A défaut d’avoir des solutions pour le pays ou plutôt le courage de les mettre en œuvre, nos politiques n’ont plus que ce mot à la bouche. Dissolution ! Dissolution ! Et la démission du Gouvernement Valls I ne fait que raviver cette demande. Mais une dissolution pour qui ? Une dissolution pour quoi ?
Dissoudre l’Assemblée Nationale pour voir l’UMP-UDI l’emporter. En effet, la logique du balancier de la Ve République voudrait qu’après deux piteuses années de gouvernement socialiste, les Français se rabattent sur la droite. Plusieurs membres de l’opposition – Mariani, Sauvadet, Ciotti & Co – ne s’y sont pas trompés, appelant de leur vœux une dissolution et se voyant déjà récupérer un maroquin ministériel. Dans ce marigot, une voix, Geoffroy Didier, cofondateur de la Droite forte et élu du Conseil régional d’Île-de-France, surnage quelque peu en reconnaissant que « l’opposition républicaine n’est pas prête » à faire face à une dissolution.
Car en effet tout électeur lucide constatera que si le PS est incapable de diriger ce pays, la droite est dans un tel état de délabrement intellectuel et humain qu’il lui serait impossible de gouverner. Elle n’a aucun programme ou du moins refuse de résolument se tourner vers les seules mesures crédibles, à savoir la réduction massive de la puissance publique (diminution des dépenses, des impôts, des réglementations, du nombre de fonctionnaires et d’élus…), le retour des libertés (d’entreprise, d’expression, d’éducation…) ainsi que la lutte contre l’immigration et contre le déclassement culturel de la France. Elle se contente d’être une pâle copie de la gauche tout en servant à intervalle régulier des discours musclés pour conserver son électorat cocu. Parallèlement, cette droite n’a aucun leader. Ah si, pardon, mille pardons, excuses infinies… j’oubliais… le Sauveur ! Sarkozy. L’homme au prestigieux bilan économique : 465 milliards de dette publique d’Etat supplémentaire (hors collectivité), 430 000 chômeurs de plus et 30 milliards d’euros de déficit additionnel de la balance commerciale. L’homme qui, faute de courage, n’a initié aucune réforme structurelle de grande ampleur (marché du travail, éducation, retraites, impôts…). L’homme qui a bafoué la démocratie en faisant adopter par le Parlement en 2007 le Traité constitutionnel européen rejeté deux ans plus tôt par voie référendaire. L’homme qui a tellement honte d’être de droite qu’il a passé son quinquennat à racoler la gauche. Dîtes, les mecs de l’UMP, nous resservir Sarkozy, c’est un peu comme si Vivendi nous proposait le retour de Messier !
Pour se consoler, il nous reste la momie Juppé – le meilleur d’entre nous – qui rêve toujours, à 69 ans, de l’Elysée. Il s’est révélé un Premier ministre hors pair en 1995 (réforme ratée de la sécurité sociale, hausse tout azimut des impôts…) avant de briller au Quai d’Orsay en 2011 (intervention militaire et instauration du chaos en Libye). Au passage, après s’être fait battre aux législatives en 2007, l’homme, dont la bravoure est la meilleure vertu, a renoncé à se présenter en 2012.
“La dissolution, c’est bien pour occuper les éditorialistes de salon et faire vibrer nos politiques incompétents et couards. Mais elle ne permettra en rien d’espérer voir la France enfin sortir du trou noir !”
En joker, les électeurs de droite pourront se rabattre sur Le Maire alias la baudruche qui s’est abstenu sur la loi du mariage pour tous ou Fillon frappé par Alzheimer quand il s’agit de se rappeler qu’il a dirigé le gouvernement pendant 5 ans !
Naturellement, cette dissolution est appelée de ses vœux par Marine Le Pen et sa garde rapprochée. Certes, avec actuellement deux députés, le Front National a toutes les chances d’accroître son nombre de parlementaires. Mais de là à obtenir les 289 sièges nécessaires à une majorité absolue, il reste du chemin. Surtout, en cas de victoire, il est difficile de comprendre comment le FN compte diriger et redresser le pays avec, intégré à son programme, le retour de la retraite à 60 ans, la ré-indexation des salaires sur l’inflation, la revalorisation des salaires de la fonction publique ou encore le flou artistique sur la sortie ou non de l’euro. Reste son discours cohérent sur l’immigration. Mais une fois au pouvoir, disposera-t-il de l’autorité nécessaire pour faire appliquer ses décisions ?
De l’autre côté de l’échiquier politique, la situation est forcément moins nette. Personne ne veut appeler à la dissolution pour voir triompher la droite. Pour autant, les déclarations des uns et les agissements des autres mènent inéluctablement à ce scénario.
Il y a Montebourg et Hamon qui ont cherché à faire du Chevènement, mais sans couille. Leur contestation de la ligne économique gouvernementale sans démission est à l’origine de la crise. Maintenant que les deux hommes sont écartés du pouvoir, ils espèrent tirer les marrons du feu en devenant les nouveaux leaders des frondeurs du PS et, pourquoi pas, en nouant alliance avec Mélenchon, le roi des gadins électoraux. Il y a aussi les communistes – oui ça existe encore – qui restent les meilleurs adversaires d’Hollande. Tout ce petit monde – soutenu par les députés d’EELV dont l’insignifiante Duflot – va pouvoir dénoncer avec plus de force l’austérité dont la France est victime et diviser un peu plus cette pseudo-majorité. Car les dépenses publiques françaises atteignent 57% du PIB et le pays affiche un déficit supérieur à 4% pour 2014, mais ce pauvre Valls est accusé de pratiquer l’austérité budgétaire. Enfin, avec ces idiots utiles, il faut voir le bon côté des choses. D’une part, ils affaiblissent chaque jour un peu plus la gauche… peut être au point de la faire enfin mourir ou, tout au moins, de la ringardiser entièrement. D’autre part, ils renforcent la probabilité d’une crise à la grecque qui enverra le pays sous tutelle de l’Union européenne avec instauration d’une cure d’austérité. Une vraie cette fois, avec du sang et des larmes !
Alors la dissolution, c’est bien pour occuper les éditorialistes de salon et faire vibrer nos politiques incompétents et couards. Mais elle ne permettra en rien d’espérer voir la France enfin sortir du trou noir !
> Henri Dubreuil est diplômé en économie et en finance.
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