S’il y a bien une chose qu’on ne pourra jamais reprocher à nos amis de cette gauche de combat qu’on voit dans tous les médias, c’est une trop grande rigueur logique : tous ont largement su s’affranchir de cette cohérence qui permet les débats de bonne foi et les argumentaires soignés pour nous proposer à la place leur interprétation aussi fluctuante que leur desiderata du monde qui les entoure.
Mélangeant avec un brio certain le « Faites ce que je dis mais ne faites surtout pas ce que je fais », l’art du Deux-Poids Deux Mesures savamment pas dosé du tout et celui du « je dis un truc puis son contraire, même pas mal à la fin », la gauche médiatique, élue ou non, s’est toujours largement montré apte à plier le réel à ses lubies.
Et il y a de quoi plier, du reste, tant le réel est raciste, sexiste, froidement logique et terriblement phobe d’un peu tout et n’importe quoi.
Dernièrement, nous en avons eu une brillante démonstration par, Maryam Pougetoux, une déléguée de l’UNEF, cette officine semi-officielle de recrutement des cacadres de ce qui fut jadis le Parti Socialiste. Cette brave pseudo-étudiante mais authentique militante socialoïde s’est fendue d’un entretien dans lequel elle apparaît, précisément au titre de déléguée de l’UNEF, et coiffée d’un voile qu’on ne pourra guère interpréter autrement qu’islamique.
Dans le flot de commentaires plus ou moins subtils et plus ou moins pertinents, oublions bien vite ceux qui hurlent au crime de lèse-République, puisque, doit-on le rappeler, même si la France perd tous les jours l’une ou l’autre de ses libertés, celle de s’habiller comme on le veut demeure encore valable pour le moment.
En revanche, on pourra s’attarder sur ces chroniqueurs qui ont eu la présence d’esprit de remarquer toute l’incohérence de la militante envoilée : on ne peut pas, indépendamment du sujet qu’on veut aborder, se présenter pour un entretien politique avec cette tenue spécifique sans faire immédiatement de cette tenue un message lui-même politique. Et quand bien même cette militante aurait choisi son voile pour des raisons religieuses, sa présence dans ce contexte ne prend plus la même signification.
Et même en admettant très gentiment qu’elle n’y avait pas pensé (oh, oui, Maryam, c’est sûr, tu n’y avais pas pensé), force est de constater que l’incohérence reste cependant impossible à évacuer tant l’UNEF s’était explicitement placé, il n’y a pas si longtemps (en 2013), contre le port du voile.
L’UNEF a-t-elle changé d’avis ? Utilise-t-elle le « en-même-temps » macronique, le 50/50 ou, plus démagogiquement, l’avis du public pour trancher ?
En attendant que le syndicat de gauche des intermittents de l’étude prenne une position claire, précise et cohérente, nous pourrons toujours nous occuper en regardant l’intéressant spectacle qui s’organise autour de cette question au demeurant particulièrement essentielle tant à la vie estudiantine qu’à la bonne marche du pays qui, on vous le rappelle, va de mieux en mieux.
C’est d’ailleurs avec un plaisir sans borne qu’on peut maintenant admirer Bruno Julliard, le premier adjoint évidemment PS évidemment à la Mairie de Paris, s’ébrouer tout joyeux dans cette belle polémique gluante comme un ver de terre heureux de se tortiller dans une glaise bien molle.
Pour ceux qui l’auraient oublié, notre ami Bruno est un des rares à avoir su tirer son épingle du jeu suite aux troubles du CPE : ayant réussi – avec brio – à éviter toute forme de réflexion trop épuisante dans le monde réel grâce à son encartage au sein de (je vous le donne en mille) l’UNEF, il est ainsi passé directement du non-travail estudiantin après un parcours brillant comme non-lycéen gréviste, à un poste de politicien dans lequel il suit méticuleusement la tendance globale à toucher une indemnité en appliquant une stricte économie d’énergie (la sienne).
Et pour Bruno ex-président de l’UNEF, ce « voile est le signe d’une bigoterie patriarcale et sexiste en contradiction avec les combats féministes que l’UNEF a toujours portés »… Ce qui, en terme rhétorique, revient à mettre une belle gueulatine à Maryam (la gueulatine étant au pain dans la gueule ce que la chocolatine, terme en cours de légalisation officielle, est au pain au chocolat).
On attend maintenant avec gourmandise le moment où il faudra trier un peu toutes les réactions, et savoir comment les uns et les autres auraient dû réagir. Notons au passage, comme le fait le twitteur Bastiat2022 avec un humour mordant, que si la militante avait porté un t-shirt Civitas en lieu et place du foulard, la tournure des événements aurait été toute aussi croustillante.
On pourrait croire tout à fait fortuite et ponctuelle cette cohérence à géométrie variable chez les gauchistes d’affichage.
Cependant, de nombreux cas, répétés à l’envi, nous laissent largement penser qu’il n’en est rien et qu’il s’agit bel et bien d’un trait caractéristique de cette tournure d’esprit. Et ici, il me suffira de prendre l’exemple du plus célèbre de nos « gauchistas », divas gauchistes au poing tendu et au verbe fort, pour illustrer mon propos : Jean-Luc Mélenchon a en effet été tout particulièrement gâté par l’actualité.
C’est ainsi qu’on apprend par exemple qu’après avoir tonné contre ceux qui tiquaient trop ouvertement du score soviétique de Maduro au Venezuela (au point de les qualifier de « larbins des USA »), notre fier grignoteur de quinoa a volé au secours des dirigeants de Podemos, Pablo Iglesias et de sa compagne Irene Montero, dont l’acquisition récente laisse un goût amer aux électeurs espagnols.
Il faut dire que Podemos est, au départ, un parti de gauche radicale, troisième force politique en Espagne, allié des Insoumis français et se fait fort de préconiser une éthique de vie de ses élus sinon ascète, au moins humble avec laquelle cadre mal l’achat par son secrétaire général et sa porte-parole parlementaire d’une villa à plus de 600.000 euros. Pourtant, Podemos – auquel sont inscrits nos deux frétillants députés gauchistes – impose une charte à ses signataires qui leur demande de « vivre comme les gens ordinaires » afin de mieux « les représenter au sein des institutions ».
On comprend le malaise outre-Pyrénées. Malaise qui, heureusement, ne touche absolument pas Mélenchon qui n’y voit qu’une basse manœuvre médiatique de la part des opposants.
Il faut dire qu’il a déjà expérimenté ce genre de procès, lui qui a bien été obligé de déclarer, de façon gênée, ses possessions dans la récente course présidentielle de laquelle il n’était pas sorti trop gagnant. Et comme pour les dirigeants de Podemos actuellement en difficulté, Mélenchon s’était alors empêtré dans ses contradictions internes où, d’un côté, gagner de l’argent, c’est évidemment mal (puisqu’au détriment des classes laborieuses spoliées tralalilalère) et de l’autre, on est tout de même obligé de constater que la politique, finalement, ça paie plutôt bien son homme…
Ce qui ne lasse pas d’énerver passablement l’Insoumis, l’entraînant peut-être dans des écarts de langage ou de formulation… qui lui valent l’un ou l’autre procès. De façon intéressante et bien qu’ayant toujours professé une sainte horreur de l’immunité parlementaire, il semblerait que notre homme, décidément plus à une contradiction près, ne se gêne guère pour l’utiliser lorsqu’elle peut lui éviter les enquiquinements de justice.
Eh oui : finalement, les petits privilèges, ça peut servir. Les petits avantages et les jolis salaires, on n’y renonce pas, tout populiste soit-on. Et pour le gauchiste médiatique, peu importe finalement la cohérence tant que passent les messages démagogiques.
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