Annoncer avec arrogance la loi instaurant les peines de probation pour vider les prisons après la mort de Jacques Blondel, et à proximité de l’endroit où on l’a tué relève de la politique de Gribouille qui se jetait dans le puits pour éviter la pluie. Mais Gribouille est un niais ridicule. Christiane Taubira ne fait pas rire car sa posture idéologique et hautaine relève du tragique. Ce sont les Français qu’elle précipite dans le trou, et elle le fait avec de belles formules inconvenantes devant la souffrance des vraies victimes, celles qui subissent les crimes et les délits, pas ceux qui les commettent, mais les seconds intéressent davantage la ministre dont l’inversion des valeurs est en quelque sorte la spécialité. Ce qui s’est passé à Marignane n’est pas un fait divers. C’est un événement lourd de signification quant au devenir de la société française.
“Le drame de Marignane est un réquisitoire contre le projet de Christiane Taubira.”
D’abord les faits plaident amplement contre le laxisme judiciaire et la non-détention des délinquants. Marwan Rezgui, l’un des deux auteurs « présumés » du braquage suivi du meurtre était, comme on le dit trop souvent, connu des services de police. Il l’était pour une douzaine d’affaires, à 18 ans. Excusez du peu. Il avait été condamné trois fois, et se trouvait sous le coup d’une peine de 4 mois de prison avec sursis. Il était donc « suivi » par la justice, recevait des convocations auxquelles il se rendait, semble-t-il, était « accompagné » par la Protection judiciaire de la jeunesse, et le juge du tribunal des enfants avait observé une évolution négative de son caractère devenu « fuyant », sans en tirer de conséquence. Ce drame de Marignane est un réquisitoire contre le projet de Christiane Taubira. Elle souhaite que les auteurs de délits, pouvant entraîner jusqu’à 5 ans de prison puissent bénéficier d’un régime de probation, donc d’une « peine » en milieu ouvert assortie de contrainte et de contrôle. C’était la situation de Rezgui avec l’efficacité que l’on voit. Les actes qu’il avait commis, vols essentiellement, étaient jusqu’à présent des délits. L’attaque à main armée d’un débit de tabac devient un crime, mais c’est trop tard. L’absence de peine sérieuse a fait son œuvre. On dira qu’il s’agissait d’un mineur au moment des faits précédents, mais ce sera pour mieux souligner l’absurdité, l’aveuglement qui consistent à faire dépendre du tribunal pour enfants des gaillards qui s’arment de fusils à pompe et n’ont manifestement plus un physique de gosse. La refonte totale de l’ordonnance de 45 sur la justice des mineurs, ce totem idéologique devant lequel les gouvernements prétendument de droite ont continué de se prosterner est LA priorité. L’aggravation de la loi pénitentiaire de 2009, qui visait à vider les prisons des condamnés à 2 ans, en montant la barre à 5 ans, ce qui implique vols, cambriolages et agressions sexuelles, est à l’évidence un contre-sens tragique. Le but est clairement de ne pas construire les lieux de détention indispensables et de prétendre accroître la sécurité en développant « l’accompagnement » des délinquants. En admettant même l’absence d’idéologie permissive et la mobilisation intense des services chargés du suivi, le bon sens et l’expérience suscitent le doute sur la capacité de l’État de mobiliser les moyens considérables pour atteindre l’objectif. Le risque sera, en outre, accentué si la « correctionnalisation » des crimes destinée à alléger les procédures judiciaires permet aussi l’extension de l’usage de cette pseudo-peine.
“Voyageurs du RER, lorsqu’on viole, dans votre voiture, restez assis et regardez ailleurs !”
Les propos tenus en exclusivité sur I-télé, par Hichem Rezgui, le frère de l’individu arrêté, sont terriblement révélateurs. Il s’excuse et présente ses condoléances, certes et c’est la moindre des choses, mais ne condamne pas les agissements de Marwan. Celui-ci serait, comme dit la journaliste, « victime » de ses relations. C’est lui qui a droit au mot ! Le frère parle d’un coup de folie et de manière odieuse pour la famille de Jacques Blondel, ajoute : « folie des deux côtés » ! On a bien entendu. Criminel et citoyen exemplaire sont sur le même plan. Qu’un citoyen honnête, ulcéré par la délinquance et par la violence, qui en a déjà été lui-même victime, se révolte parce qu’il a soif de justice est un acte de démence. Voyageurs du RER, lorsqu’on viole, dans votre voiture, restez assis et regardez ailleurs ! Pourtant, il faut le dire avec vigueur : Il n’y a aucune égalité entre un petit voyou ignorant de ce qu’est une vie et un homme qui, après une vie de travail, s’adonne à la joie d’être grand-père ! Une société qui ne protège pas de toutes ses forces le second contre le premier perd toute valeur. Mais le frère va plus loin : il justifie le refus de divulguer le nom du complice en fuite. Pourquoi ? Mais, parce qu’à Marseille cela entraînerait l’exécution du délateur. On a bien entendu : la loi existe, Madame Taubira, et c’est celle du crime. Cette loi implique d’ailleurs encore l’application de la peine de mort. Sans trop nous en rendre compte, nous vivons une révolution, une époque où tout s’inverse, où le loubard est en liberté tandis que le citoyen conscient de son devoir risque sa vie. Gilles Lipovetsky avait écrit Le Crépuscule du Devoir dans lequel il voulait entrevoir le remplacement du devoir collectif par un engagement plus personnel et éthique. Ce qui s’est passé à Marignane risque d’annoncer la nuit du devoir, à moins que cet événement ne suscite une véritable indignation, qui serait cette fois justifiée et entraînerait la réaction dont la France a besoin.
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