrétiens d’Orient mené par l’Etat islamique d’Irak et du Levant, comment ne pas s’inspirer de Saint Louis pour que, fidèle à notre tradition de protection des minorités chrétiennes d’Orient, nous demandions à l’ONU une intervention militaire placée sous l’égide du chapitre VII de la charte des Nations unies et conduite par une coalition où figureraient, aux côtés des Occidentaux, les pays de la Ligue arabe acceptant de s’impliquer dans une opération de la sorte. Ce serait notre manière contemporaine d’être fidèle à l’héritage de saint Louis !
> Charles Beigbeder anime un blog.
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