Si, comme le grand Charles l’a dit, « les Français sont des veaux », peut-être est-ce parce que beaucoup d’entre eux tètent obstinément à deux mamelles essentielles pour un échec permanent et systématique : celle de l’interventionnisme débridé, et celle du lobbyisme éhonté. L’actualité nous en fournit deux beaux exemples…
Aujourd’hui, pour la première mamelle, nous allons nous pencher sur l’interventionnisme débridé, et il ne faut pas très longtemps pour en trouver un exemple récent.
Comme vous ne le savez sans doute pas, pendant les deux années qui viennent de s’écouler, les taxis parisiens ont été forcés de limiter à deux leurs allers-retours vers Roissy par arrêté préfectoral. Autrement dit, peu importe la demande des passagers de Roissy désirant se rendre à Paris par taxi, le nombre de navette que chaque chauffeur pouvait faire dans une journée devait se limiter strictement à deux.
Pourquoi une telle limitation ? On pourra la supposer prise en fonction de critères objectifs et dans un but précis ; c’est la Préfecture qui nous les donne elle-même :
«15 000 taxis étaient parfois présents en même temps à Roissy, bien plus que la demande, et certains attendaient trois heures avant de charger. Environ 1100 réalisaient plus de deux rotations par jour. Pendant ce temps-là, les gens ne trouvaient pas de véhicule à Paris, où la course, de 4 km en moyenne, rapporte beaucoup moins mais peut durer longtemps à cause du trafic.»
Autrement dit, la préfecture de police prétend donc jouer le gendarme du marché des taxis parisiens. Elle constate, en une seule phrase, plusieurs choses, et y apporte, comme on peut s’y attendre, la réponse étatique la plus invraisemblable.
Ainsi, elle note que la demande en taxis à Roissy est un peu inférieur à l’offre. Elle note implicitement qu’il est bien plus rentable pour un taxi d’attendre trois heures à Roissy que de faire plusieurs courses dans ce temps dans la capitale elle-même, à cause du trafic. Et elle note qu’un millier de taxis arrivent à réaliser plus de deux rotations par jour. Parallèlement, la même préfecture constate qu’il y a pénurie de taxi dans la capitale.
Devant ce constat, la réponse libérale est claire : il faut trouver une solution simple pour accroître le nombre de taxis dans la capitale. Le nombre de licences étant fixées par… la préfecture de police, il lui est alors facile d’augmenter ce nombre, ce qui aura mécaniquement trois effets : le premier, de combattre le renchérissement de la licence, le second, de combattre le renchérissement de la course de taxi, et le troisième, de rendre le nombre de taxis disponibles dans la capitale plus important.
Eh oui : puisque le prix de la course vers Roissy va, mécaniquement, baisser (comme le prix de toutes les courses, par accroissement de la concurrence), il deviendra progressivement plus rentable aux taxis de rester sur Paris.
Si on pousse le raisonnement un peu plus loin, en libéralisant totalement le marché de la licence de taxi, on laisse au marché le soin de trouver le point d’équilibre entre le nombre de taxis dans la capitale et à Roissy, le prix de la course depuis et vers l’aéroport et dans la capitale. Mais c’est pousser le raisonnement déjà trop loin pour les capacités de la préfecture de police. Pour elle, la solution est simple : interdisons aux taxis d’être rentables et répartissons autoritairement le nombre de taxis à Roissy et à Paris. C’est ça, l’avantage de l’omnipotence de la police.
Notez que cette omnipotence ne s’accompagne pas du tout de l’omniscience, ce qui fait que la préfecture peut tout, mais agit les yeux bandés ne sachant pas exactement ce qui se passe. Et fait donc n’importe quoi. N’importe quoi qui se traduit par le cassage de l’arrêté préfectoral après deux ans de couinements des taxis.
Petite question : combien aura coûté la ridicule aventure préfectorale ?
Parce qu’après tout, les préfets doivent — ou devraient — rendre des comptes aux contribuables et aux citoyens qui les nourrissent et pour lesquels, service public oblige, ils travaillent. Et quand on se penche en détail sur le cas qui nous occupe, on voit une assez jolie facture, et pas le début du moindre commencement de solution.
Ainsi, dans cette facture, il faut compter le temps passé en procédures légales, tant du côté des taxis que du côté de la préfecture elle-même. Les uns ont passé ce temps sans pouvoir faire tourner leurs taxis en attendant. Les autres ont été mécaniquement impliqués dans une procédure qui leur a aussi coûté du temps, donc l’argent du contribuable.
La facture s’alourdit si l’on doit aussi tenir compte du chiffre d’affaire clairement perdu par les patrons-taxis ne pouvant faire autant de rotations sur Roissy que prévu/voulu. Accessoirement, c’est autant de TVA, de TIPP, d’impôts et de ponctions diverses que la préfecture n’aura pas pu collecter.
Il sera difficile d’évaluer précisément le coût de la dégradation de la réputation de Roissy lorsque les passagers ne trouvent plus de taxis, ceux-ci étant coincés sur Paris, quota de rotations épuisé. Roissy est déjà régulièrement cité comme étant l’aéroport le plus pourri du monde ; je suppose que la Préfecture de Police fait donc ici le nécessaire pour qu’il conserve sa belle première place.
Et bien sûr, la plus grosse ligne sur la facture sera pour le contrôle des limitations artificielles imposées par la préfecture ; combien de policiers mobilisés pour vérifier que les taxis n’ont bien fait qu’un maximum de deux rotations dans la journée ? Combien de patrouilles, combien de dossiers autrement plus important n’auront pas été traités grâce à la l’invraisemblable intervention de la préfecture ?
Heureusement, on apprend que la préfecture va faire appel et donc continuer à utiliser l’argent du contribuable pour pérenniser une solution débile à un problème idiot qu’elle a causé en premier lieu. L’interventionnisme montre ici qu’il n’y a rien de pire qu’une solution étatique à un problème étatique.
Et c’est vous qui remplirez la facture quoi qu’il arrive.
> h16 anime le blog hashtable.
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