La politique est depuis toujours un composé d’action et de communication. L’une et l’autre sont nécessaires. Savoir faire et faire savoir dans le meilleur des cas doivent s’équilibrer. Annoncer, préparer, expliquer doivent entourer les mesures décidées et mises en oeuvre. La dérive actuelle, qui suscite le doute sur les institutions démocratiques, réside dans le déséquilibre qui s’est instauré. La communication envahit le champ politique : prise de court, elle réagit à tort et à travers en exposant l’homme d’Etat au ridicule. On se souvient de la gestion calamiteuse de l’épisode « Leonarda » par François Hollande. Mais, lorsque des annonces tonitruantes déçoivent sur le long terme parce qu’elles n’ont aucun effet, ou se perdent dans les contradictions d’une action au fil de l’eau, la déception grandit. Les trois derniers mandats présidentiels en sont de tristes exemples. Chirac n’a pas refermé la fracture sociale, ni Sarkozy mis fin aux zones de non-droit, ni Hollande en guerre contre la finance résorbé le chômage. Les Français n’ont pas cessé depuis 1981 d’être mécontents de leurs gouvernants qu’ils ont rejetés à chaque élection : 1986, 1988, 1993, 1995, 1997, 2002, 2007, 2012, 2017 … Les continuités sont mensongères : Mitterrand a été reconduit contre son Premier Ministre Chirac, élu lui-même contre Balladur, Premier Ministre. La dissolution a amené Jospin à Matignon, ce qui a permis à Chirac d’être reconduit à l’Elysée. Sarkozy lui a succédé parce qu’il s’opposait à lui et donnait l’illusion aux Français d’offrir une synthèse des deux finalistes de 2002, Chirac et Le Pen, un Chirac actif et efficace, et un Le Pen acceptable. Déçus, les électeurs ont choisi Hollande. Finalement, une majorité de votants a suivi Macron qui était une nouvelle synthèse, cette fois entre un Hollande doté d’un physique avantageux et d’une pensée mieux exprimée à défaut d’être plus claire et d’un Juppé, plus jeune, plus avenant, mais tout aussi capable. Beaucoup de Français se sont désintéressés de la question, mais globalement, ils n’ont pas été mécontents d’une solution qui renvoyait dos à dos les deux partenaires d’une alternance qui les fatiguait depuis 36 ans ! Il n’y a guère de pays qui aient connu une évolution aussi chaotique. Beaucoup de gouvernements ont été reconduits : Thatcher durant plus de 15 ans, Merkel depuis plus de 12 !
D’où vient ce mal français ? Paradoxalement, de la puissance apparente de l’Etat dans notre pays. Les Français en attendent plus qu’il n’est raisonnable. A force d’avoir tenté de les satisfaire en fardant la réalité plutôt que d’entreprendre une thérapie de choc, nos gouvernants ont accru la maladie et rendu la guérison de plus en plus difficile. Un Etat obèse, étouffé par les dépenses, et étouffant la société civile par sa fiscalité n’a plus de marges de manoeuvre. Les chiffres sont cruels : 57% du PIB en dépenses publiques en France contre 44% en Allemagne, 46% de prélèvements obligatoires contre 37% et 48 Milliards de déficit commercial contre 234 milliards d’excédents. Plus le temps passe, plus on entretient les Français dans leurs illusions. Le manque de courage de la « droite » et la démagogie, l’irresponsabilité criminelle de la gauche, d’une partie des médias, de certains syndicats et d’un réseau associatif politisé ont bloqué les solutions. La dernière était celle proposée par Fillon. Faute d’un remède énergique rendu impossible sur le terrain de la communication par le « pénélopegate », un autre chemin est emprunté. Celui-ci consistera à soigner davantage la communication que le malade. Macron possède pour cela des atouts, comme le soutien reconnaissant de BFM qui matraque ce matin même ses spectateurs avec les chiffres de son institut de sondages : 73% des électeurs de Fillon contre 59% dans l’ensemble seraient satisfaits du nouveau gouvernement que 53% des Français jugent efficace, tandis que 88% applaudissent au départ de Bayrou. Les retraités seraient particulièrement bienveillants. 68% des plus de 65 ans sont contents, ce qui tend à souligner le décalage entre les sentiments des sondés et les mesures annoncées, notamment pour la CSG, qui devraient les inquiéter davantage.
Macron, ce sera donc 10% d’action et 90% de communication, 10% de thérapie et 90% de cosmétique. Loin de s’en tenir à de petites phrases ou à quelques propositions, c’est l’ensemble qui est revu avec quelques principes essentiels qui expliquent le regard pour l’instant positif de tous ceux qui ne sont pas directement touchés par les difficultés, les jeunes ou les ouvriers par exemple. La clef de voûte du système est le « ni-ni ». Ni à gauche, ni à droite, le gouvernement ne sera pas idéologique, il sera technique. Il gommera les obsessions idéologiques des domaines où elles ont indisposé les Français, comme l’éducation ou la justice. Ce ravalement de surface n’augure rien des interventions voire des instrumentalisations à venir. Le départ de Bayrou de la Chancellerie laisse la place à une socialiste. De même, l’Etat d’Urgence ne pouvant être maintenu davantage avec des résultats pour le moins mitigés, comme l’attentat manqué par maladresse sur les Champs Elysées le prouve, et surtout avec la montée des récriminations contre les atteintes aux libertés, une loi permettra d’en sauvegarder définitivement les aspects principaux tout en sauvant les apparences. Il faut s’attendre, à ce que d’une manière générale, cette maxime soit la ligne de conduite de l’exécutif : « sauver les apparences plutôt que de changer la réalité ».
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